Depuis trois décennies, la gestion du secteur vital de l’eau par les autorités comoriennes provoque des pénuries désagréables surtout dans la capitale, Moroni. La carence en matière de gestion de l’eau a fait craindre, plus d’une fois, le pire à la population de la capitale.
Par Hachim Mohamed.
Ce mercredi 25 octobre, dans la soirée, à Iroungudjani, près du lieu-dit « Omar Kassim », la fontaine publique a été fermée. Pourtant, dans ce quartier du sud de Moroni, du matin au soir l’eau remplit les bidons, les seaux et autres. Les gens parcourent des distances considérables pour y arriver se procurer de l’eau potable. L’accès à l’eau une fois sur les lieux n’est pas aussi facile que d’ouvrir un robinet ou de pouvoir « servir » le nombre de bidons à la main après une longue file d’attente.
Ce tableau sombre sur la rareté de l’eau, en particulier dans la capitale, la population qui souffre le martyre ne cesse de le brandir devant les responsables politiques qui semblent regarder ailleurs.
Cinq jours sans une goutte d’eau
Dans une rencontre sur la gestion de l’eau face aux défis posés par les changements climatiques qui s’est tenue le 26 mai dernier dans le bureau du Coordonnateur des Nations-Unies, François Batalingaya, le directeur général de l’Environnement, Elamine Youssouf Mbechezi, avait affirmé : « Sur le projet d’amélioration du taux d’accès à l’eau qui devrait passer de 15% à 60% aux Comores, l’État comorien dispose présentement de 13 millions de dollars de financement ».
Force est de reconnaitre qu’à Ngazidja, il est impossible de remonter jusqu’aux responsables du désastre actuel.
« Chez moi, au « Club des Amis » c’est la catastrophe ! Cela fait cinq jours qu’on n’a pas vu une goutte d’eau. Dans mon quartier, les minibus ne passent pas, n’en parlons pas les camions-citernes de la Sonede. Nous, au moins, on a une citerne à la maison, mais dans deux jours nous serons en rupture si l’eau ne coule pas dans le robinet », commente Abou Soiyad Allaoui, un ingénieur.
À 50 mètres d’« Omar Kassim », seule fontaine qui coule encore
Dans ce contexte de stress hydrique, les habitants durant la phase d’urgence ne sont pas sans savoir que les services d’approvisionnement en eau par camions-citernes s’avèrent cruciaux.
Pour la vente et la livraison d’eau dans les maisons à Moroni et partout à Ngazidja, une frange de nantis s’est vue proposer une flotte de camions-citernes de 10 m3 jusqu’à 40m3 de la Sonede.
« Pour la consommation d’eau, au 1m3, je paie plus pour cette denrée précieuse pour ma famille restée au pays qu’en France. Vous imaginez 1m3 à 12 euros pour un camion-citerne de 10m3 qui doit alimenter le puits de notre maison ! Ma foi, c’est cher. », s’est offusqué un « Jeviens » qui dépanne ses parents de temps en temps pour l’approvisionnement en eau.
À l’échelle de Moroni, alors que l’eau occupe une place vitale dans la satisfaction de nos besoins primaires, nombre sont les quartiers où le vieillissement du réseau de distribution entraîne des pertes conséquentes. Un certain volume d’eau est restitué en milieu naturel et ne bénéficie pas aux abonnés.
S’il fut un temps où de Vouvouni à Vanamboini, en passant par Moroni, l’approvisionnement en eau potable était régulier, de qualité, de nos jours l’alimentation en eau se joue de la zone Gaston (mécanicien de motos) au périmètre allant du lieu-dit « Omar Kassim » à Iroungoudjani jusqu’à Zilimadjou.
C’est dans cet espace géographique de la capitale qu’il y avait encore une des quelques rares fontaines publiques où l’eau coulait en permanence. Autant dire que la ville souffre d’un approvisionnement irrégulier en eau, et cela finit par devenir insupportable.
Eau minérale ou de citerne de mosquée utilisée en cuisine !
Au quotidien, dans toute la capitale, l’approvisionnement en eau est assuré par de rares marchands ambulants en brouettes ou de minibus livreurs de bidons payants dans les quartiers sevrés d’eau.
Interrogé jeudi, un père de famille s’exprimant sous le couvert de l’anonymat a déclaré qu’il se passe une calamité à nulle autre pareille à Ngazidja après 46 ans d’indépendance. Il affirme que dans les quartiers Pamoja et Sahara, les livreurs de bidons payants ne viennent pas et il y a des familles qui puisent l’eau dans les citernes de mosquée pour boire ou cuisiner !
C’est aussi vrai qu’à ce qui est arrivé au quartier Pare-Elbak » de l’artiste Slamir. Un secteur où cela fait 5 mois qu’aucune goutte d’eau ne sort du robinet et les minibus de bidons payants passent tous les troisièmes jours ! Voilà une situation de désastre, de crève-cœur qui selon le jeune homme oblige sa famille à utiliser l’eau minérale Salsabil pour faire bouillir la marmite.
Le même son de cloche a été entendu de Moudjamed qui fait état d’un manque criant d’eau ne coulant plus dans le robinet de son quartier, Imani, depuis sept semaines ! Au total, comme la plupart de personnes interrogées avant lui, Moudjamed est formel pour dire que ni les minibus livreurs d’eau ni les camions de la Sonede ne viennent dans ces quartiers excentrés de la capitale.
Lorsque viendront les temps de pénurie d’eau, nous regretterons notre insouciance. Logiquement, une réfection adéquate du système d’aqueduc à Ngazidja aurait pu permettre de prévenir les problèmes d’approvisionnement d’eau.
Les manœuvres du gouvernement ne trompent plus personne dans la mesure où les responsables de tous bords n’ont pas été à la hauteur de leurs responsabilités durant des années.