L’Assemblée nationale n’existe plus. Dépossédée de ses prérogatives constitutionnelles, de son patrimoine et privée de moyens financiers. Nombreux sont les Comoriens qui ont le sentiment d’être exclus du débat national à travers l’exclusion manifeste dont souffre la représentation nationale. Le débat national a lieu à huis clos, entre initiés, entre le pouvoir exécutif, si ce n’est entre le président et ses proches. Alors que les Comoriens disposent désormais, notamment avec les réseaux sociaux, d’informations quasi illimitées qu’ils commentent, se mobilisent et se sentent à juste titre dépossédés de toute capacité d’intervention. La représentation nationale est neutralisée, méprisée par le pouvoir exécutif. Elle ne sert plus à rien au moment où notre pays est devenu le théâtre de plusieurs crises : politique, économique et sociale. Le pouvoir exécutif décide seul sans rencontrer la moindre contradiction alors qu’il devrait en principe s’exprimer et laisser ensuite la représentation nationale répondre. Mais que craint le pouvoir exécutif ? Que l’Assemblée nationale se mobilise, s’engage et reprend goût au débat démocratique ?
Pas plus tard qu’il y a deux ans, le gouvernement a investi plus de 6 milliards de francs pour soi-disant « solutionner » le problème de l’électricité. Force est de constater que le problème de l’électricité est loin d’être résolu. Aucune enquête n’a été diligentée notamment par la représentation nationale pour interroger et contrôler la manière dont cet argent public a été utilisé et donc situer les responsabilités des uns et des autres. Les sociétés d’État font quotidiennement l’objet d’actes de pillage sans que personne dise quoi que ce soit. Ce travail qui devrait être fait notamment par les députés, les journalistes…n’est pas fait. Des « animateurs de twarab » se sont substitués aux députés et journalistes. Et le simplisme du discours alarmiste de certains d’entre eux a de quoi irriter le pouvoir exécutif. La plupart maitrisent plus ou moins les codes de la communication moderne. Ils sont audibles face à l’évidence. Ils sont devenus des symboles, des héros et incarnent la mobilisation spontanée d’une autre génération qui réalise que notre pays est en train de s’enfoncer dans l’abime. La mobilisation citoyenne est de plus en plus réelle, à l’intérieur et plus encore à l’extérieur du pays, comme l’ont prouvé les importantes manifestations organisées en France contre la dictature et le hold-up électoral du 24 mars dernier. Pour toutes ces raisons, on aurait tort de mépriser ces « animateurs de twarab » qui font un travail formidable, le travail des députés déserteurs.
Tous s’accordent à vouloir mettre fin à l’hégémonie de l’exécutif sur les deux autres pouvoirs : législatif et judiciaire. Il est de plus en plus fréquent de voir une autorité administrative annuler purement et simplement une disposition législative. Les préoccupations actuelles des Comoriens, Dieu sait qu’elles sont nombreuses, ne font l’objet d’aucun débat, d’aucune position de la représentation nationale. Nos députés ne méritent plus leur salaire. Ils sont visiblement payés à ne rien faire.
Le déficit démocratique est si obsédant. Notre devoir est de veiller au bon fonctionnement de nos institutions. Ce qui n’est visiblement pas le cas aujourd’hui. Il faut que nos institutions retrouvent une certaine sérénité, sagesse et respect. L’Assemblée nationale, cheville ouvrière de la démocratie et de l’état de droit doit retrouver rapidement sa place, qu’elle reconquiert enfin sa centralité en redevant finalement la maison commune, l’agora, le forum où se confrontent toutes les opinions et où se prennent enfin les grandes décisions, celle que l’on prend au nom du peuple comorien et pas au nom « du Père, du Fils et du Neveu ».