La loi que les députés comoriens ont votée le 29 décembre 2020, veille de la clôture de la session ordinaire d’octobre a été bâclée et votée à la va-vite. C’est une évidence pour quiconque jette un regard sur sa forme. Sa rédaction est approximative, avec de nombreuses fautes de français, des phrases copiées-collées ou paraphrasant des documents officiels du ministère de l’Éducation nationale français ou de l’UNESCO. Par Mahmoud Ibrahime
La loi, qui a été élaborée par les techniciens du ministère, aurait dû être relue et travaillée par les députés, notamment le rapporteur, député de Domoni, Adinani Mhoumadi. Et enfin elle aurait dû être contrôlée, page par page, par les hommes de Beit-Salam avant la promulgation. Pourtant, la structure même de la loi révèle un certain laisser-aller général.
Nous tenons à préciser que la version que nous possédons de la loi est celle qui a été promulguée par le chef de l’État, Azali Assoumani et qui porte le tampon « Le Président » sur chaque page, marque que la page a été lue et contrôlée par le sommet de l’État. La loi risque donc de porter atteinte à la crédibilité de l’État quand elle sera envoyée dans des dossiers pour demander des partenariats sur certains projets.
On peut commencer par constater que le décret de promulgation, un décret de 2 articles, crée une confusion dans les dates. En effet, l’article 1 annonce : « Est promulguée la loi N°20-034/ AU, portant révision de la loi N°94-035/AF, relative à l’orientation de l’Éducation, adoptée le 12 décembre 2020, par l’Assemblée de l’Union des Comores ». Or, aucune des deux lois n’a été adoptée le 12 décembre 2020.
On peut aussi remarquer que le gouvernement a oublié la loi n°97-002/AF du 6 juin 1997 qui prévoit la création de l’Office de la Formation Technique et Professionnelle (OFTP), établissement public chargé de suivre et coordonner la formation technique et professionnelle dans tout le pays. Le ministère de l’Éducation nationale, l’Assemblée de l’Union et Beit-Salam ont ignoré la loi n°13-007/AU votée le 1er juillet 2013 sur l’enseignement technique et professionnel.
Alors, certes l’article 120 abroge « toutes les dispositions contraires à la présente loi, notamment celle de la loi n 094-035/AF », mais alors à partir du moment où les dispositions de la loi de 2013 ne sont pas en contradiction avec celle qui vient d’être votée, elles peuvent être mises en application ? On peut avoir des dispositifs parallèles ?
Comme chacun peut le constater sur le plan de la structure de la loi (voir encadré), il y a deux fois un « Titre I » : « Titre I : Principes fondamentaux » et « Titre I. Principes généraux de l’éducation » comme si le rédacteur a hésité jusqu’à la fin à choisir une formulation et qu’au final il a trouvé plus judicieux de garder les deux titres.
Dans ce « Titre I », il n’y a qu’un seul chapitre et il n’était donc pas utile de noter « chapitre 1 » alors qu’il n’y a pas de « chapitre 2 », à moins que le « chapitre 2 » n’ait sauté en cours d’examen de la loi.
Dans le « Titre II », « Sous-titre II », les chapitres sont numérotés de 1 à 3 puis on passe aux chapitres 2 et 3.
Des classements étranges
Dans certains Titres ou Chapitres, on trouve trop souvent des articles qui n’ont rien à voir avec le sujet. Ainsi, dans le « Sous-titre III : organisation pédagogique », il y a des questions de calendrier scolaire ou d’orientation qui n’ont rien à voir avec la pédagogie, à moins qu’au ministère on ne confonde la pédagogie et l’organisation administrative. Dans le « Titre 6 » qui traite de « l’action éducative », il y a trois chapitres qui évoquent le sujet et le quatrième chapitre intitulé « DISPOSITIONS FINALES » est hors sujet puisqu’il concerne toute la loi. Certaines erreurs de formes ont aussi des conséquences sur la compréhension de la loi. Le chapitre consacré à la voie technique et professionnelle contient plus d’articles sur l’alphabétisation des adultes que sur l’enseignement technique et professionnel. Alors que le chapitre suivant a pour titre : « Chapitre 3 : L’Alphabétisation et l’enseignement non formel » avec uniquement 2 articles. Est-ce logique ?
Au milieu d’un chapitre concernant l’évaluation administrative, on trouve un article sur les procédures disciplinaires. Dans un chapitre sur la vie scolaire et les activités périscolaires, l’article 57 annonce que des bourses seront octroyées à certains élèves, question déjà abordée à l’article 27.
L’article 80 qui traite d’une manière générale de la mise « en position de disponibilité de tout fonctionnaire » se retrouve dans le chapitre sur le personnel administratif. Que fait là une règle concernant tous les fonctionnaires, y compris en dehors du MEN ? On peut même se demander ce que fait cette disposition dans une loi d’orientation. Et le plus surprenant c’est que cet article pouvait aller dans le chapitre suivant qui aborde la gestion du personnel.
Des Romains aux Arabes
On passe allègrement des chiffres romains aux chiffres arabes dans la notation des titres. Par exemple, on passe du « Sous-titre III » au « Sous-titre 4 », du « Titre III » au « Titre 4 ».
La confusion est totale quand on trouve « Article Titre IV » et un « Titre 4 » et qu’on passe directement au « Titre 6 », le « Titre 5 » ayant été tout simplement oublié. On se demande alors si la loi a été relue par plus d’une personne.
Incompréhensible
Dans tout cela, l’article le plus surprenant est l’article 19 qui assigne à l’enseignement secondaire des objectifs administratifs. En effet, à l’issue du secondaire l’élève doit être capable d’accueillir les élèves du collège et élaborer un projet d’établissement.
Comment comprendre de telles négligences formelles à tous les niveaux ? Comment les erreurs des fonctionnaires du ministère n’ont pas été relevées par les députés ou les fonctionnaires de Beit-Salam ? C’est sans doute la preuve que les lois n’ont aucune importance dans le régime actuel. Elles participent d’une comédie qu’il faut assurer pour faire croire que la démocratie fonctionne. Mais, comment la démocratie peut-elle fonctionner quand le gouvernement et le parti au pouvoir se sont appuyés sur tous les instruments de l’État pour faire en sorte qu’aucun député de l’opposition n’arrive à l’Assemblée de l’Union ? L’entre-soi est incompatible avec la démocratie qui nécessite un contrôle de l’autre partie. Cela éviterait toutes ses erreurs, tous les jours, qui finissent par miner la crédibilité de l’État.
Titre I : Principes fondamentaux
Titre I : Principes généraux de l’éducation
Chapitre 1 :Le droit à l’éducation
Titre II : Les niveaux et domaines de l’éducation et de la recherche
Sous-titre I : Les niveaux d’enseignement
Chapitre 1 : L’éducation préélémentaire
Chapitre 2 : L’éducation élémentaire
Chapitre 3 : L’enseignement secondaire du premier et du second cycle
Section 1 : L’enseignement du Premier cycle
Section 2 : L’enseignement du Second cycle
Chapitre 4 : L’éducation post Bac et Universitaire
Sous-titre II : Les établissements d’enseignements
Chapitre 1 : Les établissements publics
Chapitre 2 : Les établissements privés
Chapitre 3 : Du ministère de l’Éducation Nationale
Chapitre 2 : L’enseignement technique et professionnel
Chapitre 3 : L’Alphabétisation et L’enseignement non formel
Titre III : L’organisation générale du système éducatif
Sous-titre I : La carte scolaire
Sous-titre II : L’organisation administrative du système éducatif
Sous-titre III : L’organisation pédagogique
Chapitre 1 : L’organisation nationale
Chapitre 2 : L’orientation scolaire, universitaire et professionnelle
Sous-titre 4 : Les personnels de l’éducation
Chapitre 1 : Les enseignants ou formateurs
Chapitre 2 : Le personnel administratif et d’encadrement
Chapitre 3 : La gestion du personnel
Article Titre IV : Évaluation et performance
Chapitre 1 : Evaluation administrative
Chapitre 2 : Evaluation pédagogique
Chapitre 3 : Evaluation systémique
Chapitre 4 : La certification
Titre 4 : Les leviers de l’éducation
Chapitre 1 : L’Éducation au patrimoine, environnementale, civique et religieuse
Chapitre 2 : La politique des langues
Chapitre 3 : L’Éducation inclusive
Chapitre 4 : L’Éducation à la santé scolaire
Chapitre 5 : L’éducation physique et sportive
Titre 6 : De l’action éducative
Chapitre 1 : Politique du livre
Chapitre 2 : Partenariat
Chapitre 3 : Financement
Chapitre 4 : DISPOSITIONS FINALES
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