Une autonomie vidée, un séparatisme en embuscade
Il est clair qu’Azali Assoumani avait anticipé les conséquences de ses actions. Son objectif est évident : concentrer tous les pouvoirs entre ses mains, pendant ce que l’on pourrait appeler la « décennie des hydrocarbures aux Comores. » Cette centralisation excessive du pouvoir et l’aliénation des gouverneurs des îles risquent de raviver les tensions séparatistes et de réveiller le sentiment de marginalisation et d’injustice à Anjouan et à Mwali.
Par Khaled Simba
Notre pays traverse actuellement un feu ardent. Le régime Azali ne cesse de lui porter des coups, et la course pour trouver un remplaçant est déjà bien engagée. Notre archipel, avec sa beauté naturelle et sa diversité culturelle, se trouve à un carrefour dangereux de son histoire politique. Les démons du passé menacent de refaire surface, et le colonel ne pense qu’à la manière la plus crédible de garder le pouvoir jusqu’en 2030.
En plus de centraliser tous les pouvoirs entre ses mains, Azali Assoumani a orchestré une réduction drastique du pouvoir des gouverneurs, sapant ainsi l’autonomie des îles. Les gouverneurs, dépouillés de leurs prérogatives et de leur pouvoir décisionnel, sont devenus, malgré eux peut-être, des marionnettes politiques, des figurants, des VRP de luxe, dont la seule mission est d’avaliser tout ce que décide le gouvernement central. Une situation qui sème les graines du mécontentement et d’une crise qui ne dit pas son nom.
Le cas des gouverneurs et de leurs prérogatives n’est pas nouveau, et de nombreuses choses ont été dites depuis la révision constitutionnelle de 2018. Mais rien n’y fait. Nous aboyons, et la caravane du colonel avance, comme le disent certains de ses partisans. Cependant, à quelques mois des prochaines élections, nous lançons l’alarme sur ce jeu de pouvoir dangereux et délibéré qui menace l’unité et la stabilité du pays, un jeu qui réveille un monstre aux aguets, que nous ne souhaitons pas recroiser : le séparatisme.
La manière dont le pouvoir central traite les gouverneurs, combinée à la disparition de la tournante, contribue à alimenter le discours séparatiste. Certains compatriotes, aux esprits malsains, n’hésiteront pas à réveiller des blessures anciennes.
Toutefois, les gouverneurs, devenus des représentants de façade et conscients qu’ils ne doivent leur élection qu’à Azali, ne pipent mot, et affirment à qui veut l’entendre que tout va comme sur des roulettes. Cependant, l’autonomie des îles n’est aujourd’hui qu’une illusion, un effet d’optique, une position difficile à tenir pour toute personne attachée à son honneur. C’est ainsi qu’Anissi Chamsidine a jeté l’éponge pour la prochaine mandature.
Le gouverneur Anissi semble épuisé par l’irrespect et la condescendance de l’exécutif central. Ce dernier a tout fait pour le rendre marginal. Nous nous souvenons de cet arrêté interdisant les mouvements de bateaux en provenance de Mayotte pendant la pandémie de la COVID-19, ainsi que celui interdisant le débarquement des « refoulés de Mayotte » qui sont restés sans effet et que le gouvernement central a ignorés. De même, son interdiction d’entrée au port de Mutsamudu a fini par saper profondément son pouvoir et a confirmé aux yeux de tous et toutes, le petit rôle de représentation honorifique accordé aux gouverneurs. Dans le même élan, nous pouvons également parler de ces nominations de la gouverneure de Ngazidja à certaines directions au début de son mandat, qui ont simplement été ignorées sur instruction de l’ancien SGG.
Il est clair qu’Azali Assoumani avait anticipé les conséquences de ses actions. Son objectif est évident : concentrer tous les pouvoirs entre ses mains, pendant ce que l’on pourrait appeler la « décennie des hydrocarbures aux Comores ». Cette centralisation excessive du pouvoir et l’aliénation des gouverneurs des îles risquent de raviver les tensions séparatistes et de réveiller le sentiment de marginalisation et d’injustice à Anjouan et à Mwali.
Aujourd’hui, les Comores se tiennent à la croisée des chemins, confrontées à un avenir incertain et potentiellement dangereux. Nous sommes menacés par un leadership qui a centralisé à outrance le pouvoir entre les mains du seul président dictateur et a réduit drastiquement l’autonomie des îles. Ce n’est pas seulement une question politique, mais un appel à la conscience de chaque citoyen comorien, car la grandeur des Comores réside dans leur diversité et leur unité.
Le retour du spectre du séparatisme est une menace bien réelle, et il incombe à tous les patriotes comoriens de préserver l’unité de la nation. Il est temps de rejeter le jeu de pouvoir égoïste qui menace de détruire notre démocratie et la quiétude retrouvée de nos îles, en supprimant l’autonomie insulaire.
La décision du gouverneur Anissi Chamsidine de ne pas se représenter aux prochaines élections, lui qui n’a presque pas d’opposition à la hauteur, devrait nous interroger et nous réveiller. Car si nous ne faisons rien, d’autres forces se saisiront de la situation pour déstabiliser notre pays, comme elles l’ont fait auparavant.
En attendant, soyons intègres, soyons citoyens, soyons Comoriens, et le meilleur suivra.