Alors que le gouvernement français est décidé à mener l’opération wuambushu promise à la population et aux élus de Mayotte pour mettre fin à la délinquance dans l’île par l’envoi de près de 10 000 ressortissants comoriens et assimilés à Anjouan, les autorités comoriennes semblent paralysées ne sachant quelle réponse donnée à un gouvernement qui les soutient politiquement et financièrement depuis plusieurs années.
Par MiB
Pendant plusieurs mois, en 2018, le gouvernement comorien avait refusé l’expulsion de ses ressortissants de Mayotte vers Anjouan, estimant entre autres que leurs droits fondamentaux n’étaient pas respectés. La France n’avait alors trouvé qu’une seule parade : ne pas fournir de visa de sortie aux officiels. Ce qui avait été facilement déjoué puisque ces derniers s’arrangeaient pour passer par d’autres pays. En 2018, la dictature n’était pas encore installée à Moroni. Aujourd’hui, le régime n’hésite pas à torturer dans les camps militaires, dans les gendarmeries et même, il y a encore peu de temps dans le bâtiment du ministère de l’Intérieur où travaillait à l’époque un fonctionnaire du ministère de l’Intérieur français. Plus que jamais, la dictature d’Azali Assoumani a besoin du lien avec la France qui peut, entre autres, lui fournir les renseignements sur ses opposants et le prévenir en cas de préparation d’un coup d’État. Il est donc difficile au gouvernement comorien de s’opposer clairement à une opération qui a mobilisé contre elle une grande frange de la société comorienne et à laquelle s’oppose même le gouverneur d’Anjouan, l’île qui doit accueillir tous les expulsés.
Cela fait plusieurs mois que le gouvernement français prépare cette opération wuambushu, près d’un mois qu’elle a été révélée par le Canard enchainé. À l’époque, le porte-parole du gouvernement, Houmed Msaïdié, disait attendre une annonce officielle avant de réagir. Aujourd’hui, le gouvernement comorien feint la surprise. À travers les réactions contradictoires du chef de l’État et des ministres, on peut lire des oppositions ou au moins les débats au sein du gouvernement quant à la conduite à tenir face à cette opération qui risque de déstabiliser l’île d’Anjouan par son ampleur.
Le chef de l’État qui a été interrogé en premier a demandé à la France de ne pas mettre en application l’opération Wuambushu et a continué à repousser le moment de la décision en se justifiant par le fait que les relations entre les Comores et la France sont cruciales.
Le porte-parole du gouvernement s’est quant à lui avancé en annonçant clairement que le gouvernement n’accepterait pas des expulsions de Comoriens dans le cadre de l’opération wuambushu. Interrogé sur Mayotte la 1re sur les paroles de Houmed Msaïdié, le préfet de Mayotte, Thierry Suquet a préféré ne pas commenter les paroles d’un ministre d’un gouvernement étranger, mais a rappelé les liens qui unissent la France et les Comores, laissant entendre qu’il faudrait trouver une solution acceptée des deux côtés.
Le dernier membre du gouvernement Azali à se prononcer sur cette opération est le ministre de l’Intérieur, Fakri Mradabi, dont les paroles symbolisent les hésitations du gouvernement. L’ancien gendarme dit que les Comores ne peuvent pas accepter des Comoriens expulsés de Mayotte dans le cadre de l’opération wuambushu, mais que le gouvernement est prêt à discuter de cette opération avec la France. Des propos ambigus qui restent à expliciter.
Il est étonnant que sur une affaire engageant la France et les Comores, le ministre des Affaires étrangères n’ait rien à dire. Mais, au vu du profil de l’homme, accusé d’escroquerie à la Réunion et de tentative de subornation de témoins en France, un ministre qui s’est spécialisé dans les gaffes, le gouvernement lui a sans doute demandé de se taire. De plus, quand il a pris ses fonctions, il avait annoncé qu’il allait développer un nouveau type de diplomatie, « la diplomatie intérieure ».
En réalité, il est peu probable que la France n’ait pas discuté de cette opération auparavant avec le gouvernement comorien, alors que la collaboration n’a jamais été aussi resserrée entre la République française et la dictature installée aux Comores depuis 2018. Les garde-côtes comoriens sont formés par des instructeurs français dont un d’eux est à Mutsamudu depuis plusieurs mois.
Il est probable que le gouvernement comorien n’avait pas mesuré l’ampleur de la tâche et le renvoie de 300 personnes par jour à Anjouan. Du coup, aucune structure n’a été mise en place pour l’accueil et on laisse la ville de Mutsamudu et l’île d’Anjouan se débrouiller avec des milliers de personnes qui afflueraient de Mayotte et qui n’auront qu’une seule ambition : rester sur place pour tenter un retour dans un kwasa-kwasa dès que possible.
Les autorités nationales comoriennes n’avaient pas non plus pensé que cette question pouvait autant mobiliser les Comoriens, à l’intérieur et à l’extérieur. Les garde-côtes comoriens ont été préparés par des coopérants militaires français à cette opération depuis un bout de temps. Les moyens financiers ont été mis pour cela. Difficile maintenant de reculer, des deux côtés. D’où le « Non/Oui » du gouvernement comorien.