Ce lundi 17 avril correspond au 25e jour du mois de ramadan aux Comores. À ce stade, les préparatifs de la fête de l’Aïd El-Fitr se font ressentir. Les rues des chefs-lieux de chaque île (Mutsamudu, Fomboni et Moroni) sont envahies par les marchands de prêt-à-porter, des linges de maisons et autres bricoles. Il est de coutume de se vêtir avec des habits neufs ce jour là et de bien décorer la maison. Le matin, les hommes portent leurs Nkandu et kofia (boubou et bonnet traditionnels) pour aller à la mosquée. Les couturiers des tenues traditionnelles comoriennes sont donc surbookés à l’approche de l’Aïd.
Par Natidja HAMIDOU
La fin du mois de ramadan est marquée par la fête de l’Aïd El-fitr. Les musulmans portent des vêtements neufs pour aller prier et rendre visite aux proches. Aux Comores, les familles rivalisent pour que leurs enfants portent les plus jolies tenues. C’est d’ailleurs le meilleur défi des familles. Qu’ils soient riches ou pauvres, les parents doivent acheter ou confectionner des habits neufs pour leurs progénitures. Quant aux adultes, c’est plutôt la meilleure tenue traditionnelle qui prime. Pour les hommes, il faut que le Nkandu, kofia, joho, dragila et bushti (habits traditionnels comoriens) soient confectionnés et prêts pour le jour J. Le port de ces tenues citées est contextualisé d’une île à une autre. C’est surtout à Ngazidja qu’un homme doit porter telle ou telle tenue selon son statut. C’est dans cette île qu’on retrouve le fameux Doroso. C’est un fait qui consiste à envoyer des habits traditionnels (Nkadu, kofia, chaussure et autres accessoires de mode) au fiancé de la future mariée. La famille de la fiancée envoie généralement à leur futur gendre à chaque fête de l’Aïd El-Fitr jusqu’à l’union de leur fille.
Le Gawuni, la tenue portée par la majorité des femmes à Anjouan le jour de l’Aïd
S’agissant des femmes, elles portent également les tenues traditionnelles : Gawuni et shiromani pour la femme anjouanaise, Saluva et kishali pour la femme mohélienne et maoraise, enfin sahare, subayiya, gawuni laleso pour la femme de la Grande-Comore. Les couturiers sont surchargés dans cette période puisqu’ils ont beaucoup de commandes à réaliser. Certaines tenues nécessitent une longue durée à confectionner, d’où le fait de commander très tôt. C’est le cas des Kofia, joho et juba.
À Anjouan, porter le Gawuni le jour de l’Aïdest une obligation. Cette robe traditionnelle, qui est portée lors des événements festifs, est une marque d’élégance et de classe pour la fille et la femme anjouanaises. De ce fait, c’est la tenue portée par la quasi-totalité des femmes à Anjouan. Les couturier(e)s se retrouvent par conséquent avec beaucoup de commandes à réaliser.
Nous nous sommes rapprochés d’une couturière anjouanaise pour en parler.
Une passionnée de la couture
Soumayya Mohamed est née à Domoni, à Anjouan. Âgée de trente deux ans, elle est assistante de direction au ministère de la Jeunesse et des Sports en charge de la Culture. Diplômée d’une licence en comptabilité dans une université égyptienne, cette jeune femme est passionnée par la couture depuis son plus jeune âge. Elle a commencé à coudre à l’âge de quatorze ans. « Depuis toute petite, j’ai toujours aimé faire de petites robes pour ma poupée. Au fur et à mesure que je regardais ma mère faire la couture, je l’ai pratiquée sans l’apprendre », affirme Soumayya Mohamed.
Soumayya Mohamed confectionne des chemises, des pantalons, mais aussi des robes notamment la fameuse Gawuni la kindzuwani. C’est après son principal boulot, dans l’après-midi que la couturière commence à fabriquer des habits. Elle travaille jusqu’au soir puisqu’elle n’a pas d’employés ni d’apprentis. Il lui faut deux jours pour coudre une robe : « ce n’est que le week-end que je couds toute la journée », précise-t-elle.
Des commandes supplémentaires à l’approche de l’Aïd
La clientèle de cette jeune femme augmente à l’approche de la fête de l’Aïd. Elle a indiqué avoir quinze commandes à honorer. Elle estime qu’elle pourra tout finir et satisfaire ses client(e)s. s’agissant du montant que le client ou la cliente doit payer, Soumayya indique qu’il varie selon le modèle de la tenue. Les revenus que cette femme peut enregistrer en confectionnant les tenues de l’Aïd est de trois cent à trois cent cinquante mille francs comoriens, c’est-à-dire 600 à 700 euros.
Notons par ailleurs que les adultes comoriens peuvent aussi porter des tenues traditionnelles d’autres pays tels que les boubous en provenance de l’Arabie Saoudite et Dubaï, des robes indiennes, des caftans de Maroc, etc. Il faut dire que la consommation des produits locaux est une problématique et un thème à étudier dans l’archipel. Les Comoriens ont du mal à mettre en valeur les produits locaux. Ce n’est pas par manque de créativités vis-à-vis des artisans et des artistes puisque les talents sont là. La majorité des Comoriens minimisent souvent les créations des couturiers locaux. Or, nous n’avons pas beaucoup à envier à nos voisins de la Tanzanie ou Madagascar. Il suffit d’une bonne volonté, de vouloir consommer comorien. C’est un rôle qui devrait être joué par le ministère de la Culture. Mais depuis belle lurette, ce ministère est quasi inexistant quand il s’agit de bien mettre en avant les talents comoriens. Ce sont ceux proches du pouvoir qui sont mis en avant lors des différentes foires ou expositions notamment s’il faut représenter notre pays à l’étranger.