Le gouvernement du président Azali a réussi à empêcher la manifestation contre la hausse des prix de l’essence qui était prévue le 4 juin. Pour cela, le ministère de l’Intérieur et le gouvernement ont utilisé tous les moyens entre leurs mains. Intimidation, menaces, convocations à la gendarmerie et à Beit-Salam et même arrestation. La manifestation contre la hausse des prix de l’essence a été empêchée.
Par MiB
La hausse soudaine des tarifs des hydrocarbures (essence et pétrole lampant) le 28 mai dernier a provoqué un tollé dans les réseaux, mais aussi dans les places publiques aux Comores. Cela d’autant plus que la mesure a été soudaine, imposée du jour au lendemain par des arrêtés conjoints des ministères de l’Énergie, des Finances et de l’Économie, sans préparation et sans discussion avec les partenaires sociaux.
La conséquence la plus évidente ne s’est pas fait attendre puisque dès le lendemain de l’annonce de ces hausses, les transporteurs ont répercuté le manque à gagner sur leurs tarifs, d’une manière anarchique et faisant payer aux usagers des prix fantaisistes.
Hausse des prix de l’essence, hausse des tarifs des transports
C’est à ce moment-là que le gouvernement à travers les ministères concernés a décidé l’organisation d’une réunion avec le principal syndicat des transporteurs, Usukani Wa Masiwa qui n’est en fait qu’un syndicat de la Grande-Comore, contrairement à ce que laisse penser son nom. Aucune association d’usagers ou de consommateurs comoriens n’était représentée dans cette réunion décisive et il semble que le syndicat a pu imposer sa vision au gouvernement.
Les tarifs fixés par le gouvernement et Usukani Wa Masiwa font l’unanimité de la population contre eux. Partout dans les régions, les usagers sont mécontents. Dans les jours qui suivent, des groupes de chauffeurs ont pu faire modifier à la hausse les tarifs en comparant ce que certains de leurs collègues ont obtenu dans d’autres régions. Les seuls perdants de la hausse des prix de l’énergie sont donc les usagers des transports.
Dans sa précipitation, le gouvernement n’avait fixé les tarifs avec Usukani Wa Masiwa que dans l’île de la Grande-Comore. Il se rattrape rapidement, avec parfois des prix exorbitants.
Le moins que l’on puisse dire c’est que cette décision du gouvernement de remonter les prix de l’essence et du pétrole lampant semble avoir été prise dans la précipitation, sans réfléchir aux conséquences. Et il a donc été obligé de réajuster dans les jours qui ont suivi.
La France a fait la même chose
Le gouvernement s’attendait-il au choc que cette décision a provoqué, au-delà des leaders d’opinion et jusque dans le pays profond ? On peut en douter quand on voit les éléments de langage qui ont été adoptés par les membres du gouvernement. Que ce soit le ministre de la Justice, Djae Ahamada ou le Chargé de la Défense Youssoufa Mohamed Ali, dit Belou. Selon eux, l’augmentation des tarifs de l’essence se justifie par le fait que la France a fait la même chose. Le chargé de Défense va jusqu’à dire que le prix en France est encore plus élevé. Aucun des deux ne prend en compte le fait que le salaire moyen aux Comores est probablement autour de 100 euros, et qu’en France, c’est douze fois plus.
Le gouvernement ne semble pas avoir envisagé non plus que les Comoriens manifestent contre ces mesures. Le 2 juin 2022, cinq organisations (Fédération comorienne des Consommateurs, Ngo Shawo, Confédération des Travailleurs comoriens et Société civile et Artistes) adressent un courrier à la préfecture du Centre pour l’« informer » de leur intention de se réunir à la place de l’Indépendance le 4 juin afin « d’exprimer le mécontentement de la population comorienne face aux décisions récentes prises par le gouvernement concernant l’augmentation des prix des carburants. »
Demander ou informer ?
À partir de ce courrier, le gouvernement semble paniquer tellement ses réactions semblent disproportionnées. Les responsables de ces organisations sont convoqués à la gendarmerie, puis à la présidence, en l’absence du président, en voyage depuis plusieurs jours. Ils reçoivent des intimidations pour annuler la manifestation prévue samedi.
Le 3 juin, un des organisateurs de cette manifestation, Ahmed-Hachim Saïd Hassane est arrêté par la gendarmerie. Il ne sera libéré que le samedi soir, sans jugement et sans qu’on sache les raisons de son arrestation. Mais, on se rappelle qu’Abdallah Agwa a été avant la manifestation et condamné à cinq ans de prison pour avoir émis l’idée de vouloir manifester.
Le même jour, le ministère de l’Intérieur a poursuivi son opération d’intimidation d’éventuels manifestants par un communiqué étonnant dans lequel il prétend que pour manifester les citoyens comoriens doivent faire une demande et obtenir l’accord des pouvoirs publics. Or, tous les juristes sont d’accord pour dire que cette demande d’autorisation n’est pas nécessaire, que les lois exigent juste une information à la préfecture. C’est ce que les organisateurs ont fait dans le courrier en date du 2 juin 2022.
Une telle demande est-elle vraiment nécessaire quand on sait que depuis 2018, le gouvernement du président Azali n’a autorisé aucune manifestation politique de l’opposition ou de la société civile qui pouvait s’apparenter à une défiance envers l’action de l’exécutif ? Depuis quatre ans le ministère de l’Intérieur et les préfets s’ingénient à trouver des arguments des plus risibles pour dénier aux Comoriens le droit de manifester.
L’objectif du communiqué par lequel le ministère de l’Intérieur dit « s’affirmer » est bien de répandre la peur parmi les potentiels manifestants. Et cela se lit dans la dernière phrase : « le Ministère de l’Intérieur prendra toutes mesures utiles et préventives afin d’assurer la sécurité des biens et des personnes, l’ordre public, la paix et la tranquillité dans la capitale ». Comment un ministre sérieux peut-il penser que l’État est menacé par une petite manifestation contre la vie chère ? Ou comme se demandait le Directeur de Hayba FM, Mohamed Mchangama : « Mais, de quoi a peur le régime ? »
Le samedi matin, la capitale a été quadrillée. Des militaires armés ont été placés aux entrées de la ville et sur la place de l’indépendance, comme si le pays se préparait à une guerre. Très peu de Comoriens se sont déplacés. Mais, les quelques personnes qui se sont présentées à la place de l’indépendance ont été poursuivies et chassées du centre-ville, y compris les journalistes.
Un militaire s’est même emparé du téléphone de la rédactrice en chef de la radio Hayba FM, Tahamida Mze et l’a fracassé pour l’empêcher de filmer. Une drôle de manière « d’assurer la sécurité des biens et des personnes ».