Quand un justiciable a affaire à la justice, il est comme enfermé dans un labyrinthe dans lequel la plupart se perdent. Seuls les plus prudents en sortent indemnes ou presque. Comme nous l’avons expliqué dans une chronique précédente, la présomption d’innocence, un principe fondamental qui profite à toute personne mise en cause, tombe avec la condamnation. Par Mounawar Ibrahim, juriste
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En effet, dès lors qu’une personne est condamnée, elle n’est plus présumée innocente. Mais il convient de souligner que cette condamnation n’est pas toujours définitive. Diverses possibilités peuvent se présenter aux parties après une décision de justice prononcée par une juridiction de premier ou de second degré. Nous allons plancher sur le volet pénal.
Des décisions de justice
Mais avant d’entrer dans le fond du sujet, il me semble nécessaire d’expliciter trois notions importantes pour faciliter la compréhension de l’article : la force de la chose jugée, l’autorité de la chose jugée et la force exécutoire.
On dit qu’une décision de justice a force de la chose jugée lorsqu’elle n’est susceptible d’aucune voie de recours ordinaire ; soit parce que ces dits recours sont déjà épuisés ; soit les délais impartis ont expiré.
L’autorité de la chose jugée est la conséquence juridique d’un jugement entré en force, qui n’est susceptible d’aucune voie de recours. Elle lie les tribunaux en les empêchant de trancher à nouveau sur le même objet du litige.
La force exécutoire est la qualité que reconnait la loi à certains actes juridiques telles que les décisions des juridictions judiciaires ou administratives, les jugements étrangers déclarés exécutoires par un jugement d’exequatur ainsi que les sentences arbitrales qui ne sont susceptibles d’aucun recours, les extraits des procès-verbaux de conciliation signés par le juge et les parties, les actes notariés revêtus de la formule exécutoire.
Les voies de recours ordinaires
Les voies de recours sont réparties en deux catégories : ordinaires et extraordinaires.
Les voies de recours ordinaires sont celles auxquelles on a l’habitude d’assister. Nous avons deux voies de recours ordinaires : l’appel et l’opposition.
L’appel
A l’issue d’un jugement prononcé par un tribunal, la possibilité d’interjeter appel reste ouverte.
Qui peut faire appel à un jugement ?
« La faculté d’appeler appartient au prévenu, la personne civilement responsable, à la victime quant à ses intérêts civils, au procureur de la République, aux administrations publiques, dans les cas où celles-ci exercent l’action publique et au procureur général près la cour d’appel » (article 497 du code de procédure pénale).
Où porter l’appel ?
L’appel est formé au greffe du tribunal correctionnel et porté à la cour d’appel.
Pour quel délai ?
« L’appel est interjeté dans le délai de dix jours à compter du prononcé du jugement contradictoire ; toutefois, le délai d’appel ne court qu’à compter de la signification du jugement, quel qu’en soit le mode ; pour la partie qui, après débat contradictoire, n’était présente ou représentée pourvu qu’elle ou son représentant ne soit informé du jour du prononcé du jugement ; pour le prévenu ayant demandé à être jugé en son absence dans les conditions prévues par la loi ; pour le prévenu qui n’a pas comparu».
L’opposition
Lorsqu’une personne est jugée en son absence, ce qui est possible en vertu de l’article 487 du CCP « toute personne régulièrement citée qui ne comparait pas au jour et à l’heure fixés par la citation est jugée par défaut… » ; elle peut faire opposition au jugement dans un délai de dix jours à compter de la signification du jugement.
Les voies de recours extraordinaires
Mis à part l’appel et l’opposition, il existe d’autres voies de recours dites extraordinaires. Ce sont des démarches exceptionnelles qui portent en elles, le souci de l’application rigoureuse et équitable du droit.
Le pourvoi en cassation
Elle est un recours extraordinaire qui vise à contester les décisions de justice rendues en dernier ressort, de façon contradictoire. Cette démarche n’implique pas un réexamen des faits, plutôt elle vérifie l’application de la loi. Comme on dit dans le jargon juridique, le juge de cassation est un juge de droit tandis que les juges des tribunaux et d’appel sont des juges de faits. « Les arrêts de la chambre d’accusation et les arrêts et jugements rendus en dernier ressort en matière criminelle, correctionnelle et de police peuvent être annulés en cas de violation de la loi sur pourvoi en cassation formé par le ministère public ou la partie à laquelle il est fait grief, suivant les distinctions qui vont être établies ».
Le recours en révision
La révision est une voie extraordinaire du fait qu’elle concerne des personnes définitivement condamnées. Elle est donc une exception à l’autorité de la chose jugée qui fait qu’une décision de justice ne puisse pas être mise en cause après épuisement des voies de recours. La révision est par sa teneur, une procédure absolument exceptionnelle, admise dans un intérêt supérieur d’équité pour les personnes injustement condamnées. « La révision peut être demandée, quelle que soit la juridiction qui ait statué, au bénéfice de toute personne reconnue auteur d’un crime ou d’un délit lorsque (…) des éléments nouveaux viennent établir l’innocence de la personne condamnée ».
Du Droit comparé
L’actualité internationale nous amène au Brésil où l’ancien président Luiz Inacio Lula da Silva avait été condamné dans le cadre de l’énorme scandale de corruption dit « Lava Jato » pour « Lavage express ». En effet, le jeudi 7 novembre, le Tribunal suprême fédéral du Brésil, l’équivalent de notre Cour suprême, a rendu un arrêt d’une importance capitale, jugeant anticonstitutionnelle la jurisprudence selon laquelle un condamné peut être emprisonné avant l’épuisement de tous ses recours, si sa condamnation a été confirmée en appel. La décision des onze juges, adoptée de justesse par six voix contre cinq, a entrainé la sortie de Lula de prison.
En revanche, il convient aussi de souligner qu’en France par exemple, on peut aussi, après l’épuisement des voies de recours internes, ce qui est une condition obligatoire, saisir la justice communautaire à travers la Cour européenne des droits de l’homme. On l’a vu récemment avec l’affaire Vincent Lambert.
Pour finir, il faut noter que les effets des voies de recours sont le réexamen ou l’application rigoureuse et équitable du droit à l’égard de toutes les parties. Il est de l’intérêt de chacune de celles-ci de bien user de ces moyens dans les délais impartis afin de faire appliquer la loi.
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