Masiwa – Un tribunal de commerce vient d’être installé, il était attendu depuis un moment ?
Moudjahidi Abdoulbastoi – Tout à fait ! Un tribunal de commerce vient d’être installé à Moroni. Il était prévu depuis 2005 par la loi organique portant l’organisation judiciaire. Il a été prévu de mettre en place certains tribunaux aux côtés du tribunal de première instance. Propos recueillis par Ali Mbaé
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Entre autres, il y avait le Tribunal de commerce, le Tribunal de travail et le Tribunal administratif. Mais l’article 33 de la même loi organique avait mis en place des dispositions transitoires qui permettaient que les affaires référant de ces tribunaux soient confiées provisoirement au tribunal de première instance en attendant la mise en place de ces tribunaux respectifs. C’est ce qui s’est passé. Avec l’adoption de la loi de 2017 portant création et organisation du tribunal de commerce en Union des Comores, les autorités ont pris la décision de rendre effective cette loi en nommant un président de ce tribunal, mais également en désignant ce qu’on appelle les juges consulaires. L’audience solennelle de ce tribunal a eu lieu mardi dernier. Ces juges consulaires ont prêté serment ce jour-là devant la cour d’appel de Moroni en présence des hauts magistrats de ce pays, mais également de certains membres de l’exécutif.
Masiwa – Quelle est la différence entre le Tribunal commercial et les autres tribunaux ?
Moudjahidi Abdoulbastoi – La différence réside sur trois éléments très importants pour ne pas dire quatre. D’abord, c’est un tribunal mixte. Il est composé à la fois de juges professionnels et de juges consulaires. Ça, on n’a jamais vu. Le seul moment où on a eu un tribunal pareil, c’est pendant les Assises. Mais la cour d’assises est composée aussi par des jurys. Mais au civil et au commercial, on n’a jamais vu des juges qui ne sont pas professionnels, mais des juges émanant des milieux économiques comme les milieux commerciaux. La deuxième caractéristique concerne les délais, les délais repartis pour que le tribunal rende sa décision. On peut résumer son rôle à trois choses. La qualité dans la sérénité. En fait la loi portant création de ce tribunal a imparti un délai pour qu’une décision soit rendue. Un délai maximum de 4 mois à compter de la première audience. Ça n’a jamais existé avant. C’est une nouveauté dans les milieux juridiques comoriens. La troisième caractéristique réside dans l’obligation faite à ce tribunal de tenter une conciliation avant de trancher au fond des chefs de demande dont il est saisi. Il doit tenter une conciliation avec les deux parties. C’est une phase préalable à toute discussion au fond de l’affaire. Le tribunal a un délai de trois jours à compter de sa saisine.
Masiwa – Comment fait-on pour faire une saisine au tribunal de commerce ?
Moudjahidi Abdoulbastoi – La saisine est très simple. C’est exactement les mêmes modalités de saisine que le tribunal de première instance de Moroni. Il y a deux voies de saisine. Soit par assignation faite par un huissier soit par requête conjointe, c’est-à-dire que les deux parties se mettent d’accord pour aller porter l’affaire devant un juge. Donc par requête signée par les deux parties. Ce sont les méthodes jusqu’à là utilisées pour saisir le tribunal de première instance. La différence est que cette fois-ci avec les délais de rigueur imposés au juge pour statuer, il y aura certaines pratiques utilisées avant qui ne seront plus tolérables ici. Au risque de voir ce tribunal traîner avec des affaires comme c’est le cas du tribunal de première instance. Par exemple pour être plus précis, la loi a prévu que l’assignation n’a pas un jour fixe. C est exceptionnellement que l’assignation peut être à jour fixe avec l’autorisation du tribunal. Je pense qu’avec le délai de rigueur imposé au tribunal de commerce, l’assignation faite sans fixer le jour exact de l’audience sera le principe pour saisir le tribunal de commerce en attendant que le président siège avec ses membres.
Masiwa – Ils seront au nombre de combien ?
Moudjahidi Abdoulbastoi – La composition est au minimum de trois membres. C’est le minimum requis par la loi. Un juge et un juge consulaire. Après ça peut aller au-delà de trois membres. L’important est d’avoir un chiffre impair au tribunal. C’est une première limite. La deuxième limite est que les juges professionnels doivent être moins nombreux que les juges consulaires. Il y aura toujours une prédominance des juges consulaires dans la composition. En tout il y a six qui ont déjà prêté serment hier avec six suppléants. Le président du tribunal a la possibilité de ménager la composition en fonction des éléments à discuter de cas par cas.
Masiwa – Dans le classement de Boeing business, les Comores sont en perte de vitesse. Qu’est ce que ce tribunal peut apporter ?
Moudjahidi Abdoulbastoi – Effectivement, c’est un classement fait chaque année par la banque mondiale. Les Comores ont dégringolé, depuis 3 à 4 ans on est en perte de vitesse. Je pense que la mise en place de ce tribunal jouera un rôle important pour redresser la situation. On sait très bien que dans le classement de Boeing business, il y a 6 à 7 indicateurs qui sont évalués afin de donner le classement pays par pays. Parmi ces indicateurs, parmi les plus importants, il y a celui dénommé exécution du contrat. C’est un indicateur qui a un rapport direct avec les délais, mais également les frais de justice, les délais judiciaires, surtout le nombre d’actes posés pour qu’une décision soit rendue. Il y a un lien direct avec les juridictions. Je pense qu’avec les mesures prises par le législateur pour que la décision soit rendue dans les meilleurs de délai aideront beaucoup les Comores dans ce classement à travers cet indicateur : exécution du contrat. On espère en tout cas faire évoluer ce classement.
Masiwa – Pensez-vous que les juges qui ont prêté serment le mardi ont les capacités requises et nécessaires ?
Moudjahidi : je n’ai aucune raison de dire qu’ils n’ont pas les critères requis. D’abord, c’est une juridiction qui sera présidée par un magistrat professionnel qui avant cette nomination, il a occupé des hautes fonctions dans l’appareil judiciaire des Comores. Il a été d’abord substitut du procureur. Il a occupé aussi pendant plusieurs années le poste du président du tribunal de première instance avant d’être nommé à la cour constitutionnelle. Il a l’expérience requise pour mener à bien la tâche qui lui a été confiée. En tout cas, je l’espère bien. Il y a des juges qui ont occupé la chambre de commerce au palais de justice de Moroni. Après il y a des juges consulaires qui ont été choisis par les opérateurs économiques du pays. C est des gens qui ont marqué leurs noms et qui ont les facteurs requis. Sans citer des noms, je pense que les différents secteurs composants l’économie du pays sont effectivement représentés dans ce collège. Aucune raison de mettre en causse leur compétence et leur expérience.
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