Les fortes pluies qui se sont abattues sur l’archipel au mois de janvier dernier ont eu raison du toit du palais Pangani également appelé Darini à Domoni. Un pan entier de la toiture de cette bâtisse, l’un des sites de l’archipel figurant sur la liste indicative du patrimoine de l’UNESCO, s’est effondré dans la nuit du14 au 15 janvier 2020 mettant ainsi en lumière l’état d’extrême fragilité dans lequel se trouvent aujourd’hui ces monuments historiques des Comores laissés à l’abandon. Par la voix de sa présidente, le collectif pour le patrimoine des Comores suggère ainsi que tous les « monuments privés et en périls » doivent revenir « rapidement au patrimoine national ». Par Faïssoili Abdou
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« Pangani est aujourd’hui dans l’urgence absolue. En attendant de trouver les moyens de restaurer ce chef-d’œuvre de l’architecture comorienne, il faut couvrir la partie effondrée du toit afin d’éviter que l’eau de pluie et l’humidité ne fassent encore plus de dégâts ». C’est le cri d’alarme lancé dernièrement par Amir Ahmed Abdallah Sourette, qui a mis en place une cagnotte en ligne afin de solliciter l’appui financier de généreux donateurs pour « aider à la sauvegarde de ce patrimoine qui dépasse aujourd’hui le cadre privé ». Car, justement, ce palais est aujourd’hui une propriété privée aux mains des héritiers directs des sultans ayant bâti ce joyau architectural. Ce qui fait dire à Madame Fatima Boyer, présidente du collectif pour le patrimoine des Comores qu’il est urgent que nous réfléchissions sur « la mise en route d’une solution définitive qui contribuera de façon concrète à la protection et à la sauvegarde des monuments historiques surtout ceux qui sont à ce jour des monuments privés et en périls ». Rappelons que l’association qu’elle dirige depuis quelques années est, entre autres, à l’origine de la réhabilitation de la citadelle et le palais Ujumbe de Mutsamudu à Anjouan. « Si nous souhaitons les sauver ; l’état par le biais du ministère de l’Éducation nationale et celui de la Culture, le CNDRS ainsi que la Mairie de Domoni devront procéder à la nationalisation de ces édifices et prévoir les moyens pour leur sécurisation et leur restauration », a précisé Madame Boyer parlant des Palais se trouvant à Domoni. « Je suis convaincue qu’il est dans l’intérêt de notre pays que les édifices ayant appartenu aux sultanats reviennent rapidement au patrimoine national », conclue-t-elle.
Notons qu’en l’absence d’une véritable politique pour la gestion et la conservation du patrimoine national, on se contente des solutions palliatives en cas d’urgence. Ainsi, le 2 février dernier, alors qu’il visitait le palais de Pangani, le président Azali Assoumani se contentera d’ « insister sur la nécessité de la préservation de notre patrimoine culturel, notamment en réhabilitant les monuments historiques » pouvait-on lire sur la page facebook de Beit-Salam. On est encore sur le stade des discours … D’ailleurs sur le même réseau, l’association les « gardiens du patrimoine culturel de Domoni » qui rendait compte de cette visite présidentielle écrivait ceci : « nous saluons les efforts fournis par le ministère de la culture jusqu’à présent, tout en renouvelant au gouvernement comorien notre besoin d’accompagnement surtout pour concrétiser les recommandations du rapport portant sur cet événement catastrophique ».
Au mois d’octobre 2019, deux architectes des Ateliers Prévost, une structure basée sur l’île de La Réunion et spécialisée dans la restauration du patrimoine de la zone de l’océan indien, en visite à Domoni avaient déjà souligné l’«extrême urgence » qu’il y avait pour la sauvegarde de ces vestiges. « Le patrimoine de la ville de Domoni est d’une grande richesse, avec notamment la conservation des trois palais, mais aussi la présence d’une structure – trame urbaine historique, sur le modèle / organisation des «médinas», avec des passages couverts en moellons de coraux et bois de palétuviers (mangrove), la présence d’une mosquée shirazienne, et de nombreux témoignages et vestiges architecturaux, mobiliers et artisanaux de très belle facture », ont souligné les deux architectes dans leur rapport remis à l’association « Les gardiens du Patrimoine culturel de Domoni ». C’est cette association avec l’aide du ministre de la culture qui s’est mobilisée dès les premières heures qui ont suivi l’effondrement de la toiture du salon de Pangani pour ramasser les gravats et rassembler les structures en bois qui tenaient le toit effondré. Selon cette association, leur objectif à terme est la consolidation des trois anciens palais ( Ujumbe, Toyifat et Pangani) qui se trouvent dans cette ancienne cité shirazienne située sur la côte orientale d’Anjouan. Un premier devis estimatif évalue à un peu plus de 27 millions (55 000 euros) le coût de l’ensemble des travaux à entreprendre sur les trois sites (consolidation et toiture en charpente métallique). Des palais qui constituent des potentiels sites importants sur plan touristique. « Domoni est l’une des plus vieilles cités des Comores, construite au 12e siècle, capitale de l’île d’Anjouan jusqu’en 1792. Et de cette grandeur passée, Domoni a hérité de l’une des plus grandes et plus anciennes médinas des Comores, renfermant de nombreux palais en ruine comme Ujumbe, Toyifat et Pangani. Ces palais ont été construits à l’époque où Domoni était le centre des échanges entre les Comores et la côte est africaine entre le 15e et le 18e siècle », explique Amir A. Sourette. Sur leur page facebook, les architectes des ateliers Prévost parlant de la médina de Domoni évoquent eux aussi « un patrimoine exceptionnel, hérité des Shiraziens et de leurs sultans… ». « Domoni, ancienne capitale d’Anjouan, aujourd’hui capitale culturelle, est un véritable musée à ciel ouvert de la culture swahili », ont-ils posté en commentaire des nombreuses photos qu’ils ont réalisées sur place.
Dans sa thèse soutenue en 2017 à l’Inalco à Paris, Bourhane Abderemane, directeur de l’Antenne du CNDRS à Anjouan, cite le témoigne de foundi Anlimoudine, qui explique que le palais Darini, deuxième palais des sultans qui se trouve au centre de Domoni (Hariyamuji ) fut commencé par le « Fani Onthman Ibn Affane en 1274 sous le nom de Pangani. A l’arrivée de Halima M’Chindra (1492-1530) au pouvoir, intronisée sous le nom de Halima 1ère en 1492, elle continua la construction du palais « Pangani », puis édifia la grande muraille de trois (3) kilomètres qui protégeait la ville de Domoni. C’est à cette époque que la construction de Domoni fut achevée complètement… ».
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