Le président de l’Assemblée nationale, Moustadrane Abdou, a conduit une délégation de parlementaire favorable au chef de l’État au Maroc. La stratégie vise à montrer un changement favorable à la démocratie. Pourtant, il est toujours difficile d’oublier le Moustadrane qui menaçait le gouverneur Abdou Salami et les fonctionnaires de l’État à Anjouan.
Par Naenmati Ibrahim.
Moustadroine Abdou, le président de l’Assemblée nationale, est le fidèle serviteur du président Azali Assoumani à Anjouan. Ce dernier l’a choisi comme Vice-Président en 2016 et depuis il le trimbale partout malgré les maladresses qui lui ont valu le surnom de « Doliprane » dans les réseaux sociaux, faisant référence à ces étourdissements répétitifs lors des sorties officielles et médiatiques. En effet, il manque très souvent de cohérence lors de ses interventions orales. Mais cela n’empêche pas qu’il soit amplement médiatisé dans les réseaux sociaux.
Voyage au Maroc pour le dialogue
Moustadroine Abdou a récemment conduit une délégation composée de la députée Hayda Nourdine Sidi, troisième vice-présidente de l’Assemblée de l’Union, du député Saïd Hassan Madi, vice-président des relations extérieures ainsi que de son directeur de cabinet pour une visite officielle à Marrakech au Maroc. La visite s’est effectuée entre le 13 et 16 juin. C’est le service de communication de l’Assemblée qui en a fait l’annonce sur Facebook le 17 juin.
Cette visite au Maroc avait l’air de faire l’éloge du dialogue et d’une coopération pour un avenir meilleur comme l’indique la page de l’Assemblée : « Cette visite avait pour objectif d’honorer l’Assemblée de l’Union en participant à une conférence internationale intitulée « Promouvoir le dialogue et collaborer pour notre avenir commun », organisée par l’Union Interparlementaire et le Parlement du Royaume du Maroc, en coopération avec Religion for Peace et le soutien de l’Alliance des Civilisations de l’Organisation des Nations Unies et la Rabita des Ulemas ».
Un personnage au service des manœuvres d’Azali
Le président de l’Assemblée est ironiquement surnommé « Doliprane » dans les réseaux sociaux à cause des maux de tête que provoqueraient ses gaffes lors de ses prises de parole. Le phénomène est tel que de petites vidéos reprennent ses lapsus et dérives parfois choquants, puisqu’ils font figure de menaces à l’endroit de ses concitoyens. La plus célèbre de ces vidéos date du 5 novembre 2017. Alors vice-président de l’Union des Comores, il s’adressait au gouverneur de l’île de l’Anjouan de l’époque, Abdou Salami Abdou en le menaçant parce qu’il manifestait une résistance et une méfiance à l’égard des ambitions du gouvernement central de vouloir modifier la Constitution et les institutions du pays, au profit du parti présidentiel, la CRC et du détournement de la tournante pour se maintenir au pouvoir.
Le fait que la présidence de l’Union africaine est actuellement occupée par les Comores amène le gouvernement à élaborer une stratégie de communication à destination de l’internationale et visant à faire accepter la dictature maintenant Azali Assoumani comme président jusqu’au moins en 2029. Le voyage de Moustadroine Abdou et ses vice-présidents au Maroc entre dans cette stratégie de communication.
Quant à la vidéo évoquée plus haut, il faut la resituer dans le contexte de tension entre les deux partis qui s’étaient alliés au 2e tour des élections présidentielles de 2016 pour permettre la victoire d’Azali Assoumani, la CRC et le Juwa de Sambi. Le gouverneur Abdou Salami Abdou (Juwa) qui est visé par Moustadrane Abdou, Vice-président à l’époque, a été élu en 2016 en même temps qu’Azali Assoumani. Les deux partis (Juwa et CRC) connaitront la rupture en 2017 au moment où le gouvernement central manifestait son intention de modifier la constitution et la suppression de certaines institutions sans que ses alliés soient d’accord. Au lieu de négocier avec ses alliés, le gouvernement central imposa des Assises nationales dont les participants seront choisis avec soin, et qui seront suivies d’un référendum anticonstitutionnel durant la même année 2018, poussant le gouverneur à se défendre sur une radio locale. Lorsqu’un groupe de jeunes prend les armes et investit la médina de Mutsamudu, le chef-lieu de l’île, le gouverneur Abdou Salami Abdou est arrêté, destitué et emprisonné, accusé d’avoir armé ces jeunes anjouanais. Hayda Nourdine Sidi, qui était alors dans l’opposition, est choisie par le gouvernement pour devenir députée après service rendu, car comme d’autres opposants, jugés sans conviction par leurs anciens compagnons politiques, elle avait rejoint les Assises nationales. L’actuelle troisième Vice-Présidente de l’Assemblée de l’Union est donc bien placée pour négocier avec ses anciens compagnons politiques sur l’idée d’un dialogue avec le régime d’Azali Assoumani.
Les présidentielles de 2024 en vue
Les sorties officielles des autorités des Comores à l’extérieur sont donc truffées de mensonges, parfois grotesques pour cacher ces coups contre la démocratie qui ont permis à l’actuel président de l’Union africaine de garder la présidence du pays depuis 2016. À l’approche des élections de 2024 dont Azali Assoumani se représente pour la troisième fois consécutive, c’est un autre discours que les représentants actuels du pouvoir de Moroni souhaitent offrir au monde. Car les médias du monde et surtout du continent africain suivent de plus près Azali Assoumani, en tant que président de l’Union africaine. Celui qui est censé apporter la paix et la sécurité en Afrique durant sa mandature, tiendra-t-il sa promesse de respecter la constitution qu’il a imposée de force dans son pays en acceptant le déroulement d’une élection transparente en 2024, afin de montrer aux Africains la marche à suivre ? Rappelons que depuis 2018 jusqu’aujourd’hui, toutes les élections qui se sont déroulées aux Comores se sont soldées par de violentes répressions contre l’opposition et de nombreuses irrégularités.
Selon le service de communication de l’Assemblée nationale de l’Union des Comores, Moustadroine Abdou et ses vice-présidents appellent à la mise en place d’une stratégie globale visant à lutter contre ce phénomène, tout en prenant en compte les spécificités du contexte comorien. Dans la vidéo citée plus haut, Moustadroine Abdou ne privilégiait pas le dialogue avec les autorités insulaires de son pays puisqu’il menaçait un gouverneur élu au suffrage universel direct de destitution, en lui indiquant qu’il n’avait aucune immunité, ne disposait d’aucune armée ni police pour se défendre. Il menaçait les fonctionnaires et contractuels de l’État dans l’île d’Anjouan de suspendre leurs salaires s’ils se mettaient à écouter le gouverneur ou à avoir une opinion sur les éventuelles modification et disparition de constitution et d’institution.
Alors si « cette visite a permis à la délégation de partager les expériences, les connaissances et les bonnes pratiques en matière de dialogue interconfessionnel », Moustadroine Abdou et Hayda Nourdine Sidi devront livrer aux Comoriens d’autres définitions concernant la notion de dialogue. Et le service communication affirme que « le Président Moustadroine Abdou a exprimé le souhait de voir se multiplier de telles rencontres, afin de renforcer la solidarité entre les peuples et les nations, et de promouvoir une culture de la paix, du respect et de la tolérance », c’est que les hommes au pouvoir veulent dire à la communauté internationale qu’ils sont bien décidés à rester au pouvoir jusqu’en 2029.