Le premier gouvernement du quatrième mandat d’Azali Assoumani est perçu comme jeune, et la jeunesse est perçue dans le contexte actuel comme gage de réussite. Pourtant, ce n’est pas la première fois que des jeunes arrivent massivement au pouvoir.
SAID MAOULIDA, Doctorant en Histoire, Université d’Antananarivo-Madagascar.
Le président de la République, Azali Assoumani a signé le décret N° 24-077/PRrelatif à la désignation des membres de son gouvernement post-élections. Ce gouvernement fait couler beaucoup d’encre. À travers, les réseaux sociaux, beaucoup disent que c’est une première pour notre pays qu’un président nomme un gouvernement de jeunes. Pourtant, le benjamin de ce gouvernement a 35 ans. D’autres la quarantaine passée et trois autres ont atteint la cinquantaine.
En revanche, si on retourne un peu en arrière, on verra bien que les Comores ont connu, à diverses époques, des jeunes qui ont été ministres.
Dans le régime de feu président Ali Soilihi par exemple, Salim Hadji Himidi qui occupait le poste de ministre de l’Intérieur et de l’Information avait 33 ans seulement. Mouzaoir Abdallah, qui était son ministre des Affaires étrangères, avait 37 ans. Ceci montre que des jeunes à des postes ministériels, cela ne date pas aujourd’hui.
Ensuite dans la période Abdallah, durant ces longues années de pouvoir, il a nommé des jeunes ministres. C’est ainsi qu’après avoir renversé le président Ali Soilihi, le 13 mai 1978 avec l’aide de Bob Denard, Ahmed Abdallah a signé le décret N°78/2 bis du 23 mai 1978, nommant Ali Mdroudjaé, âgé alors de 39 ans seulement, ministre des Affaires étrangères. Abbas Djoussouf était son ministre de la défense et de l’intérieur. Il n’avait que 37 ans. Quant au Docteur Mtara Maecha, nommé ministre des Affaires sociales, le 28 décembre 1978, il n’avait que 38 ans.
Et si on fait le bilan de ces deux régimes, le résultat n’a pas été défini par l’âge de ces jeunes ministres. Le régime d’Ali Soilihi n’était pas seulement révolutionnaire, il était violent : les jeunes du commando Mwassi, une milice du régime faisait tout ce qu’elle voulait. Ali Soilihi avait emprisonné une bonne partie de ses opposants politiques. Quant au président Abdallah, son régime semait le chaos partout. Des enlèvements et assassinats se sont passés durant ces longues années de pouvoir. La gabegie, la corruption et le détournement de deniers publics ont ruiné l’économie du pays. D’où les propos du président Abdallah lors d’une réunion à Ntsoudjini en 1980 : « Enrichissez-vous par tous les moyens, l’État comorien n’a pas besoin de dignitaires pauvres ni des petits fonctionnaires mal habillés » (Djaffar M’madi : L’effondrement de l’intérêt General, page 11). Ceci montre à quel point le pays avait traversé le point de non-retour.
L’assassinat du président Ahmed Abdallah, le 26 novembre 1989, ramène Said Mohamed Djohar au pouvoir. Ce dernier instaure le système démocratique. Après avoir été investi président de la République, le président Djohar a nommé plusieurs gouvernements, mais ce qui nous intéresse, est celui du 2 janvier au 14 octobre 1994. Il a nommé Mohamed Abdou Madi Premier ministre, il était âgé de 38 ans. Près de la moitié de son gouvernement avait moins de 40 ans et quatre ministres avaient moins de 36 ans (Alwatwann° 292, du 6 janvier au 13 janvier 1994).D’ailleurs, le désormais ancien ministre de l’Agriculture du gouvernement précédent, porte-parole du gouvernement, Houmed Msaidié, faisait partie de ce gouvernement. Il avait 37 ans. Djohar avait emmené du sang neuf dans son régime. Et pourtant encore une fois, son régime malgré qu’il ait été « démocratique » a été secoué par des scandales financiers. Pire encore, sa famille occupait des postes importants durant son mandat. D’où le décret n°93-21/PR, portant Monsieur Said El Anis Mohamed Djohar, Secrétaire général du gouvernement avec rang de ministre. Son régime a été qualifié de « gendocratie », du fait que ses gendres occupaient des postes stratégiques au sein du gouvernement. Une des raisons de l’échec du régime Said Mohamed Djohar.
Tout ceci pour montrer que si Azali a nommé son fils, Secrétaire General du gouvernement, il n’est pas le premier à le faire. Djohar avait lui aussi nommé ses gendres à des places stratégiques. De même que nommer des jeunes aux postes de ministre, il l’a déjà fait. Cependant, le résultat n’a pas été satisfaisant.
Mais, si Azali a choisi cette politique de rajeunir un peu son gouvernement, c’est pour trouver un élan de solidarité de la part peuple. Une stratégie qui a apparemment bien fonctionné au regard des marchés et au vu de certaines réactions ici et là.
Ceci étant, mettre en place un gouvernement composé essentiellement par des jeunes ne confèrera pas une légitimité ou le statut de démocratie à ce régime. Le peuple n’a pas oublié les évènements du 14 janvier 2024. Le mieux aurait été qu’Azali Assoumani accepte le dialogue qu’avait proposé le collectif des cinq candidats aux élections présidentielles. Une proposition qui aurait pu aboutir à une paix durable et une cohésion sociale.