Pendant deux semaines de campagne électorale, le chef de l’État, Azali Assoumani semblait seul sur scène, utilisant sans aucuneMiB restriction tous les moyens de l’État pour sa campagne, tandis que les autres candidats paraissaient sans moyens financiers pour faire face.
Par MiB
Nous l’écrivions dans Masiwa plusieurs mois avant l’ouverture de la campagne, le candidat-chef de l’État a tout mis en place pour ne pas qu’une autre personne puisse prendre le pouvoir. Cela ne voulait pas dire qu’il avait une quelconque force électorale, en réalité, au bout de sept ans de règne, il n’a relevé aucun des défis qui se posent aux Comoriens, mais il a renforcé les divisions et beaucoup de ressentiments se cristallisent sur sa personne et ceux qui l’entourent. Tout indiquait qu’Azali avait fait tout ce qu’il fallait pour qu’en février la Cour Suprême n’ait d’autre choix que de lui donner un quatrième mandat, quels que soient les résultats réels.
Un processus électoral verrouillé
Azali Assoumani, candidat et chef de l’État, contrôle de bout en bout le processus électoral. Par l’entremise d’un militant de son parti, Mohamed Aboudou Hamadi, directeur du Centre national de Traitement des Données électorales (CNTDE), mais aussi du ministère de l’Intérieur, il contrôle l’élaboration des listes électorales et la mise en place des bureaux de vote. La CENI qui, avec le ministre de l’Intérieur, devrait être l’arbitre de ces élections a montré qu’elle ne peut pas être neutre, présidée par un autre militant de la CRC, Saïd Idrissa, qui comme Mohamed Aboudou Hamadi, participe aux débats politiques dans les réseaux sociaux pour défendre son candidat et qui menace quiconque l’attaquerait dans le cadre de cette campagne de le « descendre ». La CENI s’est montrée incapable d’imposer des règles et d’assurer l’égalité des chances à tous les candidats, en imposant l’égalité en matière d’affichage (surtout dans la capitale et les villes principales), en matière de recours aux médias d’État… Quant à la Cour Suprême qui devra prononcer les résultats définitifs, le candidat-président l’a déstabilisée et enlever toute crédibilité en lui faisant retirer des candidats qui pouvaient gêner le pouvoir ou simplement des dissidents de la CRC ou en ajoutant des candidats proches d’Azali. Des décisions qui ont montré que la CENI n’avait pas l’intention d’être neutre pendant ces élections. À quelques jours de l’ouverture de la campagne électorale, le président-candidat n’a pas hésité à démettre de ses fonctions la présidente de la Cour Suprême qui jusque-là l’a servi au détriment des lois, mais qui montrait des velléités d’indépendance qu’Azali ne pouvait tolérer sans risquer d’avoir une fronde de la Cour suprême contre sa réélection. Il a donc préféré changer la donne à la Cour Suprême avant le début de la campagne.
Un contrôle des moyens de l’État au service du Président-candidat
Dans les deux premières semaines de la campagne, il y a eu une volonté du parti au pouvoir d’assommer les adversaires et montrer aux Comoriens qu’il n’y avait pas d’opposants. En réalité, il ressortait clairement que l’équipe de campagne d’Azali Assoumani contrôle entièrement l’appareil d’État et l’utilise pour sa campagne. Même pour l’organisation de son meeting dans sa propre ville, Mitsoudje, il a eu recours aux forces de l’ordre (notamment les agents du COSEP) pour disposer les chaises et le matériel.
Pour s’attirer les faveurs de certains villages, certaines routes secondaires sont rapidement recouvertes d’enrobée et d’autres déblayées avec promesse aux villageois de fourniture de l’enrobée après les élections, sans doute selon les résultats.
Ayant prétendu qu’en tant que président de l’Union africaine, il ne pouvait pas démissionner de la présidence comorienne pour être uniquement candidat, on pouvait au moins s’attendre à ce qu’Azali Assoumani réduise ses activités de chef de l’État, expédie uniquement les affaires courantes, une preuve de démocratie, mais aussi d’élégance vis-à-vis de ces adversaires. Il n’en est rien, au contraire. Il exerce pleinement son pouvoir de nomination (et de licenciement) au service de sa campagne électorale. La nomination la plus marquante est celle d’Ali Hadji Mmadi à la société ComoresTelecom. La nomination de ce proche de Houmed Msaidié, le Dircteur de campagne que s’est choisi Azali Assoumani, doit dans la stratégie des hommes au pouvoir permettre de rassurer la région du Mbude qui est convoitée par plusieurs candidats et faire gagner la majorité au chef d’État sortant.
Le camp du président-candidat donne également l’impression de disposer d’un budget illimité pour organiser ses meetings et pour déplacer les militants d’un point à l’autre de l’archipel. Ainsi, n’étant pas sûr de remplir le stade Missiri à Mutsamudu (Anjouan) le premier jour de campagne, le parti CRC a embarqué des adhérents et des notables de Ngazidja dans les avions. Le stade n’a pas été rempli malgré tout.
Quel statut ont tous ces fonctionnaires intégrés dans l’équipe de campagne et tous ceux qui sont obligés d’assister aux meetings du président-candidat ? Le Directeur de campagne avait commencé à donner une réponse au cours d’un entretien avec le journaliste Oubeidillah Mchangama en prétendant qu’un fonctionnaire pouvait prendre un congé. Mais, il est certain qu’aucun de ces fonctionnaires n’a déposé une demande de congé et aucun ne verra son salaire réduit malgré un mois ou plusieurs jours de campagne, sauf si Azali Assoumani perd le pouvoir à l’issue de cette élection.
L’arrogance de ceux qui ont tous les pouvoirs et qui font ce qu’ils veulent
L’absence de l’opposition pendant ces deux premières semaines a amené les cadres de la CRC, à commencer par le Vice-Président du parti, le fils du chef de l’État, Nour El Fath Azali à s’appuyer sur leur mobilisation des fonctionnaires pour demander aux opposants d’en faire autant avant de parler de fraudes probables.
Ce semblant de faiblesse des opposants a permis au Directeur de campagne d’Azali Assoumani de relancer son slogan de 2019 : « Gwa Ndzima », envisageant pour le président-candidat une victoire dès le premier tour, comme en 2019, où le pouvoir en place s’est contenté d’inventer des chiffres, une partie des urnes ayant été détruites et l’autre partie n’ayant jamais été ouverte. Azali Assoumani avait d’ailleurs reconnu sa fraude par une de ces formules sibyllines dont il a le secret : « Si celui qui vole a pu le faire, c’est parce que Dieu l’a permis ».
L’équipe de campagne du camp au pouvoir craint par-dessus tout un deuxième tour, au cours duquel, l’ensemble des candidats risque de se liguer contre Azali Assoumani, ce qui transformerait l’élection en référendum pour ou contre Azali, pour ou contre la dictature, une situation qui pourrait mobiliser encore plus de Comoriens à aller voter. D’où ce slogan destiné à préparer les esprits à accepter qu’Azali puisse gagner les élections dès le premier tour, malgré son impopularité.
Les opposants, quant à eux, semblent jusqu’à maintenant sans ressources pour faire campagne et mobiliser leurs partisans. La plupart font une campagne de proximité, sans pouvoir se déplacer dans les autres îles autant qu’ils voudraient. Ils ont peu d’affiches et organisent peu de grands meetings. Ou peut-être qu’ils attendent les derniers jours pour accélérer la campagne et faire leurs démonstrations de force.