Les droits humains sont un patrimoine commun de l’humanité. Ils doivent transcender nos différences, nos opinions et nos clivages. D’ailleurs nos textes fondamentaux successifs n’ont eu de cesse de sacraliser l’universalité de ces Droits. La présence des instruments internationaux de protection des droits de l’homme (Déclaration Universelle des Droits de l’homme, [ihc-hide-content ihc_mb_type=”show” ihc_mb_who=”2,3,4,5,6,9″ ihc_mb_template=”1″ ]
Charte africaine des droits de l’homme et des peuples…) dans les préambules le témoigne. Mais, quelle valeur réelle accorder à la présence de ces instruments dans la Constitution ?
Du préambule
Le préambule est une sorte d’exposé des motifs qui ont orienté la pensée du législateur. Il peut servir de complément au juge qui se trouve en difficulté d’interprétation. Sa portée légale est établie. On peut aisément brandir la Déclaration Universelle des Droits de l’homme pour dénoncer une injustice. Un abus ou excès de pouvoir. Pour la simple raison que le préambule de la Constitution de 2018 mentionne son attachement à ce texte et à bien d’autres : « Le peuple comorien affirme solennellement sa volonté de marquer son attachement aux principes des Droits fondamentaux tels qu’ils sont définis par la Charte des Nations Unies, celle de l’Unité africaine, le Pacte de la ligue des États arabes, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme des Nations Unies, la Charte africaine des Droits de l’homme et des peuples, ainsi que les conventions internationales notamment celles relatives aux Droits de l’enfant et de la femme ».
Par ailleurs, toutes les dispositions d’une loi ont été édictées pour une effective application. De surcroit, s’agissant de la Constitution. Et pourtant, la pratique démontre que bon nombre de concepts sont dans nos lois, juste pour y être. Une exposition de principes qui ne connaissent aucun égard vis-à-vis des gouvernants. Un vulgaire défilé de règles qu’on ne respecte pas, mais qu’on mentionne pour faire bonne figure. Pour dorloter la naïveté du peuple ou flatter l’ego des partenaires internationaux.
De l’interdiction de la torture
Les textes consacrés aux droits de l’homme, à l’instar de ceux inclus dans notre Constitution, interdisent la torture. Sans aucune ambigüité. « Nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants » (article 5 de la Déclaration Universelle des Droits de l’homme). De même que l’article 5 de la charte africaine des Droits de l’homme et des peuples qui dispose aussi : « Tout individu a droit au respect de la dignité inhérente à la personne humaine et à la reconnaissance de sa personnalité juridique. Toutes formes d’exploitation et d’avilissement de l’homme notamment l’esclavage, la traite des personnes, la torture physique ou morale, et les peines ou les traitements cruels inhumains ou dégradants sont interdites ». Notre Constitution, elle-même, n’a pas tu le cas de la torture : « L’intégrité physique et morale des personnes est inviolable. Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements cruels, dégradants ou inhumains » (article 20).
Mais pourquoi est-ce que la pratique diffère ? La publication récente d’une vidéo montrant un jeune soumis à des tortures morales et physiques a heurté plus d’un. Mais, aucune voix du côté des gardiens des droits ne s’est élevée pour rappeler le respect de la Constitution. La société civile, esseulée comme toujours s’est indignée.
Des droits de la femme
La femme est au regard du droit, une personne à part entière. Les temps où la femme était soumise aux humeurs des hommes sont révolus. En tout cas selon le droit international qui a consacré l’un de ses instruments à cette cause. Une charte onusienne, adoptée le 7 novembre 1967 est dédiée à la protection de la femme. L’article 6 de celle-ci dispose : « La femme aura, au même titre que l’homme, le droit de choisir librement son conjoint et de ne contracter mariage que de son libre et plein consentement ».
Mais une fois de plus l’actualité nous interpelle. Les Comoriens ont eu connaissance cette semaine, d’une absurde mesure communautaire (du village de Djoumoichongo dans la région de Badjini) interdisant, sous peine d’amende et de bannissement temporaire (5 ans), toute union d’une fille de cette localité à un étranger. On se croirait à l’ancien temps des Mecquois qui enterraient vivantes leurs filles. La comparaison est sans doute excessive. Mais, quelle différence y a-t-il quand on voit que les hommes se sentent obligés d’interférer dans les choix maritaux de la femme soi-disant pour la protéger ou protéger la culture comorienne ? N’est-elle toujours pas capable de faire elle seule les bons choix pour sa vie ?
Une telle mesure ne me surprend guère, en réalité. Elle est à mon sens, le reflet du dédain que certains Comoriens éprouvent pour les droits fondamentaux en général, ceux de la femme en particulier.
Et la faute revient toujours et encore à l’État. Une éducation de base est nécessaire. Pour cela, il faudrait au préalable que les autorités soient enclines à promouvoir ces valeurs universelles. Une culture de tolérance, l’acceptation des différences et l’ouverture vers l’autre sont, entre autres, le socle de toute démocratie.
Bien sûr, et cela va sans dire, chaque société a son identité, sa culture. Et on ne demande pas une aliénation, mais plutôt une évolution. Combiner progressisme et conservatisme pour repenser notre façon d’être.
Les libertés humaines ne peuvent pas être piétinées. C’est l’affaire de tous. Quand un droit humain est violé quelque part dans le monde, cela affecte toute l’humanité.
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Mounawar Ibrahim, juriste.