L’ancien ministre des Affaires étrangères, Abdoulkarim Mohamed n’est plus. L’annonce de sa mort le soir du 2 août 2022 a bouleversé bien des gens qui l’ont connu dans la politique ou dans la vie quotidienne.
Par Mounawar Ibrahim
« Il est parti trop tôt », « Il était humble », « Il était gentil ». Une pluie d’hommages a inondé la toile et unanimement, ses qualités humaines ont été saluées. Son sens du devoir reconnu également. Beaucoup de jeunes, qui voyaient en lui la preuve d’une réussite possible, pleurent encore leur modèle. Le grand frère qui a démontré que nul besoin de se salir des années pour espérer une haute place dans la direction du pays.
Pharmacien et enseignant
L’ancien ministre de l’Éducation nationale de l’Union des Comores est né le 3 février 1975 à Mdjankagnoi, au sud-ouest de Ngazidja, où il a fait son école primaire. Arrivé au collège, il s’est rendu à Ouzioini, un village voisin pour la suite de son brillant cheminement. Pour le lycée, le choix s’est porté sur Foumbouni, capitale de sa région pour deux ans de formation avant de se rendre à Moroni pour préparer sa Terminale au lycée Said Mohamed Cheikh. Il obtint un Bac D la même année et décida de poursuivre l’aventure au Royaume du Maroc où il a entrepris des études universitaires orientées vers la pharmacologie. Il rentra aux Comores avec un doctorat dans ce domaine et intégra la pharmacie d’État, la PNAC, aujourd’hui devenue OCOPHARMA. C’est dans cet univers-là qu’il a fait la connaissance de celui qui lui donnera quelques années plus tard, un destin national : Ikililou Dhoinine.
Il officiait aussi en tant qu’enseignant à l’Université des Comores. Soucieux du bien-être collectif, beaucoup plus que de la quête du profit, il a ouvert sa propre pharmacie avec des prix accessibles par le grand nombre. M. Dini Nassur raconte sur sa page Facebook sa rencontre atypique avec lui : « elle est aussi ma mère et c’est tout à fait normal que moi aussi je paie ses médicaments ». Il aurait tenu ces propos lorsqu’il a payé les médicaments de la maman hospitalisée de celui-ci. Ce témoignage reste l’un des plus beaux qu’on lui ait rendus.
Un jeune ministre
Énormément de personnes ont raconté de belles histoires sur lui avant et après sa mort. Il est par la suite, nommé directeur de l’École nationale de médecine, couramment appelée École de Santé avant de tutoyer les sommets de l’establishment national. En 2013, tout le pays le découvre lorsque le président Ikililou Dhoinine le nomme ministre de l’Éducation nationale. Son nom était dans toutes les lèvres. Tout le monde parlait de ce jeune ministre de Mdjankagnoi, un village qui n’était pas forcément connu de tous jusque-là. A 38 ans, l’un des plus jeunes ministres de l’histoire du pays, son parcours fascinait déjà surtout qu’on ne le connaissait pas avant cette date. Un OVNI en politique.
Hormis ses élèves, les gens qui le fréquentaient à la pharmacie ou parmi ses amis, personne n’évoquait son nom. Et pourtant, tout d’un coup, il devient la révélation du quinquennat d’Ikililou Dhoinine. La star, l’étoile montante de la scène politique nationale. La région de Badjini avait trouvé à travers lui sa nouvelle coqueluche, son enfant prodigue. Porté par tout cet engouement, il décida de tester son aura, le degré de confiance que sa région lui portait, dans les urnes.
Allié à un Baron de la région, Aboudou Soefo, il se présente aux élections législatives de 2014 qu’il remporta sans trop de difficultés. Élu de la nation, il ne siégea pas au profit de son suppléant, Abdoulatuf Ibrahim, protégé de Soefo. Le président le sollicita pour d’autres missions. Il lui confia un grand ministère régalien. Il devint en 2015, ministre des Relations extérieures et de la Coopération jusqu’à la fin du mandat en 2016.
De ce poste, les critiques sont venues de partout. On lui reprochait son manque d’expérience en politique pour un ministère aussi sensible. En tout cas, il a su tenir bon et aucun incident diplomatique n’a été signalé durant cette période pendant laquelle il a dirigé la diplomatie comorienne.
Il était silencieux depuis l’arrivée d’Azali Assoumani au pouvoir. Il était installé en France où il suivait des soins pour une maladie qu’on disait grave. Rentré cet été, il s’est éteint le soir du 2 août 2022 dans ce pays qu’il a aimé et servi pendant sa si courte existence. Le lendemain, des funérailles nationales ont été organisées chez lui à Mdjankagnoi en présence de ses amis, ses proches et beaucoup d’officiels.