Les villes africaines, en particulier au Sénégal, sont toujours confrontées aux problèmes divers d’assainissement, d’hygiène publique, de l’eau et de gestion de l’espace. Les fortes pluies qui se sont abattues sur les régions de Dakar, Diourbel (Touba), Saint-Louis et Matam au début du mois de septembre nous ont rappelé ces problèmes.
Par Hachim Mohamed.
Il est tombé sur Dakar, en trois jours, autant d’eau qu’en plusieurs mois d’une année moyennement pluvieuse. Un déluge déferlant qui a inondé des quartiers entiers, serpenté en rivières et happé des maisons.
Selon le communiqué du ministère de l’Intérieur du Sénégal, en date de 5 septembre, sur 208 sites inondés, 79 sont traités et libérés et 129 sont en cours de traitement. Le volume d’eau évacué dans la journée du 3 septembre est de 225.325m3. Au total, le cumul d’eau évacué est de 6.363.716 m3 depuis le début des opérations.
Les périphéries les plus sinistrées sont dans la banlieue de Dakar, symbole de l’urbanisation sauvage. Dans les quartiers comme Castor, Parcelles assainies et tant d’autres de la capitale pendant près de 48 heures, l’eau giclait partout, inondant littéralement le pavé, les murailles, les voitures qui ressemblaient à des petits bateaux sur la mer, les passants dans l’eau comme à la plage.
Une maison complètement submergée d’eau à Grand-Off
Suite aux trombes d’eau, ce lundi 5 septembre, les habitants du Grand-Off étaient sur la brèche depuis samedi pour tenter de limiter les dégâts engendrés par l’eau qui rebondissait sur les trottoirs, s’étalait aux carrefours, noyait les ruelles et débordait des égouts.
Pourtant, l’État sénégalais a mis six milliards sur Grand-Off dans le cadre du Plan national d’organisation des secours (ORSEC). Interrogé sur cet aspect au micro de Bprod média TV, au plus fort de l’hivernage, le 5 août, Wali Ndiaye qui s’est improvisé porte-parole des habitants du quartier qui, impuissants, regardaient une maison complètement submergée d’eau, est formel : « Les six milliards, il faut chercher là où on a mis ça, mais pas à Grand-Off. Ici, on n’a rien vu. À chaque hivernage, on vit la même situation d’inondation. Un mur est tombé de l’autre côté là-bas et un locataire de 25 ans, Doudou Ndao qu’on avait laissé dans la maison en plein sommeil, est coincé à l’intérieur et il n’est pas joignable au téléphone », s’est-il confié en insistant sur ces constructions du quartier Gazelle « où le risque d’électrocution est très élève. »
Ignorance et indiscipline des populations sur les réseaux de canalisation
Pour Younous Seydou Kane, l’écologiste, humanitaire et enseignant qui a fait une analyse prospective de l’état des villes sénégalaises, les cités du Sénégal sont particulièrement vulnérables aux dérèglements du climat en raison de leurs tailles et de leurs situations géographiques. Pour lui, les dégâts occasionnés par les pluies diluviennes du Sénégal sont imputables à la gouvernance politique et administrative chargée de mettre sur pied les politiques de planification urbaine et de toutes les infrastructures qui l’accompagnent.
Le bradage foncier lié à l’occupation irrégulière de l’espace dans les grandes métropoles du pays et aux grands travaux d’envergures, sans études approfondies au préalable, sans planification, a conduit aux inondations, a précisé l’écologiste.
S’ajoutent à ces facteurs, des réseaux de canalisation saturés par l’ignorance et l’indiscipline des populations qui y déversent des déchets de toutes sortes. Sans oublier également des schémas d’évacuation caducs, des sols imperméables et une expansion d’une ville qui n’est pas pourvue de services d’assainissement tels que les systèmes de drainage, d’évacuation des eaux, des déchets, de services d’incendie entre autres.
« Impossible de trouver un espace de prière dans la mosquée de vendredi où l’eau qui a submergé arrive à hauteur de la cuisse et ses moquettes sont mouillées. Nous vivons les affres de ces inondations chaque année depuis 2005 », affirme un fidèle de Parcelles assainies, Unité 25 au micro d’un journaliste de Sennews-TV, mouillé comme lui, le 3 septembre.
Autant dire que cette année au Sénégal, Dame nature n’a pas été tendre. Certaines familles ont tout perdu, y compris leurs maisons, leurs revenus et leurs récoltes.
Valoriser les disciplines telles que la météorologie, l’écologie….
Pour revenir à la perception écologiste de Younous Seydou Kane, le gouvernement sénégalais doit mettre en place et de façon opérationnelle, un programme d’urgence qui permettra de renforcer la résilience et la protection des villes en particulier côtières, comme Dakar ou Saint Louis contre les aléas climatiques.
Les systèmes de drainage ou d’évacuation des eaux pluviales doivent être créés et réhabilités. Dans la perspective de rendre nos villes intelligentes, l’État doit réaménager et réajuster les systèmes d’assainissement mis en place en plus de valoriser les disciplines tels que la météorologie, l’écologie, le développement durable dans la formation des personnels et hauts cadres de l’Administration et occuper une position transversale dans l’enseignement supérieur.
À écouter une frange de la population sénégalaise qui s’est exprimée sur le naufrage urbain via les chaines de télévision du pays, dans la tête se pose la question « où sont passés les1000 milliards engloutis dans le Plan national d’organisation des secours (ORSEC) depuis des années ? »