Présidente de Mwana Tsi wa Mdzima, Najda suit des enfants victimes de violence ou de maltraitance depuis de nombreuses années au sein de l’association Mwana Tsi Wa Mdzima (littéralement « Un enfant n’appartient pas à une personne »). Cette structure a été créée depuis la France, en 2014, sous l’impulsion de feu Salim Hatubou et suite à la séquestration et viol d’une jeune fille de 13 ans par deux hommes. La section qui était en France a cessé d’agir quelque temps après la mort de l’écrivain. À Moroni, Najda Saïd Abdallah a continué à faire vivre la section qu’elle avait mise en place. Propos recueillis par Mahmoud Ibrahim
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Masiwa – Quelle est votre réaction face au drame découvert la semaine dernière à Moroni ?
Najda Saïd Abdallah – Je suis choquée parce que je prends conscience que beaucoup reste à faire pour éradiquer la violence dans notre pays. Aujourd’hui elle a pris des proportions nouvelles puisqu’elle a un caractère juvénile. Notre espoir est ébranlé, nous devrions tous nous réveiller.
Masiwa – Quels sont les faits exacts dont vous avez connaissance ?
Najda Saïd Abdallah – Ce qui a été dit au départ est différent de ce que j’ai appris plus tard. Mais le dossier est actuellement au stade d’enquête chez un juge d’instruction. Ce n’est donc pas à moi de donner des détails à ce stade de l’affaire.
Masiwa – Quel type d’aide les associations apportent-elles à cette enfant actuellement ?
Najda Saïd Abdallah – Nous assistons sa famille dans ses différentes démarches. Nous veillons également à ce que la petite voie régulièrement un psychologue comme cela a été recommandé. La petite a été prise en charge par le service d’écoute de Ngazidja. Elle a effectué les consultations et analyses médicales de rigueur et elle reprendra le chemin de l’école lundi inch Allah.
Masiwa – Pensez-vous, comme certains, que des gens de Moroni ou d’associations d’aide aux victimes ont tenté d’étouffer cette affaire ?
Najda Saïd Abdallah – Personnellement je n’ai pas eu ce sentiment. Au contraire, le quartier concerné s’est mobilisé pour que les enfants interpellés soient présentés à la justice.
La victime a fait sa déclaration au service d’écoute lundi, mardi l’affaire a été déférée au parquet et les garçons mis en cause ont été entendus jeudi, pour être placés à la prison de Moroni vendredi.
Nous ressentons que le quartier est ébranlé par l’affaire. Les parents et les jeunes de Moroni se sont mobilisés et ont tenu plusieurs réunions de sensibilisation pour un réveil des consciences depuis cette affaire.
Masiwa – Pensez-vous qu’on doit rendre publiques les identités des violeurs mineurs et tous les enfermer, quels que soient leurs âges, comme le réclament certains ?
Najda Saïd Abdallah – Il arrive que les associations publient les images d’accusés. Cela arrive lorsqu’ils veulent se soustraire à la justice par exemple. Ce qui n’est pas le cas dans cette affaire. Quel serait donc l’intérêt d’afficher ces mineurs ? Il faut aussi savoir que les mineurs dans leur globalité sont spécifiquement protégés par la loi comorienne de par leur jeune âge, leur vulnérabilité, leur manque de maturité. Ils ont des droits que nous sommes tenus de respecter. Laissons la justice faire son travail sans passion. La petite sera défendue convenablement et nous suivons de près cette affaire pour que justice soit rendue.
Sur l’incarcération des jeunes, notre opinion est que l’État doit penser à la mise en place de structures carcérales adaptées aux plus jeunes. La prison, si elle doit être imposée à un enfant, doit lui permettre de prendre conscience de la gravité de la faute qu’il a commise, mais aussi lui permettre de reprendre le droit chemin puisque dans la grande majorité des cas la prison n’est pas sensée être une fin en soit. Ce qui se passe à l’intérieur de la prison de Moroni est loin de répondre à ces attentes et nous savons tous que cette prison fabrique plus de criminels qu’elle n’en corrige.
Masiwa – Quelles leçons tirez-vous du traitement de cette affaire dans les réseaux sociaux au regard de l’expérience que vous avez depuis 5 ans à la tête de MTWM ? Y a-t-il eu des erreurs ? un déficit de communication de la part des associations ?
Najda Saïd Abdallah – C’est révoltant d’apprendre que chaque semaine, un enfant dans notre pays est victime d’agressions sexuelles. Nous comprenons que ce genre d’affaires déchaine des passions. J’ai vu des gens m’accuser du pire sur la toile pour avoir dit que les mis en cause étaient mineurs cette fois-ci. Information qui m’a été transmise par un responsable chargé du dossier et déclarée plus tard par l’avocat de la victime qui s’est réservé le droit de la vérification. Je comprends qu’on puisse être choqué, mais la réalité peut être différente de ce que les rumeurs disent et nous devrions tous faire attention.
Notre travail, c’est de protéger la victime et de tout faire pour que justice soit rendue.
En ce qui concerne la communication de ce genre d’affaires, j’avoue que c’est délicat, parce qu’il s’agit de drames familiaux. Parfois même pour l’intérêt et le respect de la victime, il n’est pas bon de révéler certains détails.
Certes, nous nous battons pour que les familles brisent le silence. Non pas pour faire de la publicité autour de ces affaires, mais pour permettre d’empêcher que ces actes atroces ne se perpétuent.
Enfin, j’aimerais rappeler que nous faisons ce travail sans aide aucune, ni salaire. Nous demandons souvent à ceux qui nous interpellent de venir se joindre à nous pour nous apporter leur expertise et leur énergie. Nous leur demandons de ne plus rester spectateur puisque ça n’arrive pas qu’aux autres et que ça nous concerne tous. N’attendez pas que ça vous arrive pour vous révolter.
À lire également notre enquête : L’horreur. Une enfant violée par des mineurs à Moroni.
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