La liberté de religion, de culte ou de croyance est un droit fondamental qui garantit à quiconque la faculté de choisir et de pratiquer sa religion. En fonction de sa conscience. Cela suppose également qu’il est permis de ne pas en avoir. En effet, que le pays soit laïc ou pas, les personnes y résidant peuvent, dans le respect des lois, accomplir leurs rites. Par Mounawar Ibrahim, juriste.
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De la laïcité
La laïcité prône la liberté de conscience. Elle implique la neutralité de l’État et impose l’égalité de tous devant la loi sans distinction de religion ou de conviction. En vertu de la laïcité, tout individu a le droit d’avoir ou de ne pas avoir de religion, d’en changer ou de ne plus en avoir. Grosso modo, elle n’est pas une opinion parmi d’autres, mais la liberté d’en avoir une. Mais, l’Union des Comores n’est pas un État laïc. Il n’est pas neutre vis-à-vis de la religion. Il en a une et c’est l’islam. L’islam sunnite précise la Constitution en vigueur. Ceci étant, comment la liberté en matière religieuse peut-elle être garantie, alors qu’il y a une religion d’État ?
De la Constitution de 2001
La Constitution de 2001 parle de la religion dans son préambule. Au lieu d’évoquer clairement la liberté en matière religieuse, elle a parlé d’égalité de tous indépendamment des croyances. En d’autres termes, toutes les religions se valent. Ce qui est dans le fond, en conformité avec la laïcité et les droits humains. Théoriquement. « L’égalité de tous en droits et en devoirs sans distinction de sexe, d’origine, de race, de religion ou de croyance » dit la Constitution de 2001.
De la Constitution révisée de 2009
La Constitution de 2009 n’a rien apporté de nouveau sur la religion. En tout cas, rien de conséquent. Elle a gardé les dispositions de la précédente sauf sur une chose. Et ce n’est pas la moindre tout compte fait : elle a érigé l’Islam en religion d’État. « … puiser dans l’Islam, religion d’État, l’inspiration permanente des principes et règles qui régissent l’Union », peut-on lire dans la Constitution de 2009.
De la Constitution de 2018
Celle-ci nous a précisé que la religion de référence est l’islam sunnite. En effet, sur la base de l’islam sunnite, on entend cultiver une identité nationale. « Cultiver une identité nationale basée sur un seul peuple, une seule religion (l’islam sunnite) et une seule langue » (Constitution de 2018). Par ailleurs l’article 2 de cette même Constitution a repris les dispositions du préambule de celle de 2001: « L’Union des Comores reconnait également l’égalité de tous les citoyens devant la loi, sans distinction de race, de sexe, de religion, de conviction politique, et assure la pleine jouissance des libertés fondamentales pour tous les citoyens ».
De la Déclaration Universelle des Droits Humains
Ce célèbre texte onusien ne s’est permis aucun détour sur la question. Il a clairement parlé de liberté religieuse. « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seul ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites » (article 18).
De la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples
Le texte régional a lui aussi évoqué la liberté religieuse. Il a prôné la faculté de choisir quelle religion on veut pratiquer ou pas. Son article 8 dispose : « La liberté de conscience, la profession et la pratique libre de la religion sont garanties. Sous réserve de l’ordre public, nul ne peut être l’objet de mesures de contrainte visant à restreindre la manifestation de ces libertés ». La seule restriction est donc liée au respect de l’ordre public.
Un autre texte international majeur a évoqué la liberté religieuse, à savoir le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le premier alinéa de son article 2 dispose : « Les États parties au présent Pacte s’engagent à respecter et à garantir à tous les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence les droits reconnus dans le présent Pacte, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation ». Mais, l’Union des Comores n’en est pas signataire. Et nous ne disposons malheureusement pas des éléments qui justifieraient cela. Toutefois en 1981, soit quinze ans après l’adoption de ce texte, les Comores se sont abstenues lors de l’adoption par l’Assemblée générale de l’ONU, de la Déclaration sur l’élimination de toutes formes d’intolérance et de discrimination fondées sur la religion.
De la Loi portant règlementation générale des pratiques religieuses en Union des Comores
En Union des Comores, la pratique religieuse est règlementée. Le Comorien, même musulman, doit suivre une ligne bien définie lorsqu’il veut pratiquer sa foi dans lieux publics appropriés. Est-ce vraiment normal de s’immiscer à ce point dans la pratique religieuse ? Les amoureux des droits humains pourraient voir en cela, une entorse à la liberté de culte. Mais c’est d’ordre public dont il s’agit. Et rien n’est au-dessus de celui-ci. En principe. L’article premier de cette loi dispose : « En matière religieuse, la doctrine (Anquidat) AHLI SUNNAT WAL DJAMAAN sous couvert du rite (MAD-HAB) AL CHAFFY, est la référence religieuse officielle en Union des Comores. Dans les mosquées, les Imams sont tenus de s’y conformer ». Il faut par ailleurs reconnaitre que la frontière entre l’abus et le respect des droits est floue dans un État qui n’a revendiqué aucune forme de laïcité. Un État qui admet avoir une religion nationale, une religion d’État. Mais qui doit ou qui veut se démener pour essayer d’honorer ses engagements internationaux. Il faut en convenir, ce n’est pas tout à fait évident.
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