La coordinatrice du projet du traitement de masse, Harmia Mmadi revient sur l’échec à éliminer le paludisme à la Grande-Comore et sur les objectifs que se fixe son service pour ce nouveau traitement. Propos recueillis par Ramzy Saïd Kamal
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Masiwa – Vous avez décidé de lancer une nouvelle opération de traitement de masse contre le paludisme, comment expliquez-vous l’échec de 2013 ?
Harmia Mmadi – Ce n’est pas un échec. On a eu une faible couverture de -50% alors que l’objectif était d’atteindre 95%. Parmi les causes identifiées, la population n’était pas bien sensibilisée. Elle avait beaucoup d’inquiétudes sur les médicaments, sur le protocole, sur les effets secondaires. On ne l’avait pas assez rassurée. Une autre raison, c’est qu’il y avait aussi une méthodologie de recensement. On avait une base de données qui diffère de la réalité surtout ici à Ngazidja. La population recensée à travers le RGPH n’était pas, en réalité, la population comorienne.
Masiwa – En quoi consiste la nouvelle opération ?
Harmia Mmadi – Cette opération de traitement de masse est une procédure chimique qui permet d’aller par deux étapes vers l’élimination totale de la réserve du parasite du paludisme siégeant dans l’organisme humain. Donc ce traitement garantit le corps humain lorsqu’il est exposé à une piqure de moustique. Ce traitement se prend en deux périodes : après la première dose, trente jours de suite, nous reviendrons avec une seconde dose. Pourquoi trente jours ? Tout simplement par ce que c’est le cycle de vie maximale d’un moustique. Le temps de prendre la deuxième dose et les moustiques contaminés auront disparu. À partir de là, les moustiques peuvent nous piquer, mais leurs piqures n’auront aucun effet sur l’organisme. C’est en résumé le mécanisme qui s’effectue lors du traitement de masse. Si tout le monde prend l’antidote au même moment, nous éliminerons la réserve en même temps.
Masiwa – Quel est votre objectif ?
Harmia Mmadi – Notre objectif est de couvrir 95% de la population. Si nous parvenons à atteindre ce pourcentage, on pourra dire que nous avons effectué un travail remarquable. Notre principal objectif est l’élimination complète du paludisme.
Masiwa – La population s’inquiète pour sa santé à propos de ce nouveau traitement. Vous leur assurez qu’il n’y aura pas d’effets secondaires ?
Harmia Mmadi – Ce prototype est tout à fait légal, authentique et vérifié. Il ne s’agit pas d’un essai comme le pensent certains. Nous l’avons déjà expérimenté en 2007 et en 2013 au niveau des trois îles, je crois qu’il n’y pas eu de dégâts. Il y a eu bien sûr des effets secondaires et non pas des dommages. Contrairement à la Grande-Comore, le symptôme paludisme n’apparait quasiment plus dans les autres îles de l’archipel (Anjouan et Mohéli). D’autres pays comme le Togo, sont impressionnés par les résultats de ce traitement. Aujourd’hui ces pays se calquent sur notre expérience, car pour eux c’est une grande réussite. Des membres de notre gouvernement sont demandés dans d’autres pays pour leur exposer notre expérience. Avant cela, je ne m’imaginais pas que notre pays allait être une source de référence pour d’autres nations. Toutes les personnes soignantes, aucun de ces médecins ne s’opposait à ce projet malgré qu’il a été boycotté par certains en 2013. Grâce aux bons résultats transcrits sur les autres îles, la quasi-totalité confirme que ce traitement est purement authentique
Masiwa – Quelles sont les causes de l’échec de 2013
Harmia Mmadi – En 2013, nous avons eu effectivement une faible couverture de moins de 50%, alors que notre objectif était d’atteindre 95%. C’est vraiment loin du résultat auquel nous avons espéré. Parmi les raisons avancées ou bien les causes identifiées, c’est en premier point le manque de communication ; il n’y a pas eu une vraie sensibilisation. Comme il y avait beaucoup d’inquiétude au niveau de la population, la grande majorité trouvait que c’était trop risqué, d’autant plus qu’il y avait également des rumeurs inquiétantes à propos de ce traitement.
Masiwa – Quelles sont les dispositions que vous avez prises pour que l’échec de 2013 ne se répète plus en 2019 ?
Harmia Mmadi – Cette fois-ci, il y a eu une grande sensibilisation, nous essayons d’impliquer tout le monde dans le processus. Nous avons commencé par effleurer le gouvernement en particulier madame la gouverneure qui a inclus tous les personnels soignants de l’île. Ensuite les chefs des villages, les préfets, les maires, les ulémas (imams des grandes mosquées de toute l’île), les chefs des quartiers ainsi que les célébrités, notamment les hommes politiques, les artistes, les hommes d’affaires, les entrepreneurs et les associations. Nous maximisons l’échange en nous appuyant sur la presse écrite, la télévision, la radio et les réseaux sociaux. Nous utilisons également des affiches, des banderoles éparpillées sur toute l’île. Nous essayons d’avoir d’autres options pour que le maximum de la population reçoive le message. La population doit aussi être rassurée, car l’inquiétude a été parmi les raisons de l’échec du traitement de masse en 2013. Cette fois-ci nous essayons de rassurer la population en mettant en leur disposition une prise en charge en cas d’effets secondaires. Nous ne lâcherons pas les personnes, nous les accompagnerons durant le processus. Ce qui veut dire que le patient qui représentera des effets secondaires peut se présenter dans nos structures sanitaires, on s’occupera de son cas. Pour ceux qui vivent à Moroni, ils peuvent se présenter au CMI Mbouéni ou se rendre directement à l’hôpital Elmarouf
Masiwa – Quels sont les effets secondaires possibles ?
Harmia Mmadi – Effectivement 3 à 5% de ceux qui prennent les médicaments peuvent présenter des effets secondaires après avoir pris le traitement. Chez certaines personnes, ce traitement peut développer des maux de tête temporaire, des vomissements, certains auront la peau qui gratte, ce traitement peu également provoqué de la fatigue voire de la somnolence. Mais ces symptômes sont temporaires, il n’y a aucun risque fatal sauf pour les enfants de moins trois mois et pour les femmes enceintes
Masiwa – Un dernier mot ?
Harmia Mmadi – Je souhaite que chacun de nous se sente concerné par la question. Le fait d’en parler et d’expliquer aux gens partout où nous serons peut s’avérer avantageux. Il est impératif que chacun de nous perçoive ceci comme une seconde chance de rectifier l’erreur commise autre fois et saisir cette occasion de nous aider à éradiquer complètement le paludisme dans l’île comme l’ont fait les habitants des autres îles autres fois. Le pays est sur le point de franchir une nouvelle ligne qu’on l’appelle clairement émergence. On ne peut pas parler d’émergence d’un pays en présence du paludisme.
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