Les jeunes qui se sont insurgés contre les résultats du double scrutin livrés provisoirement par la CENI et qui conduiraient à la réélection au premier tour du président sortant, Assoumani Azali avec 62%, ont rappelé le principe démocratique selon lequel « chaque vote compte et chaque vote doit être compté ».
Par Hachim Mohamed
Le coup de force de la CENI avait entraîné mercredi et jeudi une vague de contestation sociale et politique sans précédent. Et des affrontements violents avaient vite dégénéré en véritables batailles rangées livrées d’irougoundjani à Zilimadjou en passant par Kaltex et Madjadju.
De ce soulèvement populaire, attroupement spontané dans la rue, le mouvement s’est transformé en affrontement au moyen de coups de pierres du côté des insurgés et par des ripostes avec des grenades lacrymogènes et même des balles réelles de la part des forces de l’ordre.
Dévasté moralement par la guérilla urbaine depuis deux jours, Moroni a des allures de ville fantôme, dans laquelle ne reste que le champ de bataille et les odeurs de gaz de lacrymogènes, et où patrouillent les hommes en treillis. Sous cette situation explosive, les passants sont rares dans la rue, les commerces sont quasi tous fermés, les transports en commun sont à l’arrêt et des taxis introuvables.
Une capitale méconnaissable.
Au-delà de la confrontation entre les insurgés et les militaires, des actes de vandalisme et de pillage ont été signalés, notamment par des citoyens des quartiers populaires périphériques de la capitale.
Mercredi, aux environs de 9 heures, des policiers en tenue antiémeutes et des militaires ont pourchassé les jeunes manifestants dans les rues de Moroni. Ils avaient bloqué certaines artères de la capitale avec divers objets (pavés, vieux meubles, carcasses de voitures, pneus). Pendant la confrontation, ces manifestants ont élevé des barricades dans plusieurs quartiers.
De Mangani jusqu’au quartier Cambodge en passant par Imani, on pouvait constater de visu plusieurs débris sur les barricades enflammées. Des barrières métalliques et de la tôle ondulée ont aussi été érigées, donnant l’image d’un camp retranché encore le jeudi le matin.
Les personnes qui étaient sorties de chez elles pendant les affrontements, soit pour faire des emplettes au marché Volo-Volo, soit pour se rendre à leur travail courraient dans tous les sens, slalomant entre les voitures qui fonçaient, défonçaient, s’enfonçaient entre les gravats qui jonchaient encore les rues.
À l’instar de cet homme d’une quarantaine d’années, barbu, croisé le soir avec son sac de courses à la main, beaucoup de familles ont stocké des provisions par crainte d’une des troubles qui dureraient. Les denrées comme la tomate, le gingembre et autres légumes sont hors de prix dans un marché vidé de la plupart de ses vendeurs.
Tension vive aux abords du carrefour de la Coulée et Imani.
En attendant la proclamation définitive des résultats à la Cour Suprême, la situation reste extrêmement tendue aux abords d’Imani sans compter les parages de la Coulée où les policiers ont gazé continuellement les insurgés pendant ces deux jours.
« La situation dans le quartier Pam jusqu’au coulé de lave c’est à l’image Gaza. Les magasins de l’Onicor ont été vandalisés. Un peuple affamé se déchaîne dans les rues pour s’emparer des sacs de riz », raconte un retraité dans la rue.
« La villa de la fille du président à Azali est sécurisée par des gendarmes, mais j’entends des tirs d’armes sporadiques qui retentissent dans notre zone. Est-ce que c’est une mise en scène révolutionnaire ou quelque chose de réel. »
Si les sympathisants ou militants de l’opposition se sont insurgés contre les résultats provisoires fournis par la CENI, c’est parce que nous vivons dans un pays où on devrait mettre sur pied un mécanisme de contestation des résultats et déterminer ce qui constitue des manœuvres électorales frauduleuses. Dans tous les cas, le pouvoir risque de faire face à une contestation de plus en plus radicale et massive, y compris au-delà des frontières nationales.