Pris en tenaille entre un déchargement de marchandises qui traine souvent au port de Moroni provoquant ainsi des charges supplémentaires et une « concurrence déloyale » du groupe cimentier Lafarge, le gérant d’une société spécialisée dans la vente de matériaux de construction aux Comores s’inquiète pour la survie de son commerce. Par Faïssoili Abdou
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Fahar Aboudou, gérant et directeur de la société BatiPro & Co, une société spécialisée dans la vente de matériaux de construction aux Comores, est furieux. Et ce jeune opérateur économique ne s’en cache pas. Il dénonce vigoureusement les conditions de travail de Moroni Terminal, filiale du groupe Bolloré Africa Logistics, qui assure la manutention au port de Moroni depuis 2012. La raison de sa colère ? Une grosse cargaison de ciment qui traine depuis plus d’une semaine au port de la capitale avec tout ce que cela comporte comme charges supplémentaires à payer par l’affréteur et par ricochet, par le consommateur de base. « Plus le bateau reste longtemps, plus le fournisseur c’est-à-dire celui a envoyé le bateau va payer des surestaries (des indemnités que l’affréteur doit payer au propriétaire du navire en cas de dépassement du temps prévu pour le voyage, Ndlr) qui s’évaluent à 16000 $ par jour. Cela veut dire qu‘au prochain arrivage les prix vont augmenter car lui, il répercute cela sur le prix et nous aussi on va faire pareil et à la fin c’est le consommateur comorien qui va payer », s’inquiète le jeune opérateur. « Tous les trois mois, c’est la même galère. Nous recevons notre cimentier et à chaque fois le bateau traine lors du déchargement suite aux négligences de Moroni Terminal. En effet, nous comprenons que le port de Moroni n’est pas facile et que la manutention est plus compliquée que sur les autres ports, cependant ce n’est pas normal qu’à chaque fois que le cimentier arrive, les grues sont en panne. Là, il y a une barge qui a coulé et qui n’a pas été remplacée. Ils disent qu’ils vont prendre le « Djoumbe Fatima » pour le remplacer, mais c’est insuffisant », poursuit-il.
La coupe serait donc pleine pour cet opérateur économique qui a tenu à exprimer vivement son désarroi devant une situation qu’il juge « humiliante et inacceptable ». « Le bateau, arrivé le 16 août aux Comores, a pris une semaine pour entrer à quai et là, ils déchargent 500 tonnes par jour au lieu de 1500 à 2000 tonnes, ce qu’ils seraient capables de faire si Moroni Terminal s’était concentré. Mais étant donné qu’il y a des bateaux de containers qui arrivent, ceux-là sont prioritaires. Nous, on est mis de côté à chaque fois. Cette situation est humiliante et par rapport au montant qu’on leur donne c’est inacceptable », dénonce-t-il évoquant une « prestation qui est évaluée à presque 210 000 € (103 320 000 KMF) pour décharger un bateau de 22 000 tonnes de ciment ». Un montant «extrêmement élevé alors que la prestation qui est faite ne correspond pas », a-t-il souligné.
Sur cette même lancée, le patron de Batipro &Co s’est prêté à une comparaison des opérations de manutention dans les autres ports de la région océan indien pour démontrer le caractère anormal de la situation au port de Moroni pointant ainsi du doigt les « négligences » de la direction de Moroni Terminal. « Le directeur actuel de Moroni terminal avait dit qu’il allait louer un bateau pour augmenter la cadence de déchargement, il ne l’a pas fait et il ne veut pas le faire parce que c’est trop cher. Parce que voilà, pour lui c’est trop cher sauf que quand il faut prendre notre argent, là pour lui ce n’est pas un souci. Du coup, au lieu de décharger 1000 à 1500 tonnes par jour, on décharge que 500 tonnes par jour alors qu’à Mayotte où ils ont également le même problème que nous – un port qui n’a pas des eaux profondes – On a réalisé des aménagements qui lui permet d’être un port international et de décharger correctement les bateaux, ce que Moroni Terminal n’a pas fait. Et à Mayotte donc, ils déchargent 3000 tonnes de ciment par jour. À Tuléar, ils déchargent 2500 tonnes par jour. Dans d’autres ports de l’océan indien, on est à peu près à 2500 et 3000 tonnes », a-t-il relevé. Ce jeune issu de la diaspora comorienne qui a décidé d’investir dans l’archipel depuis 2013, dit vouloir porter cette affaire devant les autorités comoriennes pour qu’elles trouvent une solution rapide à cette situation. Car, dit-il, « à la fin c’est notre survie qui est en jeu parce que si le prix du ciment augmente Lafarge, eux ils ont toujours un prix attractif et donc à la fin c’est nous qui allons fermer. On ne peut pas laisser Moroni Terminal nous exécuter comme ça sur la place publique », a-t-il lancé.
À côté de ce problème relatif à la manutention au port de Moroni, le gérant de Batipro&co s’inquiète également de la concurrence du groupe Lafarge « qui vend du ciment à Moroni de manière déloyale ». « La concurrence, elle n’est pas saine, elle est complément déloyale parce que dans le projet de Lafarge, ils auraient dû ouvrir une usine où normalement ils devaient créer de l’emploi. Au final, ils ont juste ramené des sacs et de la poudre, ils font du conditionnement sur place. On s’est bien fait avoir, ils vendent du ciment à un prix qui défie toute concurrence parce qu’ils ne payent pas les mêmes charges que nous. On a réussi quand même à travailler et être en concurrence avec eux malgré cette injustice. Ce qui nous préoccupe aujourd’hui c’est Moroni Terminal ». Il reste à savoir pendant combien de temps cela va durer et si à la longue, cette jeune entreprise ne risque pas d’en pâtir…
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