Djomani et Madjadjou font partie des quartiers de la capitale (Moroni) en très mauvais état, avec des foyers non connectés aux réseaux sanitaires et où la moitié des logements n’ont ni l’eau courante ni le tout-à-l’égout qui permet d’évacuer les eaux usées des habitations. Par Hachim Mohamed
« La pénurie d’eau sévit depuis 15 ans dans nos quartiers et les raisons ne manquent pas pour expliquer ces longues périodes de manque. Nous avons connu beaucoup d’échecs pendant deux ans avant de commencer à maîtriser tous les paramètres de cette situation invivable. Au départ, c’était le « bordel » à cause de mauvais acteurs, qui créaient des associations récoltant de l’argent dans le quartier et qui par enchantement disparaissent. », affirme l’ingénieur en informatique Salim Fardine qui connait les tenants et les aboutissants de ce « dossier. »
Avec les mamans et les notables
Les habitants de Djomani et Madjadjou se sont battus pendant plusieurs années pour se connecter au réseau d’aqueducs de la capitale. Les acteurs qui ont porté le projet sont formels. « En appui et collaboration avec les mamans et des notables du quartier, je suis un de rares habitants qui s’est fait un devoir d’organiser, impulser et coordonner l’action sur le terrain en plus d’en assure le suivi. Au début, nous sommes allés ensemble poser le problème de pénurie d’eau du quartier à la Sonese. Mais pour relancer le projet, j’ai été voir plusieurs fois le Directeur de la Sonese, Goulam », dévoile Salim Fardine.
Présent dans chaque évolution de ce besoin d’installation de système d’adduction et de distribution d’eau, le DAF de la Sonese, Saadi Assoumani se veut aussi un moteur, qui dans cette action collective coordonne les initiatives dans le service. « Pour le projet de ce système d’aqueduc à Djomani et Madjadjou, la Sonese a investi 3250000 FC pour l’achat à Madagascar des tuyaux et autres matériaux afférents à ces travaux. Tellement le quartier manque cruellement d’eau courante qu’il fallait des initiatives de la part de bonnes volontés pour venir à bout de cette situation insupportable. », lâche dans un premier temps ce fonctionnaire originaire du quartier avant de poursuivre. « Pour ce qui est du creusement de tranchées et la pose de canalisations, les agents de la Sonese seront aidés par les habitants qui sont « payés » par le comité du quartier qui s’occupe de la gestion de la main d’œuvre.
Au début du mois de Ramadan
En revanche, pour les travaux de construction du futur aqueduc, qui selon le calendrier que s’est fixé la Sonese débitera ses premiers litres d’eau au début du mois de Ramadan, la société va s’occuper de l’intendance lourde des opérations et de la logistique ayant trait à l’ ensemble des questions, des tâches matérielles, techniques. »
En ce lundi 29 mars, la réception et la mise en dépôt des tubes et tuyaux de canalisation ont débuté dans les quartiers de Djomani et Madjadjou.
« Plus d’une centaine de maisons répartie dans les deux quartiers seront raccordées au réseau d’aqueduc. Il y aura des tuyaux de 90 mètres qui partiront de la mosquée Koudoura à l’entrée de Djomani et Madjadjou.», a ajouté à ce sujet le daf de la Sonese, Saadi Assoumani.
Si de la part du comité du quartier cordonné par Salim Fardine, l’objectif poursuivi est que les services publics de distribution d’eau assurent la satisfaction du droit d’accès à l’eau potable de chaque personne humaine, le problème criant de la pénurie d’eau tant décrié par la population n’est que la pointe de l’iceberg d’une question beaucoup plus complexe de gestion d’aqueduc.
« Le comité pour la défense du projet a été souvent la cible des attaques de certains habitants de Djomani. On nous accuse d’avoir reçu de l’argent de la part des bailleurs de fonds, plus précisément à travers ces ONG où on consacre l’essentiel des activités aux problèmes d’eau potable. Lorsque nous avons réussi à changer notre fusil d’épaule avec une initiative, une opinion, une série d’activités de façon totalement inattendue, cela a permis de démasquer les hypocrites de tous bords et de dépolitiser le débat dans un esprit de responsabilité », raconte Salim Fardine qui est très sollicité quand ces jaloux du quartier essaient de mettre sans cesse des bâtons dans les roues.
Un calvaire de 15 ans
Au-delà de la problématique du réseau d’adduction et de distribution de l’eau, ces personnes qui sont portées à créer des difficultés, des obstacles ont mis en lumière les inégalités dans l’accès à l’eau dans Djomani et Madjadjou .
« Dans cette localité, il y a quelques maisons qui sont déjà raccordées au réseau d’aqueduc, notamment celles de gens qui ont les moyens. Par exemple, pour l’installation d’un long tuyau qui aboutit chez lui, les frais de raccordement au réseau ont couté 400.000 FC à l’ex-rédacteur en chef de l’ORTC, Soilihi Abdallah Moina. Mais maintenant, nous voulons que toutes les résidences qui veulent se connecter au système d’aqueduc puissent le faire en toute transparence », insiste un membre actif du Comité de coordination.
S’arrêtant sur cette « disette » de l’eau qui pendant 15 ans tenaillait jour et nuit les habitants de Djomani et Madjadjou, un agent de la Sonese, Abdallah, raconte l’interminable calvaire : « Peu de gens réalisent la profondeur de l’abime que cette situation nous a mis. Nos maisons s’approvisionnent chaque jour en eau potable via un « bus-citerne » qui vend des bidons remplis du liquide précieux. Pour une famille, au bas mot, il faut quotidiennement acheter 5 bidons à hauteur de 1000 FC. Et quand on ramène la somme au mois, cela fait 30.000 FC. Et je ne parle même pas des gens qui dépensent plus de 1000 FC par jour », dit-il avec regret.
Quoi qu’on puisse en penser à ce sujet, entre dire les actions à faire et les faire, il y a un précipice. Mais quand le pouvoir est confié à ceux dont l’esprit dépasse le cœur, le désir et l’intelligence n’est pas obscurcie par la passion ni l’ambition comme Salim Fardine à Djomani et Soilihi Abdallah Moina à Madjadjou, un projet peut sortir de terre.
« Dans les deux quartiers, nous avons commencé les travaux de creusement des tranchées. Il y a eu déjà deux derniers dimanches du mois de mars, le 21 et le 28 qui ont vu la participation des bonnes volontés du quartier. Pour ce qui est de l’intendance lourde des opérations et de la logistique ayant trait à l’ensemble des questions, des tâches matérielles, techniques, la balle est dans le camp de la Sonese.» conclut sur une note positive Salim Fardine en plus d’y voir le début d’un changement.