Activiste dans la diaspora comorienne et influenceur sur facebook, Omar Mirali est historien, conscient qu’il y a des moments où l’engagement devient une nécessité. Depuis des mois, il s’active dans les groupes de ceux qui, en France, s’opposent au gouvernement en place aux Comores. Un seul objectif pour lui : la démocratie. Et c’est dans cette optique que le 28 mars dernier, avec quelques amis, ils ont pris l’Ambassade des Comores et l’ont occupé pacifiquement pendant quelques heures. Propos recueillis par Mahmoud Ibrahime
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Masiwa – Le 28 mars 2019, avec des amis, vous avez pris et occupé l’ambassade des Comores en France, pourquoi ? Que cherchiez-vous par ce geste ?
Omar Mirali – Le 28 mars 2019, soit quatre jours après les présidentielles anticipées d’Azali Assoumani, mes amis et moi avons effectivement occupé l’ambassade des Comores à Paris. Le contexte politique était pour beaucoup dans cette action. Profondément démocrate, je ne supportais que très mal les provocations d’Azali Assoumani lors de la campagne présidentielle et le hold-up électoral du 24 mars. J’avais le sentiment que mon pays était mis à sac par une seule personne et que la volonté du peuple comorien qui s’était exprimé à l’issue de ce vote n’avait pas été respectée. J’ai donc décidé de monter cette opération par solidarité envers mes propres compatriotes et pour adresser un message très clair à Azali Assoumani et ses nervis. Le peuple comorien a aujourd’hui des défenseurs qui ne laisseront personne le malmener.
Masiwa – Vous n’avez pas revendiqué votre action au nom d’une organisation politique ou sociale, vous étiez juste une bande de potes ou vous aviez des intérêts communs ?
Les personnes qui ont mené cette action avec moi, en tout cas pour la plupart, ne sont pas engagées politiquement. C’était une simple action citoyenne dont l’un des buts était de dire non à la mascarade électorale du 24 mars 2019 et à l’humiliation du peuple comorien. Nous avions donc un intérêt commun : celui de nous montrer solidaires de nos frères et sœurs victimes des agissements du régime d’Azali Assoumani.
Masiwa – Certains ont noté une similitude dans le temps entre votre action et celle que menait le candidat Campagnard aux Comores, quels étaient les liens avec le CNT?
Le CNT est né le 28 mars 2019, jour de notre action. On n’a pas pu nouer des relations avec une structure née officiellement le jour même où nous menions notre action. Par contre, je vais vous faire une confidence. J’ai échangé avec Campagnard la veille de notre action. Le 27 mars au soir, je l’ai appelé pour lui tenir au courant du projet. Je suis sidéré de voir la façon dont il est traité aujourd’hui. J’ai rarement vu un homme aussi pacifique. Il m’a demandé d’annuler l’opération pour éviter tout trouble parce que la situation était déjà assez difficile aux Comores. Mais ma détermination était grande. Je lui ai fait croire qu’il avait raison et le lendemain, l’opération a eu lieu. Je ne l’ai tout simplement pas écouté. Houmed Msaidie, de l’AMP, parlait alors d’une concomitance d’événements parce que le jour même de la prise de l’ambassade, la prison de Moroni a été attaquée et des militaires et un civil ont été tués. Il nous a, par la même occasion, traités de criminels, sous-entendant que nous avions pu être derrière l’attaque de la prison. Nous défions quiconque de trouver le moindre lien entre les auteurs de cette attaque et nous. Si nous avions commandité cette attaque comme on le sous-entend, nous l’aurions assumé exactement comme nous assumons l’occupation de l’ambassade. Une pensée au passage à ceux qui sont héroïquement tombés ce jour-là.
Masiwa – Et il y a aussi le neveu de Campagnard à l’ambassade avec vous, c’est hasard?
Trop de choses ont été dites après notre action. Le gouvernement a établi les responsabilités de l’action comme bon lui semblait. J’ai lu partout que ce frère en question était en réalité le cerveau de l’opération, sans doute de par sa proximité familiale avec Campagnard. J’ai en partie accepté cette interview pour assumer la responsabilité qui est la mienne. Je ne laisserai aucun de mes amis payer pour mes actes. En réalité, ce frère n’a été informé de l’opération qu’à la dernière minute. Je lui avais, dans un premier temps, soumis l’idée et il l’a immédiatement rejetée. J’ai choisi alors de l’écarter, autrement, il aurait réussi à me faire changer d’avis. Je lui ai juste envoyé un SMS le jour même pour lui dire que l’opération était maintenue. Il était même étonné, il croyait que le chapitre était déjà clos. En quelque sorte, je lui ai mis devant le fait accompli.
Masiwa – Quatre mois après, rien n’a changé. Azali est toujours à la tête de l’État. N’avez-vous pas le sentiment d’un échec ?
Azali est, en effet, à la tête de l’État en dehors de toute légitimité. En m’engageant dans cette lutte, je savais qu’elle serait longue et difficile. Je remercie pour cela mon frère Nourdine Mbae dont la détermination m’empêche d’abandonner à mi-chemin. Je ne partage pas votre sentiment d’échec. Nous avons remporté plusieurs batailles importantes. Nous gagnerons certainement la guerre. C’est une question de quelques mois. D’abord nous sommes sur le terrain et observons les moindres faits et gestes de ceux qui gouvernent par la force notre pays aujourd’hui. Au moindre faux pas, nous sauterons sur l’occasion. Vous avez bien vu ce que nous avons fait lorsqu’Azali Assoumani et son entourage s’étaient rendus en France. Ils ont été interdits de frôler le sol marseillais, sous la pression de nos amis de cette ville. Ils sont restés à Paris où nous les avons traqués sans relâche. Il y a bien un échec dans cette histoire. Mais il est en face. Ou alors, pouvez-vous considérer la fuite de Mohamed Daoud Kiki comme une victoire lorsque nous l’avons poursuivi aux abords de l’ambassade des Comores? Azali lui, a dû écourter son séjour pour des raisons de sécurité. Ce n’est sûrement pas une victoire.
Masiwa – Que vous inspirent ces manifestations dans la diaspora depuis maintenant 19 semaines ?
Mes amis et moi avons un immense sentiment de fierté aujourd’hui. C’est nous qui avons signé l’acte1 de la résistance populaire contre l’oppresseur dans la diaspora. Nous sommes certains de marquer de notre empreinte l’histoire de notre pays. Un jour, quand viendra enfin un gouvernement digne de ce nom à la tête de notre pays, tous les Comoriens sauront qu’une bande de copains a risqué sa vie pour l’intérêt supérieur de la nation comorienne.
Cette conviction de marquer l’histoire, nous la partageons tous. C’est pour cette raison que nous continuons à intensifier nos efforts en faveur de la libération de notre pays. Nourdine Mbae a été reçu à l’Assemblée nationale française. J’ai été reçu au Haut-Commissariat des Nations-Unies aux droits de l’homme. Tous deux, nous avons été reçus au palais de l’Élysée. À chaque fois, il est question de la dictature qui sévit actuellement aux Comores. Je me trouve actuellement à Marseille. J’espère ne pas rentrer à Paris avant d’avoir réuni, avec mes amis, tous les ingrédients nécessaires à la chute de ce régime barbare.
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