À Mayotte, l’opération Wuambushu qui est en cours a pour objectif de renvoyer des Comoriens de Mayotte vers les trois îles sœurs indépendantes depuis 48 ans. Est-ce la meilleure solution pour la paix dans l’île et dans la région de l’océan Indien ?
Par Abdourahim Bacari
La réponse est bien claire. Non, elle n’est absolument pas la bonne solution et les autorités françaises, à l’origine de cette opération le savent pertinemment. Ils savent que guérir les effets au lieu de guérir les causes ne peut en aucun cas être la bonne réponse à ce problème de délinquance juvénile montante et menaçante. Mayotte est entourée par des territoires extrêmement pauvres, dans lesquels les populations sont soumises à des dictatures qui amènent systématiquement les gens à partir, au péril de leur vie, où ils pensent vivre mieux. Mayotte est une destination qui aspire confiance et certitude de réussite pour ces populations en souffrance. C’est une réalité à laquelle il faut tenir compte. Encore une fois la France passe à côté de ce qui devait être la meilleure solution. On sait très bien que l’arrivée massive des Comoriens, Malgaches et Africains des Grands Lacs est tout simplement due à la disparité économique et sociale qui existe visiblement entre les territoires d’émigration et Mayotte. La question de Mayotte est centrale pour la sécurité de la région et même au-delà de la région de l’océan indien. Car c’est le canal du Mozambique, un carrefour international qui risque d’être perturbé dans l’avenir. La réalité que beaucoup de nos dirigeants savent sans aucun doute, est que de nos jours, le canal du Mozambique ne facilite pas que les transports légaux des grands bateaux qui portent des conteneurs qui ravitaillent le monde entier, mais qu’il est aussi exploité par des réseaux mafieux, par des trafiquants de stupéfiants, d’êtres humains, de lingots d’or, de pirateries et terrorismes. Tous ces réseaux du grand banditisme exploitent sans aucun doute des jeunes sans repères. Les jeunes que la France veut expulser de façon violente vers Anjouan sont majoritairement sans formation. Une bombe à retardement qui risque d’exploser sur la figure de tous les pays de la région.
Rappelons que les Comores, comme Madagascar, sont habitées par des populations très jeunes, estimées à plus de 65%. Une jeunesse en manque de formations professionnelles solides qui faciliteraient leur insertion dans la vie active. Une jeunesse livrée à elle-même, on ne doit pas l’oublier.
Pourtant, je me rappelle qu’en 2017, précisément, le 27 novembre, l’ambassadrice de France à Moroni, Jacqueline Bassa-Mazzoni a été reçue à Beit-Salam, palais présidentiel, par le président Azali Assoumani pour parler d’un projet florissant qui aurait profité à la jeunesse comorienne. Un projet de formation professionnelle et d’apprentissage pour les jeunes. Ce projet est actuellement opérationnel dans beaucoup de pays d’Afrique comme en Côte d’Ivoire et on se demande pourquoi il n’a pas marché pour Madagascar et les Comores. Alors que le but de ce projet était d’accompagner les Comores dans leur développement socio-économique. Malgré la volonté qu’avait affichée la France pour mettre en place ce projet, rien n’a malheureusement été fait.
Nous pouvons nous interroger aujourd’hui sur ce qui a empêché sa réalisation. Est-il possible de revoir les tenants et les aboutissants de ce projet phare pour pouvoir le réaliser afin de sauver aussi bien les Comores que la région de l’océan Indien de toutes sortes d’instabilités ?
Les Comores et la France doivent voir clair sur la situation politico-diplomatique critique actuelle qui les oppose et qui risque de compromettre leurs relations plusieurs fois séculaires. Les deux pays doivent réagir en intelligence pour apporter des solutions concrètes et pérennes pour éviter toutes sortes de violences qui causeraient des bavures des deux côtés. L’opération Wuambushu est une solution à court terme. D’ailleurs, en renvoyant des gens en détresse, surtout des jeunes longtemps abandonnés, en manque de repères avec un avenir incertain, la France est en train de tirer sur un corbillard. Encore une fois, nos dirigeants politiques doivent viser le long terme. Pour cela, au lieu de Wuambushu il serait judicieux de faire appel à l’initiateur de ce projet de formation professionnelle et d’apprentissage, le Général Bruno Clément Bollée, général de corps d’Armée, ancien directeur de la coopération de sécurité et de la défense aux ministères des Affaires étrangères pour une solution pérenne qui profiterait à toutes les parties aujourd’hui en conflit.