Après avoir assisté, devant nos écrans, aux « Printemps arabes » et vu la chute soudaine des grandes dictatures du monde arabe face à la colère des peuples qu’elles avaient réprimés et privés de libertés, nous pensions que cela allait servir d’exemple et que particulièrement en Afrique subsaharienne les dirigeants qui sont de vrais « concentrés de pouvoirs » allaient revoir leurs modes de gouvernance. Et comprendre que la force brute ne peut tenir indéfiniment lieu de gouvernance et contenir un peuple qui manque de tout et qui est privé de libertés. Par Abdourahim Bacari
Hélas ! On constate que le message n’est toujours pas passé. Ils n’ont toujours pas compris que si la faim pousse les peuples à la révolution, la soif de libertés peut y contribuer grandement.
Aux Comores, le peuple crie pour obtenir plus de libertés depuis le 24 mars 2019, date à laquelle le processus électoral a été interrompu et qu’Azali Assoumani s’est déclaré vainqueur. Aujourd’hui se sont ajoutés les pénuries alimentaires, l’eau, l’électricité, le gazole… Mais le chef de l’État et les siens préfèrent faire la sourde oreille. Au lieu d’entendre les cris d’alarme que lance le peuple comorien partout où il se trouve, à l’intérieur comme à l’extérieur, les dirigeants font le choix de la force, de la répression, des emprisonnements, des tortures dénoncées récemment par l’ONU.
Pourtant, le gouvernement devrait mesurer l’impact que peut avoir sur la jeunesse comorienne l’action courageuse de ces jeunes Mabedja qui ont laissé leurs familles en France pour venir manifester pacifiquement afin de rompre le cycle de la peur installée depuis 2018.
C’est précisément au moment où le peuple comorien attendait l’ouverture du dialogue prôné depuis des mois par le régime, qu’Azali préfère changer de gouvernement pour renforcer la restriction des libertés fondamentales. C’est à ce moment que les Préfets ont reçu l’ordre du gouvernement d’interdire tout rassemblement et toute manifestation d’ordre politique, y compris les réunions dans un lieu privé. Une attitude qui montre visiblement qu’Azali n’est pas disposé à négocier quoi que ce soit sinon le silence du peuple et celui de l’opposition.
Il n’est jamais trop tard quand il s’agit de la paix. Beaucoup de Comoriens disent qu’Azali a pris une voie chaotique qui ne lui permet plus de revenir en arrière. Il sait qu’il va droit au mur, mais il préfère continuer sur son chemin de non-retour que de négocier avec l’opposition pour le retour à l’ordre constitutionnel. Pourtant, il sait pertinemment que tôt ou tard, son règne arrivera à terme et que des comptes lui seront demandés. Le président américain John Fitzgerald Kennedy l’avait bien compris et dit « ceux qui rendent une révolution pacifique impossible rendront une révolution violente inévitable ».