Ce jeune enseignant à l’université des Comores brûle d’envie de pouvoir vulgariser l’utilisation des énergies renouvelables notamment le biogaz dans l’archipel malgré le manque de financements pour développer un tel projet. Avec ses étudiants, ils ont expérimenté un prototype d’un biodigesteur, un dispositif technique utilisé pour produire du gaz domestique à partir d’excréments animaux ou humains et toute matière organique. Les résultats sont encourageants. Par Faïssoili Abdou
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Tout est parti d’une petite vidéo publiée la semaine dernière sur les réseaux sociaux. On y voit, un mini système de plomberie composé de petits morceaux de tuyaux reliés entre eux et équipés d’un robinet placé sur un bout. Un ballon de baudruche est attaché sur un autre bout de ce curieux assemblage. Le tout est solidement monté sur un bidon de couleur bleue. Un homme tient une allumette et ouvre précautionneusement le robinet. Il allume. Et l’appareil produit du feu. « Là c’est bon. En plus c’est du gaz de bonne qualité. Si la flamme est en bleue, cela veut dire que le gaz est pur », lance-t-il à son assistance. « Cela a très bien marché », ajoute-t-il très content de son expérience.
Celui qui parle est un jeune enseignant, depuis l’année dernière, au département de Maths-physique de l’Université des Comores. Malik El’Houyoun Ahamadi, c’est son nom, vient là d’expérimenter la réalisation d’un mini Biodigesteur, un dispositif technique utilisé pour produire du biogaz. « On l’a fabriqué à partir de matériaux de récupération : un bidon de 10 litres, des tuyaux avec les accessoires de plomberie (robinet, coude…). De la bouse fraiche de vache et des résidus de coco (ntsahi). On a utilisé un ballon de baudruche (shitriya mpumu) comme réservoir de stockage du gaz généré. Le procédé c’est une digestion anaérobie de ces déchets », nous détaille ce jeune titulaire d’un doctorat en physique spécialité Energétique obtenu en 2014 à l’Université d’Antananarivo. « Travailler avec les étudiants, c’est amusant, car on leur apprend l’intérêt pratique des cours qu’on leur donne. Et je le fais souvent avec mes étudiants. Cela les pousse alors à me consulter souvent sur divers projets. C’est ainsi que l’un de mes étudiants est venu me voir pour lui proposer un projet qui pourrait être simple financièrement pour une présentation dans un événement scientifique. Et je lui ai proposé ce projet de production de biogaz. Et comme vous l’avez vu sur la vidéo, c’est un succès même si le gaz produit est peu (ce qui est normal vu la taille du digesteur) », poursuit notre interlocuteur.
Ce procédé est connu dans plusieurs pays d’Afrique comme le Burkina-Faso, le Sénégal ou Madagascar où on loue son extraordinaire « impact environnemental et économique». A Madagascar, la fondation Engie et Codegaz, deux associations humanitaires françaises travaillent dans la vulgarisation de l’utilisation du biogaz présenté comme « particulièrement adaptée aux zones rurales de la Grande île et dans de nombreux pays en voie de développement ».
« En offrant une alternative à la cuisson au bois et au charbon de bois, la construction de biodigesteurs familiaux contribue à préserver l’environnement en limitant la déforestation, et à améliorer la santé en diminuant l’exposition des femmes et des enfants à des fumées de combustion toxiques. Le biogaz permet également d’éclairer l’habitat grâce à des lampes à gaz. Dans une logique d’économie circulaire, le digestat (résidu issu de la méthanisation) est utilisé directement ou après compostage pour fertiliser les champs des paysans, ce qui sécurise et augmente leur production rizicole, maraichère et fourragère », explique la fondation Engie sur son site web.
Malik El’Houyoun Ahamadi ambitionne de développer un tel projet dans l’archipel malgré le manque de financements. « Un tel projet serait plus qu’intéressant pour le pays », estime-t-il. « En effet avec n’importe quelle matière organique, on peut produire cette énergie. Vous savez le méthane est l’un gaz à effet de serre le plus dangereux. Ce système permet alors de réduire son émission dans l’atmosphère. On peut construire des digesteurs suffisamment grands pour être utilisé dans les ménages (pour la cuisson, l’éclairage ou autre) », souligne ce jeune trentenaire natif de Ongojou dans le Nyumakele, une région rurale de l’île de Ndzuani. « Pour un système bien fait, la durée de vie peut être vraiment longue. Si pendant 20 à 30 ans, on n’achète plus du gaz ni du pétrole, on ne coupe plus le bois…non seulement qu’on va réduire énormément la facture énergétique, mais la fréquence de coupure du bois va être énormément réduite », démontre notre interlocuteur.
Pas du tout naïf, ce jeune universitaire reconnait que le manque de financement constitue aujourd’hui « un frein pour le développement de la plupart des projets ». Et, il faut dire que cet enseignant fourmille d’idées qu’il souhaiterait mettre en place. « Par exemple l’année dernière j’ai travaillé avec mes étudiants sur un projet d’un système utilisant la chaleur du sous-sol (la géothermie) pour rafraîchir l’habitat à Moroni. Et nous avons obtenu des résultats très satisfaisants, car on a pu constater que le système refroidit l’habitat en période chaude et chauffe en période froide. Bien sûr, il reste encore beaucoup à faire sur ça, mais le manque de moyens ne nous facilite pas la tâche », confie-t-il. Malik a également mis au point un logiciel de valorisation énergétique des déchets au profit d’une association qu’il a créé dans sa région du Nyumakele. « Actuellement, j’ai un projet de recherche en cours dont une première phase a fait l’objet d’une publication scientifique dans un journal européen sur l’amélioration des rendements énergétiques des chambres de combustion des alambics », révèle-t-il. Et de conclure : « plusieurs problématiques sont liées à ce sujet et nous essayons petit à petit d’apporter des réponses bien que ce n’est pas toujours facile faute de moyens ».
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