Depuis le lancement le 21 avril 2023 à Mayotte de l’opération Wuambushu, censée lutter contre l’insalubrité, la violence et l’insécurité, Mutsamudu vit dans la peur. Les autorités locales craignent l’arrivée massive de centaines de Comoriens alors que la ville n’a pas été préparée. Une protestation silencieuse a finalement éclaté à Anjouan, avec un cri d’alarme provenant du gouvernorat de l’île. Les inquiétudes portent sur le manque de ressources et de coordination pour gérer une telle crise humanitaire prévisible à Anjouan si les reconduites devenaient plus fréquentes, comme le prévoit l’opération décidée par les autorités françaises.
Par M. Bacar
Des expulsés déguisés en simples voyageurs
Bien que le président Azali ait déclaré officiellement qu’aucun Comorien ne serait reconduit dans la contrainte de Mayotte vers les autres îles, la réalité est différente. Les reconduites se sont poursuivies dans les ports de l’Union des Comores, sous un maquillage trompeur qui consistait à mélanger des expulsés et des voyageurs standards et le tour était joué.
Pendant une semaine, les élus locaux et l’exécutif de l’île se sont mobilisés pour débattre de la question et recueillir des avis.
Réunis à l’hôtel de ville de Mutsamudu, les élus locaux et l’exécutif de l’île ont exprimé leur profonde inquiétude quant au déroulement de l’opération, qu’ils qualifient d’« impérialiste » et de tragédie humaine. Par un communiqué, l’ensemble des maires d’Anjouan a condamné fermement l’opération Wuambushu et dénoncé la marginalisation des frères comoriens vivant à Mayotte et la création délibérée de la délinquance par « les forces d’occupation ». Les maires s’opposent vigoureusement à l’arrivée de milliers de personnes dans l’île, principalement des personnes n’ayant jamais mis les pieds dans les autres îles, et appellent les autorités nationales à assumer leurs responsabilités pour éviter un drame humain.
Les élus d’Anjouan unis contre les expulsions de Mayotte
Pour clore cette réunion, les élus et l’ensemble de l’exécutif d’Anjouan ont improvisé une marche pacifique au départ de l’hôtel de ville de Mutsamudu jusqu’au port. Une action très remarquée et commentée dans les réseaux sociaux.
Cette unité affichée du gouvernorat d’Anjouan et les élus locaux autour de la mobilisation anti-Wuambushu, prend de court les autorités de l’Union. Bien que cela était prévisible depuis le début de la crise. Le gouverneur Anissi s’est souvent montré publiquement agacé par la gestion opaque du dossier et aurait envoyé une lettre officielle il y a quelques jours au président de l’Union, exprimant sans détour sa position fondée sur la défense de la souveraineté des Comores et mettant en garde contre une tragédie humaine à Anjouan. Tout en restant à l’écoute des instructions de Beit-Salam. La réponse se ferait toujours attendre d’après un proche du gouverneur.
Au-delà de cette mobilisation de l’exécutif d’Anjouan, qu’attend concrètement le citoyen lambda ?
Il devra peut-être se contenter du moratoire préfabriqué sur les reconduites de Mayotte vers Mutsamudu. Cependant, une question reste sans réponse et suscite davantage de peur chez les Anjouanais : pourquoi les autorités refusent-elles de communiquer clairement et concrètement leur position ?
L’île d’Anjouan est-elle en danger ?
Anjouan a de bonnes raisons de s’inquiéter, car des actes de banditisme similaires à ceux observés à Mayotte ont été signalés ces dernières semaines dans plusieurs communes de l’île. En particulier, la ville de Mutsamudu voit affluer de nouveaux visages, attirés par le commerce informel qui prend de l’ampleur. Ces nouveaux arrivants cherchent à obtenir un billet retour pour Mayotte.
Malheureusement, les vols à la tire de téléphones portables sont devenus monnaie courante ces derniers jours dans la médina de Mutsamudu, et ailleurs également. De plus, il y a quelques semaines, des cas de coupeurs de route ont été signalés et confirmés dans la région nord-est de l’île.
En résumé, Anjouan jusqu’ici reconnue comme étant une île paisible craint d’avoir à gérer des problèmes similaires à ceux de Mayotte, auxquels l’île ne s’est pas préparée.
Selon certaines indiscrétions provenant de l’entourage d’Anissi Chamsidine, l’exécutif de l’île semble particulièrement craindre aussi que la déportation simultanée de milliers de délinquants incontrôlés à Mayotte ne soit en réalité qu’un camouflage pour infiltrer des éléments perturbateurs à Anjouan dans le but d’éliminer la seule résistance contre les projets de la France à Mayotte.