En septembre 2016, la rentrée littéraire ne compte pas que des habitués. Un ovni allait marquer la littérature française. La France et le monde découvrent avec étonnement et enthousiasme, Anguille sous roche, le premier roman du Comorien Ali Zamir. ParOmar Mirali
[ihc-hide-content ihc_mb_type=”show” ihc_mb_who=”2,3,4,5,9,6″ ihc_mb_template=”1″ ]À plusieurs égards, le livre est un véritable miracle littéraire. Long de 320 pages, il ne contient qu’une seule phrase, rythmée par les péripéties d’un océan Indien déchaîné sur le point d’emporter la jeune Anguille qui se noie en pensant à la fois à sa courte jeunesse qui disparait et à la ville de Mutsamudu qui défile dans ses pensées confuses et troublées au rythme des eaux. C’est aussi un livre presque inqualifiable, à mi-chemin entre la poésie et le roman et dont le style, tantôt soutenu ou archaïque et tantôt moderne ou familier, intrigue là aussi par sa beauté et sa finesse.
Quant à l’auteur de ce joyau littéraire, il est un peu, à l’image de son livre, improbable. Même si Ali Zamir lisait déjà, dès son plus jeune âge, Proust et Camus, personne ne pouvait prédire qu’un jour, ce jeune homme plutôt modeste allait cumuler les prix littéraires: prix Senghor 2016, prix Mandela 2016, prix des Rencontres à lire 2017, prix France Télévisions 2019…Non seulement Ali Zamir a fini par surprendre tous ceux qui le connaissaient, mais aussi, il a définitivement confirmé son talent au monde entier en publiant deux autres livres également salués par les critiques: Mon étincelle et Dérangé que je suis.
Partons donc à la genèse de ce succès littéraire planétaire qui a saisi la France et le monde (Anguille sous roche est traduit dans plusieurs langues, dont l’Allemand), un peu par hasard…
Un Ovni littéraire…
Issu d’une famille modeste, Ali Zamir est né en 1987 à Mutsamudu sur l’île d’Anjouan aux Comores. Très attaché à son île natale, il y effectue sa scolarité jusqu’à son bac avant de partir au Caire pour ses études supérieures. En Égypte, il fait des rencontres qui vont bouleverser sa vie. Certains de ses enseignants repèrent son don pour l’écriture. Ils l’encouragent à écrire. Ali Zamir l’ignore encore, mais les conseils qui lui sont alors prodigués ainsi que les quelques textes qu’il rédige à la demande de ses enseignants vont finir par confirmer son goût pour l’écriture. Il avait longtemps douté de son talent et hésité sur son avenir.
Et puis un jour, en 2013, il rédigea les premières lignes d’Anguille sous roche. Il se trouvait alors sur l’île d’Anjouan où il exerçait différentes fonctions dans l’administration insulaire. Après avoir souffert plusieurs années, soit par la vie à Mutsamudu qui n’était pas des plus gaies, soit par les conditions dans lesquelles il écrivait son roman (parfois la nuit, à la lueur d’une bougie), Ali Zamir s’est attaqué à une autre bataille, celle d’attirer l’attention d’un éditeur.
Il envoie alors son manuscrit à plusieurs éditeurs. Certains hésitent ou sont réticents à l’idée de publier un livre aussi iconoclaste. D’autres ne se donnent même la peine d’accuser réception du manuscrit. Désespéré, Ali Zamir a fini par se remettre à douter de son don supposé pour l’écriture tant décrit par ses enseignants du Caire.
Mais c’était sans compter sur le flair de Frédéric Martin, fondateur des éditions Le Tripode. Tout en reconnaissant avoir pris un risque éditorial, Frédéric Martin a tout de même fini, sans convictions au préalable, par se prononcer pour la publication d’Anguille sous roche.
Aux Comores, la nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre. Un auteur anjouanais s’est vu refuser le visa d’entrée en France où il devait assister à la sortie officielle de son livre et en assurer la promotion. Tout le monde s’interrogeait alors sur cet auteur comorien inconnu qui intéresse cet éditeur français. Finalement, qui n’a pas douté du talent d’Ali Zamir (certains parlaient d’un talent peut-être passager) ? Le hasard a voulu que les efforts d’Ali Zamir ne soient pas vains. Anguille sous roche était né, et il est venu au monde avec art et manière.
Anguille sous roche aura impressionné plus d’un. Partout, dans les médias internationaux (France, Belgique…) on parlait de ce livre époustouflant qui raconte, en une seule phrase, la noyade d’Anguille. Au-delà du récit, c’est le style d’écriture adopté par Ali Zamir qui épate les lecteurs. Laurent Boscq, romancier de renom, parle même d’un roman étourdissant et envoûtant de style, avant de le qualifier de véritable « miracle littéraire ».
Le succès d’Ali Zamir, par delà les frontières, a quelque peu réconforté le cœur des Comoriens. Un an après la mort de Salim Hatubou, voilà qu’un autre enfant des Comores porte haut les couleurs du pays à l’international.
«L’homme est une vague faite à partir d’autres vagues», écrit Ali Zamir dans Anguille sous roche. Alors dans cet océan de misères et d’embûches qu’est la vie, prions qu’il puisse contourner une à une ses gigantesques vagues et qu’il atteigne définitivement la terre ferme afin d’inscrire sur le sable, en toute sérénité et pour l’éternité, son nom et son art…[/ihc-hide-content]