Encore une fois, l’armée sanguinaire des Comores a frappé très fort sur les populations civiles au lieu de les protéger conformément à sa mission.
Par Me Gérard Youssouf, Avocat au barreau de Moroni
Le village de Chindini, au sud de la Grande-Comore, a été le théâtre d’une intrusion militaire avec des gaz lacrymogènes, des coups de feu et la brutalité inadmissible des militaires. Cette Armée a envahi et attaqué le village de Chindini sans motif ou circonstance acceptable au regard du droit positif comorien. Mais par solidarité, notre armée reste au service de la dictature pour réprimer à coups de canon toutes formes de contestation dans le pays.
La population de Chindini doit cette répression au fait qu’elle a décidé de célébrer la fête de l’Aïd-el-Adha le dimanche 16 juin 2024 conformément aux rites et traditions musulmanes comme recommandé par le prophète Mohamed Ibn Abdallah.
La liberté religieuse
Cette célébration marque la fin du « Yamou Anrafa » » à la Mecque et donne lieu à une prière collective spéciale appelée Aïd-el-Adha. Cette fête fut reportée au lundi au lieu du dimanche par les autocrates de Moroni pour des raisons mystiques et non religieuses.
Cette interdiction infondée viole les principes constitutionnels consacrés par le préambule de la Constitution qui affirme la liberté de culte basée sur une seule religion « sunnite », l’article 1 qui garantit la reconnaissance de la dignité humaine, l’inviolabilité et l’inaliénabilité des droits humains comme fondement de toute communauté dans la paix et la justice, l’article 2 de la Constitution qui interdit toute discrimination fondée sur des convictions religieuses et la loi sur la liberté de cultes qui protège les Comoriens contre tout trouble ou entrave à la liberté de culte, suivant les prescriptions sunnites.
C’est après cette décision arbitraire que plusieurs communautés de Comoriens ont été choquées et révoltées, ce qui a par justesse entrainé la désobéissance civique de la population de Chindini qui tient au respect des valeurs, des règles et traditions musulmanes. Ces derniers temps, les sacrilèges sont devenus les règles de conduite de ce gouvernement putschiste qui a pris les Comores en otage.
Répression et tortures
Il est déplorable qu’un Ancien Président de l’Union Africaine, devenu Président par fraude, ose ordonner à des dizaines de militaires d’attaquer des populations civiles. Ces faits constituent au regard du droit positif comorien et du droit international un acte terroriste. Au cours de cette opération honteuse, la population civile a été menacée, bombardée, gazée, poussant ainsi des centaines des femmes et d’enfants à fuir leur village dans des conditions périlleuses vers d’autres localités environnantes. Durant ces deux jours de siège, plusieurs personnes ont fait l’objet de coups et blessures, et même de tortures. Il faut noter aussi que des maisons ont été vandalisées et détruites sans aucun état d’âme. Lors de cette opération, environ dix personnes ont été arrêtées sans aucun formalisme judiciaire et sans compter les blessés qui manquent de soins par peur de se rendre dans un centre hospitalier et de prendre le risque d’être identifiées. Les victimes des arrestations arbitraires sont gardées depuis ce jour sur la base militaire de Mdé.
Comme ils ont l’habitude de faire, ces détenus sans cadre judiciaire subissent chaque jour des traitements inhumains et des tortures par ces soldats du seigneur des Comores. Il y a lieu de rappeler que depuis l’arrivée d’Azali Assoumani au pouvoir, c’est la quatrième fois qu’une communauté villageoise est l’objet d’une attaque terroriste gratuite par l’Armée comorienne. On peut citer à titre indicatif la ville de Ntsoudjini en juillet 2020, Mbeni en octobre 2023 et Ndzaouze. On peut se demander pourquoi les services de maintien de l’ordre et les services de police judiciaires ne sont jamais intervenus dans des cas pareils. La réponse est bien claire. À défaut de légitimité, de légalité et de popularité, Azali Assoumani prône la violence et la peur pour asseoir son régime dictatorial par tous les moyens. Dans ce petit archipel de 850.000 habitants, les lois et les valeurs républicaines n’ont plus de place.
L’arrestation de Me Zainoudine Anziz Soufou à Mwali
Parmi les victimes de cet acharnement il y a Me Zainoudine Anziz Soufou dit Cissé, avocat au barreau de Mohéli, qui fut aussi arrêté arbitrairement et illégalement sur ordre de la Procureure de la République à Mohéli, ZamZam Ismael Issouf, au motif que dans son de village Miringoni, il fait partie des personnes ayant fait la prière de l’Aïd-el-Adha le dimanche. Ce qui est extraordinaire, c’est que les autres personnes n’ont fait l’objet d’aucune poursuite. Or il est établi que même des membres proches de la famille de la Procureure ont participé à cette prière sans être poursuivis.
Ces faits, objets des poursuites fantaisistes, ne constituent pas un délit légalement consacré par le Code Pénal de l’Union des Comores et promulgué le 16 février 2021. On peut donc légitimement se demander sur quelle base juridique ces citoyens sont poursuivis par la justice des Comores.
L’arrestation de Me Zainoudine Anziz Soufou est faite en violation à la fois des règles de procédure pénale pour y avoir été ordonnée un jour férié, sans réquisitoire, sans mandat ni convocation quelconque, mais uniquement par un ordre verbal exécuté par des militaires et non les services compétents prévus pour agir en cas de crime ou délit de droit commun.
L’autre irrégularité fondamentale est son arrestation en violation de l’article 61 de la loi relative à la profession d’avocat qui indique qu’aucune procédure ne peut être diligentée à l’encontre d’un avocat sans l’avis préalable et obligatoire du bâtonnier de l’ordre des avocats. L’inobservation de ce formalisme constitue une cause de nullité de la procédure.
Dans ce cas, on peut valablement dire que Zainoudine Anziz Soufou est victime d’une détention provisoire arbitraire. Mais, connaissant cette fameuse Procureure de Mohéli, qui est une collègue de promotion et pour avoir servi au parquet de Fomboni sous ses ordres pendant des années, je peux affirmer qu’un tel acte de sa part n’est pas étonnant. Les valeurs humaines ou républicaines et même la morale viennent après les choix de carrière de cette magistrate. Elle agit uniquement en fonction de ses intérêts personnels et politiques. Elle fait depuis de longues années le malheur de la population de l’île comorienne de Mohéli.
À la suite de tous les crimes commis par les militaires et qui restent impunis, j’appelle encore une fois les autorités sans légitimité à faire preuve de responsabilités pour légiférer en urgence sur la mise en place d’un tribunal militaire, sur la classification des armes à feu en Union des Comores, sur l’intervention des forces de l’ordre dans les opérations de maintien de la paix et enfin sur l’usage des armes en toutes circonstances. Ces quatre projets ou propositions de lois constitueront un gage de sécurité maximale à l’égard du peuple comorien. Si besoin est, je reste disposé à apporter mon expertise en la matière.