Au moment où la présence de la France est remise en cause dans beaucoup de pays en Afrique, le régime politique d’Assoumani Azali, par le truchement de la CRC, seul parti politique présent à l’Assemblée de l’Union des Comores, devenue une simple chambre d’enregistrement, à la quasi-unanimité, impose une nouvelle loi électorale liberticide. Celle-ci met aux bancs de touche les Comoriens de double nationalité, interdisant leurs candidatures aux élections présidentielles. En réalité, ce sont, sans nul doute, les Comoriens possesseurs de la nationalité française qui sont visés par cette loi. D’ailleurs, beaucoup de Comoriens sont convaincus qu’Assoumani Azali se permet de malmener quiconque ose s’opposer à sa politique parce qu’il a le soutien de la France. Ils sont choqués d’apprendre que la loi qui fixe les conditions d’éligibilité au poste du président de l’Union des Comores écarte les Comoriens de double nationalité. Comment la France peut-elle continuer à soutenir un dirigeant qui s’attaque à des Franco-Comoriens ?
Dès son retour au pouvoir, le 26 mai 2016, Assoumani Azali a développé une politique indigne envers les Comoriens de France. Or, les transferts d’argent que font les Comoriens de l’étranger, dont plus de 90% sont en France, dépassent le budget fonctionnel annuel de l’État comorien. Les Comoriens de France, dont les Franco-Comoriens, soutiennent ainsi leur pays d’origine dans tous les domaines, pour que leurs familles ne sombrent pas dans le chaos total.
La diaspora comorienne de France a depuis très longtemps remplacé l’État comorien dans divers domaines. Elle assure régulièrement le quotidien des familles restées au pays, construit des routes, des écoles et des foyers pour les activités socioculturelles. Elle finance des projets d’adduction d’eau et d’électrification dans les villes et les villages. Elle assure également les évacuations sanitaires de leurs proches vers l’extérieur pour des soins vu que l’État est démissionnaire dans le domaine de la santé également. C’est encore cette diaspora qui finance les études des Comoriens à l’étranger, aucun d’entre eux n’étant boursier de l’État comorien. Les Cœlacanthes, l’équipe nationale de football des Comores ; est composée des jeunes issus de la diaspora. Joueurs et staff sont des binationaux. En fait, dans quel domaine ne voit-on pas la participation active inégalable et inégalée des Comoriens de France ?
Dans un Rapport publié le 28 juillet 2020, le Gouverneur de la Banque centrale des Comores (BCC) reconnaît l’importance des transferts d’argent de la diaspora comorienne vers son pays d’origine. Dans ce Rapport, nous lisons que, malgré les difficultés liées au problème sanitaire marqué par la Covid-19, les entrées de devises ont fortement augmenté passant de 80,3 milliards de francs comoriens (162 146 040,16 euros) en 2019 à 106,3 milliards (214 843 503,21 euros) en 2020, soit une hausse de 32,4%. Pour sa part, l’Agence Ecofin note : « Alors que faisait craindre une baisse des transferts d’argent de la diaspora comorienne, ces envois essentiels pour son économie de l’archipel ont connu une hausse de 32% à fin mai 2020. Une marque de la “solidarité traditionnelle ˮ des Comoriens, selon les autorités », des autorités obnubilées par le pouvoir et qui oublient cette « solidarité traditionnelle » en coupant la main qui nourrit tout un pays.
La diaspora comorienne serait une menace pour Assoumani Azali. Elle devient donc sa cible à battre sans vergogne. Parlons vrai : comment peut-on développer des discours haineux contre les Franco-Comoriens, jusqu’à les amputer du droit de pouvoir se présenter aux élections présidentielles ? Il est temps d’ouvrir le débat pour parler des sujets sérieux. On diabolise le Franco-Comorien en le qualifiant de vendu, de traître, de collaborateur qui œuvre pour l’intérêt de la France au lieu d’œuvrer pour les Comores. Ce discours est bien accueilli par les Comoriens arabophones, qui croient fortement qu’un Comorien de culture française, surtout s’il a fait ses études en France, est un danger pour les Comores. Azali Assoumani, par sa loi discriminatoire, exclut. Les Comores sont au début d’une guerre culturelle latente, celle de la dichotomie entre l’arabophone et le francophone.
Doit-on continuer à considérer la France comme notre ennemie jurée, ou plutôt comme une partenaire ? On le sait pertinemment : malgré le contentieux politique qui oppose les deux pays, la France reste le premier partenaire social, économique et culturel des Comores. C’est une réalité. Les deux pays partagent une partie de leur Histoire depuis le XIXe siècle. Il est temps de trouver des solutions pérennes pour une très bonne relation entre les Comores et la France. Les deux pays sont condamnés à vivre ensemble. C’est aussi une réalité. Les Comoriens que nous sommes ne devons plus laisser nos dirigeants corrompus nous faire croire que la France constitue un frein au développement des Comores. Ce sont nos dirigeants corrompus et incompétents qui sont à l’origine de tous les maux qui rongent notre pays. Notre pays mérite mieux. Il mérite des hommes et femmes intègres qui sauront négocier avec nos partenaires en plaçant l’intérêt suprême de notre pays au-dessus de tout autre intérêt.
Abdourahim Bacar Bacar