Dans les principales villes de France les ressortissants comoriens enchaînent les manifestations hebdomadaires contre le régime « dictatorial » d’Azali Assoumani. La ferveur que suscite ce combat pour la démocratie semble avoir encore des beaux jours devant elle.
Toufé Maecha depuis Marseille
Troisième dimanche successif depuis que les Comoriens de France sont vent debout contre la gestion de la crise post-électorale par le régime d’Azali Assoumani. Paris, Marseille, Lyon ou encore Nice, dans ces quatre principales villes la mobilisation a été au rendez-vous. En dehors du fait de dénoncer le système, les propositions ne manquent pas pour que le mouvement ait un impact à plus de 7000 kilomètres, à Moroni. Si dans les pays au régime autoritaire ce sont les pays partenaires qui enclenchent des sanctions, aux Comores la diaspora, du moins une partie, préfère s’autoflageller.
À Paris pendant l’acte II, les intervenants ont avancé l’idée de mettre une pause sur les grands mariages. Une initiative plus que punitive pour l’économie du pays mais aussi pour le social. Mais la diaspora pousse le bouchon plus loin. Cette décision n’est pas encore entérinée qu’à Marseille, deuxième ville de France désignée «la cinquième île» des Comores tant la diaspora y est importante, les manifestants ont évoqué, hier 14 avril, l’idée de suspendre les transferts d’argent au bled avec toutes les conséquences qui en découleront. Advienne que pourra.
«La mobilisation va continuer. Si Azali est accaparé et de l’intérieur et de l’extérieur, il va finir par lâcher prise», devait tonner un manifestant, avant qu’un autre rajoute: «Après Bouteflika d’Algerie et Omar El Bechir du Soudan, Azali sera le troisième président africain à être chassé du pouvoir pendant cette période. Nous lui accordons un moratoire de trois mois seulement, à l’occasion du ramadan» prévu débuter dans la première dizaine du mois de mai prochain.
Un dignitaire originaire de Gnambeni a usé de sa sagesse pour s’adresser au chef de l’État. Pour ce notable, les actions d’Azali Assoumani ne pourront pas ne pas avoir des séquelles, d’où son conseil: « Azali, pense à Loukmane. Ne lui laisse pas un héritage sombre ». Loukmane est un des fils du chef de l’État. Il marche sur les sillages de son père puisqu’il est un officier de la gendarmerie.
Si tout le monde réclame le départ d’Azali, cette femme qui intervenait avec fougue a tenu un tout autre discours: l’après Azali. «Qui fera mieux qu’Azali ? Depuis l’indépendance tous les présidents qui se succèdent chacun fait pire que son prédécesseur », devait-elle interpeller, après avoir déclaré que le peuple comorien « n’est pas en concurrence de tuerie », faisant allusion peut-être aux présidents comoriens assassinés par les mercenaires, plongeant davantage le pays dans les abysses. « Nous sommes apolitiques. Nous ne défendons la cause d’aucun parti que ce soit. Notre combat c’est pour le bien-être de tout le peuple comorien ».
Rappelons que la semaine dernière le chef de l’État réélu avait tenu des propos désobligeants à l’égard de cette diaspora qui se lève comme un seul homme contre lui. « Cette diaspora comorienne de France doit arrêter de s’agiter et s’ils veulent être utiles à la nation qu’ils nous ramènent l’île comorienne de Mayotte (occupée par la France). Pour le moment si le président Macron serait d’accord, je lui proposerais la rétrocession de Mayotte en échange des Comoriens de France et d’ailleurs ils sont plus nombreux que les habitants de Mayotte ». Avec un ton colérique, les manifestants de la diaspora ont vivement dénoncé ces élucubrations « indignes » d’un chef d’État envers son propre peuple.