S’il y a un aspect sur lequel le président Azali Assoumani porte beaucoup plus d’énergie, c’est sa communication politique. Il en fait même trop ne distinguant parfois plus la communication et la propagande. Sinon, comment expliquer ce décalage constant entre les paroles et les actes du président ? Contesté à l’intérieur du pays, le chef de l’Etat cherche à donner de son régime une image polie au niveau international. Il en a encore donné la preuve cette semaine au Sommet de l’Union africaine à Addis-Abeba où il a déployé toutes ses forces pour montrer à ses homologues du continent qu’il est un chef d’État model qui respecte la démocratie. Par Faïssoili Abdou
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Un discours entre dénégations et autosatisfaction. Au sommet de l’Union africaine (UA) qui s’est tenu les 9 et 10 février dernier à Addis-Abeba, capitale éthiopienne, Azali Assoumani a tenté de gommer l’image de président « autoritaire » qui lui colle à la peau depuis son retour au pouvoir.
Du haut de la tribune de cette organisation panafricaine, le chef de l’État martela qu’ « il n’y a pas de prisonniers politiques » dans l’archipel qui vit pourtant dans une situation politique tendue depuis au moins deux ans. Une déclaration qui a surpris dans l’opinion lorsqu’on sait que des leaders et cadres politiques sont aujourd’hui en taule parfois pour des motifs fallacieux. Dans son intervention le locataire de Beit-Salam s’est lancé dans une présentation idyllique de la situation politique dans l’archipel vantant « l’élan démocratique » qui prévaudrait depuis 20 ans. « Mon pays poursuit, depuis une vingtaine d’années, son processus démocratique et a organisé, avec succès, trois alternances politiques, pacifiques, à la tête de l’Etat entre pouvoir et opposition. Les élections présidentielles et des Gouverneurs anticipées, tenues en mars 2019, ainsi que les élections législatives et communales en cours, confortent cet élan démocratique », a-t-il assuré mettant sous le boisseau la crise post-électorale ouverte depuis mars 2019 et qui peine encore à se refermer.
Alors que le dialogue politique entre le régime en place et ses opposants semble grippé depuis les élections de mars 2019, le colonel Azali a assuré «pour renforcer et consolider la cohésion sociale, j’ai pris l’engagement, le jour de mon investiture, de lancer le dialogue inclusif avec tous les acteurs politiques de mon pays ». Un engagement qui tarde pourtant à se concrétiser sur le terrain à cause des « égos » des uns et des autres.
Visiblement piqué par certaines observations contenues dans les pages concernant les Comores dans le rapport en cours d’élaboration sur la « paix et la sécurité en Afrique », le président comorien affirme que « les processus électoraux dans mon pays n’ont jamais occasionné des pertes en vies humaines ». « La Communauté Internationale a pu, à travers ses missions d’observation, noter le climat de paix et de sécurité qui a toujours prévalu dans le pays, durant ces scrutins majeurs », justifiera-t-il demandant que certains passages soient revus pour la version finale.
S’appuyant sur le thème de ce 33e sommet de l’Union africaine « Faire taire les armes: créer des conditions propices au développement de l’Afrique », le président Azali assure à l’assistance que « les armes se tairont si nous renonçons à leur usage, et si, au lieu des guerres, nous décidons de contenir nos ego, de considérer la valeur de chaque vie perdue, de nous parler, de nous tendre la main, et de faire la paix ». Visiblement, ce qui semble facile en théorie est très difficile à mettre en pratique. « Les armes ont fait, assez de mal, à l’Afrique et aux Africains », lance le chef suprême des armées qui, sur le plan national, semble pourtant avoir la gâchette plus facile que le dialogue. Azali Assoumani poursuit son intervention dans la même veine en soulignant notamment que « la paix et la sécurité n’ont pas de prix. Elles constituent les piliers de la stabilité et sont le socle de tout développement. Elles s’installent durablement par le renforcement des institutions ». Un discours pas du tout nouveau pour tous les Comoriens qui suivent les prises de paroles en public du locataire de Beit-Salam qui vante régulièrement les vertus de la paix sans qu’il fasse lui-même les efforts nécessaires pour assurer une gestion apaisée du pouvoir dans les îles.
Le terrorisme qui touche durement une grande partie de l’Afrique, l’accord sur la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA) sont, entre autres, les sujets évoqués au cours de ce sommet lors duquel le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a passé le témoin de la présidence de l’UA à son homologue Sud-afrcain, Cyril Ramaphosa. Il s’agit de la deuxième fois que la nation arc-en-ciel dirige la présidence de l’Union africaine. La première fois c’était en 2002 sous la présidence de Thabo Mbeki. « La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA) que nous avons adoptée l’an dernier va nous permettre d’œuvrer ensemble, grâce au commerce intra-africain, pour revitaliser l’industrialisation et ouvrir la voie à l’intégration de l’Afrique dans l’économie mondiale en qualité d’acteur considérable », a déclaré Cyril Ramaphosa dans son discours. « L’ère du colonialisme et de l’impérialisme économique, qui fait de l’Afrique un simple arrêt dans la chaîne mondiale de montage, est dépassée », a-t-il encore lancé.
Au sujet du terrorisme, Moussa Fakhi Mahamat, le président de la commission de l’union africaine a affirmé qu’«en Afrique, la persistance des foyers du terrorisme dans de nombreuses régions et leur inquiétant développement a rappelé, à la conscience africaine et internationale, que ce cancer est loin d’avoir été éradiqué. L’hydre est toujours là, en éveil actif, menaçant d’effondrement certains États. Il a pris pied dans les profondeurs du Continent, bien au-delà de ses foyers traditionnels, comme l’attestent les crimes odieux commis par des groupes terroristes sur les populations civiles au Mozambique, en Tanzanie et à l’Est de la RDC, où les principales victimes de la barbarie sont les femmes et les enfants ».
Il a déploré l’absence de solidarité entre pays africains dans la lutte contre ce fléau. « Le déficit de solidarité africaine est déconcertant. Comment échapper à l’insoutenable questionnement sur nos silences au sujet de la situation de ces pays frères ? Pour parler sans détour, en dehors des pays victimes eux-mêmes, du Rwanda et de l’annonce de la CEDEAO, aucun autre État africain, à notre connaissance, y compris ceux de notre Union qui disposent d’importants potentiels économiques, financier, industriel, logistique et militaire, n’a fait le geste de solidarité que les frères, en péril, sont en droit d’attendre », a-t-il regretté.
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