Une grève à durée illimitée sévit depuis quelques semaines dans les écoles publiques des Comores. Les enseignants ont cessé toute activité dans les écoles. Rien ne laisse croire à une reprise prochaine des cours.
Par Abdouroihmane Ibrahim
L’enseignement public des Comores est en grève depuis plus de trois semaines. L’arrêt de travail des enseignants de l’Université des Comores a été suivi par le primaire et le secondaire.
Après une rencontre plus divertissante que prometteuse avec le chef de l’État, Azali Assoumani, visant à le convaincre de mettre en place une nouvelle grille indiciaire. Bien qu’il a été très optimiste, les promesses de ce dernier ne sont toujours pas tenues et les revendications des enseignants sont restées sans suite. C’est la raison pour laquelle, ces héros de l’enseignement public ont décidé de se manifester afin de mettre la pression jusqu’à ce qu’ils soient entendus. Et conformément aux procès-verbaux des assemblées générales, tenues avant la rentrée scolaire par les bases de la fédération du syndicat de l’éducation, cette dernière a adressé un préavis de grève illimitée à partir du 17 novembre 2023. Et depuis cette date, les portes des écoles publiques se trouvent cadenassées sans espérance de réouverture à court terme. Toutefois, après des jours de grève, le ministre de l’Éducation nationale et celui de la Fonction publique se sont entretenus le lundi du 27 novembre pour trouver un roadmap leur permettant de sortir de cette crise qui met en péril l’éducation de l’enfant comorien.
Les revendications des enseignants
Pendant son mandat, l’ancien président comorien Mohamed Abdallah Ahmed Sambi avait signé avec le corps enseignant une nouvelle grille indiciaire de salaires qui permettait d’augmenter les salaires des fonctionnaires comoriens. Cette nouvelle grille avait pris effet jusqu’à un certain temps. Ce système a été respecté pour les autres ministères comme celui de la Santé, mais pas celui de l’Éducation nationale. Car trois mois plus tard et jusqu’à ce jour, les enseignants du primaire et du secondaire se sont retrouvés écartés et n’en bénéficient plus. Pendant que la misère règne de leur côté, les agents des autres secteurs continuent à en bénéficier. De nos jours, avec la cherté de la vie et la précarité dans laquelle vivent les habitants, cela fait plus d’une année que les enseignants réclament d’être réinsérés dans le système afin de pouvoir constater une augmentation de leurs salaires.
Les Comores sont arrivées à un stade où la vie est très chère, la hausse des prix s’intensifie de jour en jour et les enseignants estiment qu’il est de leur droit de réclamer un salaire qui pourrait leur permettre de s’adapter à cette nouvelle vie. « Nous estimons que la patience a ses limites et que nous devons agir vite pour notre survie. Nous constituons une force forte et en aucun cas, nous ne pouvons accepter les jeux du grand mensonge et des humiliations de la part de nos dirigeants. Face à ce constat, nous devons montrer que nous sommes plus que jamais unis et déterminés pour la vie et le respect de notre mouvement », écrit la Fédération du Syndicat de l’Éducation aux Comores dans un communiqué.
Le gouvernement semble compatir à la situation des enseignants et reconnaît l’indispensabilité de cette nouvelle grille. Il lui reste à savoir comment répondre aux attentes de ces enseignants.
Des revendications classées sans suite par le gouvernement
Après la rencontre avec le chef de l’État, le gouvernement s’est mis d’accord avec le syndicat des enseignants afin d’entrevoir les moyens de répondre à leurs revendications. Mais pour que cela se fasse, il lui faudrait du temps pour élaborer un plan leur permettant d’avoir le budget nécessaire qui va permettre d’assurer cette demande. Car pour accepter d’augmenter les salaires des enseignants, il faudrait savoir où le gouvernement trouvera le financement.
Après plusieurs jours de contrôle cherchant à trouver comment retirer les salaires aux fonctionnaires qui ne sont plus en exercice, mais qui sont toujours payés. L’objet est de prendre cet argent donné inutilement à des gens qui ne travaillent plus pour augmenter les salaires des enseignants toujours actifs.
Quinze jours après le déclenchement de la grève, le Gouvernement a enfin brisé le silence en appelant les enseignants le lundi 27 novembre 2023 à des négociations pour une éventuelle sortie de crise. Mais, seule la désolation en est ressortie dans la mesure où, le Gouvernement a demandé au syndicat de reprendre les cours sans proposition aucune, aussi maigre soit-elle. Cela a été vécu comme un mépris, un dénigrement de la part des dirigeants envers les enseignants. Ils leur ont dit de reprendre les chemins de l’école et qu’ils plaideraient leur cause devant le Conseil des ministres.
Avec une telle réponse, insouciante, le syndicat se trouve obligé de maintenir avec fermeté cette grève.
Le sort des élèves mis entre parenthèses
Pendant ce temps, les élèves de l’école publique sont privés d’enseignement tandis que ceux du privé continuent à bénéficier de leurs cours respectifs. « En tant que père, je reconnais que l’éducation de nos enfants en prendra un coup, mais ça ne permet pas de dire que ces enseignants n’ont pas raison de revendiquer leurs droits. C’est mon avis en tant que père, mais en tant que Directeur d’une école, je reconnais aussi les difficultés que nous rencontrons dans la vie », déclare le directeur du Collège Rural de Tsinimoichongo, Ali Mkapvapvo.
Des rumeurs circulent selon lesquelles le privé ne va pas tarder à grever à son tour. « Ça devrait être pour bientôt. », ajoute un élève du Groupe scolaire Avenir, Abdoulmoudjib Tadjidine.
Alors que l’Éducation nationale est en péril, le gouvernement comorien ne se concentre que sur les prochaines élections présidentielles. Et la Fédération des syndicats de l’Éducation est prête à maintenir la grève jusqu’à ce qu’un renouvellement politique soit fait, même si cela implique qu’elle doit attendre le prochain président de l’Union des Comores après les prochaines élections.