Par ordonnance le chef de l’État Azali Assoumani a mis en place les règles du jeu pour les prochaines législatives et communales. Encore une fois la diaspora a été mise de côté, pourtant, la Constitution modifiée en 2018 avait prévu sa participation aux élections et la possibilité d’élire des représentants au sein de l’Assemblée nationale. Dans cette interview, Youssouf Saïd Soilihi revient sur la première loi accordant le droit de vote à la diaspora en 2005. Propos recueillis par Ali Mbaé
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Masiwa – Depuis 2005, la loi puis le code électoral donnent à la diaspora le droit de voter et de présenter des candidats. Mais, jusqu’aujourd’hui, cela n’a pas été mis en application. Quel est votre sentiment en tant que personne qui a longtemps vécu au sein de la diaspora ?
Youssouf Said Soilihi – En ma qualité d’ancien vice-président de l’Assemblée nationale, membre de la commission de lois, j’ai fait certaines propositions à l’Assemblée nationale dont certaines concernaient le vote de la diaspora. Elles ont été formulées à la suite d’une mission que j’ai effectuée au Mali et en Mauritanie pour me faire des idées précises sur ce que ces deux pays faisaient. J’ai recueilli des informations importantes et pertinentes qui m’ont permis de faire cette proposition qui a donné le droit à la diaspora de prendre part aux élections nationales, parlementaires et présidentielles.
Masiwa – De quoi s’agissait-il ?
Youssouf Said Soilihi – Il s’agissait de reconnaître aux Comoriens de l’extérieur leurs droits de citoyens, le droit de prendre part à toute élection, et surtout à présenter des candidats. C’est un droit qui est devenu aujourd’hui constitutionnel. On nous dit qu’il n’y a pas d’argent pour faire le recensement. Mais y a-t-il besoin d’un recensement ? Non. Nous avons une base de données. La plupart des Comoriens, si ce n’est pas la totalité, ont fait des cartes d’identités nationales, de fois des passeports. Qu’est-ce qui nous empêche de puiser dans cette base de données les gens qui vont devenir des électeurs à l’extérieur ? Il fallait bien sûr créer des circonscriptions électorales et préciser combien d’élus en ce qui concerne par exemple les élections législatives. Ensuite, mettre en place une annexe de la commission électorale, ça veut dire des gens qui résident à l’extérieur qui travailleraient avec la commission électorale dite indépendante. J’avais déjà balisé la route au gouvernement de l’époque. Il faut noter que les présidents Sambi, Ikililou et Azali n’ont pas voulu prendre la décision politique pour permettre aux Comoriens de prendre part aux élections. C’est une décision politique puisque le cadre juridique est déterminé. Il précise qui a le droit de voter ou pas. On attend juste sa mise à disposition. Bien sûr cela suppose un accord entre la France et les Comores, par exemple, mais nous avons aussi d’autres diasporas. Je ne comprends pas pourquoi jusqu’aujourd’hui, les Comores n’ont pas pris les dispositions nécessaires pour permettre aux Comoriens de prendre part aux élections nationales.
Masiwa – À qui la faute si la diaspora ne vote toujours pas ?
Youssouf Said Soilihi – La loi a été votée en 2005. Il y a eu Sambi en 2006. Il pouvait aussi prendre les mesures nécessaires. Il ne l’a pas fait. Azali a rendu ce droit constitutionnel, mais répétons-le l’argument selon lequel il n’y a pas d’argent ne tient pas. L’argument selon lequel on n’a pas le temps ne tient pas. C’est un droit constitutionnel. La réalité est que les gouvernements qui se succèdent ont peur de la diaspora. Souvent l’opposition est mieux représentée à l’extérieur que le pouvoir. Donc ils ont toujours craint qu’elle vote contre eux.
Masiwa – Pourquoi en 2005, le droit de vote n’a pas été mis en place après le vote de la loi ?
Youssouf Said Soilihi – C’est le gouvernement qui doit appliquer ce droit. Les parlementaires votent, mais n’ont pas le pouvoir de mettre en application. J’avais indiqué les différentes étapes qu’il fallait parcourir. La loi avait donné au pouvoir 24 mois. Depuis l’adoption du texte jusqu’à son application. Et malheureusement, les régimes précédents n’ont pas voulu saisir cette occasion et aujourd’hui on est toujours en face de ce problème. D’abord, c’est une question d’équité sociale, ensuite une question de justice et enfin c’est la meilleure manière d’impliquer la diaspora dans la gouvernance du pays. Ce sont des Comoriens comme les autres, ils doivent être représentés dans la gouvernance voire la diriger. D’ailleurs, le rôle qu’elle joue dans la lutte pour l’État de droit nous amène à penser que si l’un d’eux venait à prendre la direction de ce pays, il y aurait une forte chance que les choses s’améliorent.
Masiwa – Le pouvoir a-t-il réellement les moyens de faire voter tous les Comoriens de l’extérieur ?
Youssouf Said Soilihi – Je pense que oui. Ils peuvent le faire. C’est un dossier de mon point de vue qui peut avoir le soutien des partenaires. Et quand on demande des fonds pour organiser des élections ici, il n’y a pas des raisons qui nous empêchent de demander aussi pour que nous les organisions à l’extérieur. De toute façon, c’est la responsabilité de l’État de le faire. Il faudrait impliquer les associations de la diaspora.
Masiwa – Le consensus est-il toujours possible ?
Youssouf Said Soilihi – Tout le monde doit être d’accord pour que les Comoriens qui vivent à l’extérieur retrouvent leurs droits. Je crois qu’il ne devrait pas y avoir d’opposition sur ce sujet précis. Le consensus doit être de rigueur. C’est un droit constitutionnel du Comorien qui vit à l’extérieur. Donc le consensus doit être prévaloir.
Masiwa – Le président de la CENI a promis des élections indépendantes, le boycott de l’opposition est-elle la meilleure solution pour lutter contre le gouvernement ?
Youssouf Said Soilihi – Ce n’est pas de gaité de coeur que nous renonçons à ces élections. Il y a d’abord des motivations politiques. Nous avons vu qu’Azali n’a pas gagné les présidentielles. Il a fait un hold-up. Chacun sait qu’Azali veut une assemblée monocolore. Autant qu’il nomme les députés. Ce n’est pas la peine d’aller investir dans une mascarade qui sera frauduleuse. Quant à la CENI de Djaza et Dafine, elle n’a pas de crédibilité.
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