La Cour de Sûreté de l’État est l’instrument qui a permis au régime en vigueur aux Comores de condamner ses opposants sans tenir compte de certains principes des pays démocratiques comme le refus d’aveux obtenus sous la torture ou la nécessité d’avoir un avocat.
Alors que de nouveaux opposants sont enfermés (Mohamed Moina, Abdallah Agwa, Zainou Ahamada…) ou en liberté provisoire (Sabikia Ahmed Mze) dans l’attente d’un procès pour atteinte à la sûreté de l’État, certains avaient cru comprendre que la Cour de Sûreté de l’État avait été abolie.
La nouvelle loi sur l’organisation judiciaire votée le 12 décembre 2020, en listant les juridictions de droit commun et les juridictions spécialisées et en omettant d’y inclure la Cour de Sûreté de l’État laissait entendre que le gouvernement du colonel Azali avait enfin renoncé à cette justice d’exception qui se base souvent sur les tortures et les pressions insoutenables comme l’isolement ou la faim.
Mais, voilà que le gouvernement lui-même ne sait plus ce qu’il en est, s’il a bien supprimé la Cour de sûreté ou pas. Et pour le savoir, il a interrogé la Chambre consultative de la Cour suprême.
En effet, c’est par une requête du ministre de la Justice en date du 2 février 2021 que le gouvernement « demande à la Cour Suprême de rendre un avis sur le sort à la fois de la loi sur la Cour de Sûreté de l’État et les procédures pendantes ».
Autrement dit, le gouvernement ne sait pas si par la loi qu’elle a fait voter, elle a supprimé ou pas la Cour de Sûreté, alors que de nouveaux opposants sont au secret et doivent encore être jugés.
Et bien sûr, comme c’était prévisible, la Cour Suprême a dit au gouvernement ce qu’il attendait en le noyant dans un jargon et des termes vagues qui ne renforcent pas l’argumentation, mais révèle son embarras. La Cour de Sûreté est toujours en place. Ouf !
En réalité, l’embarras des juristes gouvernementaux et de ceux que l’exécutif a placés à la Cour Suprême vient du fait que selon une source dans le milieu judiciaire le gouvernement était parti pour supprimer cette juridiction spéciale qui nous vient directement du temps de la dictature d’Ahmed Abdallah et des mercenaires. Mais, entre temps, il y a eu le retour forcé de Bobocha entre les mains de la Sûreté, les arrestations d’Abdallah Agwa et tous les derniers opposants qui ont essayé de manifester. Le gouvernement peut-il se contenter de juger ces derniers pour « organisation d’une manifestation interdite » après tout ce qu’ils ont subi ?
La cour de Sûreté de l’État, qui n’avait jamais été utilisée depuis la fin du régime Abdallah et le départ des mercenaires et qui a été ressuscitée par le régime actuel, est encore nécessaire pour ce gouvernement et elle sera sûrement en place jusqu’à ce qu’il tombe ou que le gouvernement soit condamné par les juridictions internationales. Et à ce propos, il faut rappeler qu’un collectif de cinq avocats comoriens ou Franco-comoriens a déposé un recours devant la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (Cadhp) contre le maintien de cette cour de sûreté.
Mib