En début de semaine, l’horreur s’est répandue rapidement sur la ville de Moroni : une fillette de 12 ans a été violée par six enfants. Une fois n’est pas coutume, la Justice comorienne a engagé une procédure pour connaître la vérité, notamment l’arrestation des cinq enfants de plus de 15 ans. Pourtant, sur les réseaux sociaux, les rumeurs accompagnées de condamnations des bénévoles des associations dominent jusqu’à aujourd’hui. Par Ali Mbaé et Mahmoud Ibrahime
[ihc-hide-content ihc_mb_type=”show” ihc_mb_who=”2,3,4,5,6,9″ ihc_mb_template=”1″ ]
Une fillette de 12 ans a été violée le mois dernier par six garçons originaires de la même ville (Moroni) et du même quartier qu’elle (Mtsangani). C’est à travers des vocaux lancés et propagés dans les réseaux sociaux que l’affaire a rebondi quelques temps après le déroulement des faits. Pourtant, en dehors de la victime, des inculpés et des hommes de justice qui les ont entendus, personne ne sait quand ni où les viols ont eu lieu.
La Justice saisie enquête
Cinq de ces six suspects inculpés sont maintenus en détention. Tous sont âgés moins de 18 ans, selon les extraits de naissance présentés. Un d’eux a fourni un acte de naissance dont l’âge est inférieur à 15 ans. Ce qui fait qu’il ne pouvait pas être maintenu en prison. Des extraits remis en cause par la partie civile qui d’ailleurs dénonce une tentative d’étouffement de cette affaire et dénonce une « falsification » des documents.
Selon toujours l’avocat de la victime Me Abdoulbastoi Moudjahidi, la fillette est passée chez le juge instructeur pour la première fois le mardi dernier : « En général, c’est la victime qui passe en premier chez le juge d’instruction. C’est déjà fait. Cela ouvrira la voie aux inculpés. Un interrogatoire de fond sera ouvert. Il y aura des confrontations. Ce qui est sûr, il y aura une déposition d’actes, nous le demanderons au juge pour que la vérité éclate ».
De ce point de vue, l’instruction de l’affaire semble se poursuivre, plus rapidement que d’habitude selon un membre d’association.
Les réseaux sociaux s’emballent
Pourtant, depuis une semaine, l’affaire ne connaît de rebondissements que dans les réseaux sociaux, à travers des rumeurs et de fausses nouvelles. Les premiers à avoir lancé les rumeurs ont effacé leurs écrits maintenant que les choses deviennent claires.
Deux cibles sont privilégiées dans ces attaques, les deux associations les plus actives dans l’aide et l’accompagnement des victimes : Hifadhwi et Mwana Tsi wa Mdzima. Les responsables de ces associations sont pris à partie, accusés de vouloir étouffer l’affaire, de vouloir aider les violeurs, de vouloir les cacher. Les raisons paraissent si simples pour ne pas dire simplets : c’est parce que les violeurs sont de Moroni, qu’ils sont issus de la « bourgeoisie ». En réalité personne n’est allé voir de quels milieux sociaux étaient issus ces enfants violeurs. Ils sont de Moroni, d’un quartier central de la capitale donc, ils sont riches et les parents connus.
Autre raison évoquée : la fillette violée serait Anjouanaise ou Malgache et donc face aux violeurs de Moroni, elle ne fait pas le poids. En réalité, la petite victime est bien de Moroni, la maison familiale est à Mtsangani et elle a une grand-mère qui serait typée malgache. Elle a aussi un oncle qui est un poids lourd de la ville. C’est lui qui a amené sa nièce pour aller porter plainte, et il n’aurait jamais quiconque étouffer l’affaire.
Il a suffi que des gens du quartier interdisent de prendre des photos de ces enfants, conformément à la loi et immédiatement sur internet certains affirment que le quartier veut protéger des violeurs alors que quand ce sont des enfants d’ailleurs ils étaient dénoncés. En réalité, ni les associations ni les individus n’ont diffusé un jour des photos de victimes ou de bourreaux mineurs, au risque de se retrouver derrière les barreaux.
Même après avoir appris que cinq des six agresseurs étaient en prison, en attendant le procès, certains ont continué à attiser le feu inutilement dans les réseaux. Inutilement puisque pour une fois, la Justice a agi comme il faut dès le début en prenant au sérieux l’affaire.
Des statistiques toujours affligeantes
Depuis quelques années les statistiques ne cessent de traduire une hausse des agressions sexuelles contre des enfants. Mais, dans ce domaine la prudence est de mise, car, il est difficile de savoir si les agressions sexuelles sont de plus en plus nombreuses ou si ce sont les révélations qui augmentent.
Selon des statistiques de l’année 2019, il y a eu 139 agressions sexuelles dont 10 sur des personnes qui avaient plus de 18 ans, ce qui indique qu’il y a eu au total 129 agressions sexuelles contre des enfants, dont 125 de sexe féminin et 4 de sexe masculin. S’il fallait convaincre encore une fois qu’il est difficile d’être une femme aux Comores, cette statistique serait suffisante.
31 enfants abusés sexuellement ont entre 0 et 10 ans et 98 ont entre 11 et 17 ans. Les agressions sexuelles en plus de ne concerner quasiment que des filles, touchent surtout des mineurs. Mais, cela aussi peut être dû au fait que ces derniers temps, les saisines de la justice sont plus importantes quand il s’agit d’enfants et que la parole ne s’est pas encore vraiment libérée pour les femmes qui subissent des viols ou des agressions sexuelles dans le milieu du travail notamment.
La victime est suivie
La petite fille violée vit dans le traumatisme. Elle et sa famille le vivent très mal, surtout que les violeurs sont tous du même quartier qu’elle. Ce qui préoccupe sa famille et ses avocats c’est l’avenir de cette victime : « nous ne voulons que la punition. Nous voulons faire en sorte que cette petite fille puisse mener une vie normale. Il faut trouver le moyen de l’aider pour que son avenir soit garanti. Ce qui ne sera pas facile à faire vu les circonstances » affirme Me Moudjahidi.
En dehors des réseaux sociaux, les responsables des associations poursuivent leur travail auprès de la petite victime comme ils l’ont toujours fait pour toutes les autres. Grâce à elles, la petite est suivie par un psychologue et devrait reprendre sa scolarité lundi.
[/ihc-hide-content]