L’opposition est, en politique, l’ensemble des mouvements et partis politiques qui s’opposent aux forces détenant le pouvoir. En effet, lorsqu’il s’agit d’une démocratie, et c’est important de le souligner, le rôle de l’opposition est de permettre aux citoyens de s’informer de façon contradictoire sur la manière dont le gouvernement conduit sa politique. Elle doit à cet effet, être en mesure de proposer une alternative politique basée sur un programme concret. ParMounawar Ibrahim, juriste
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Quel est le statut de l’opposition aux yeux de la loi comorienne ?
La Constitution de 2018 reconnait un statut à l’opposition comorienne. L’article 36 lui est consacré : « L’opposition politique est reconnue en Union des Comores. Elle exerce librement ses activités, dans les limites imposées par la loi. La loi détermine le statut de l’opposition politique ».
L’opposition éliminée
Deux points nous interpellent dans cet article au regard de la situation actuelle. Tout d’abord, l’opposition n’exerce pas tout à fait ses activités en toute liberté. Il lui est pratiquement difficile, voire impossible, de se réunir sans craindre pour la liberté et la sécurité de ses membres. On lui demande des autorisations à manifester alors que la loi relative aux partis politiques requiert juste une déclaration préalable. « Les réunions politiques, quel qu`en soit l’objet, peuvent être tenues dans une salle ou dans un local sans déclaration préalable. Les réunions sur la voie publique sont soumises aux conditions prévues par la loi de l’Union et doivent se conformer à l’obligation d’une déclaration préalable » (article 13).
On peut toujours soulever la question du statut juridique du parti qui se perd s’il n’a pas d’élus à l’Assemblée nationale (4 au moins) et les 5% des suffrages lors d’élections générales (municipales, législatives et présidentielles). Le premier critère tue littéralement l’opposition aux Comores du fait que celle-ci n’a pas participé aux législatives de 2020. Et sur le deuxième critère, l’opposition a également décidé de boycotter les municipales d’ailleurs. En d’autres termes, les anciens partis, aujourd’hui de l’opposition, n’auront plus de reconnaissance politique. Il s’agit de Juwa, UPDC et RDC.
Et n’en déplaise aux avocats du palais, les partis de l’AMP (Alliance de la Mouvance Présidentielle) ne peuvent pas être considérés comme étant de l’opposition. Ce serait un paradoxe d’avancer cela.
Aucune loi sur le statut de l’opposition
Pour le deuxième point qui attire notre attention sur l’article 36 de la Constitution de 2018, c’est qu’il n’existe à nos jours aucun texte sur le statut de l’opposition comme indiqué dans la Constitution. Et comme nous sommes en 2020, il est tout à fait légitime de nous interroger sur l’intérêt que le gouvernement porte à cette disposition de la Constitution.
La question de savoir si l’opposition a une réelle existence aux Comores est primordiale à tous points de vue. Elle ouvre la voie à d’autres interrogations. Connait-elle son rôle et l’action politique qu’elle doit mener dans son pays ? Son chef de file doit-il provenir des parlementaires comme c’est le cas en Grande-Bretagne ou actuellement à Madagascar ? Doit-on lui donner des commissions stratégiques à l’Assemblée nationale comme en France ?
Une tradition anglo-saxonne
Donner un statut à l’opposition est une tradition britannique. Au Royaume-Uni, le chef de l’opposition bénéficie d’un statut officiel à part entière. On l’appelle Chef de la très loyale opposition de Sa Majesté. Il est un député issu du deuxième parti à la Chambre des communes (l’Assemblée). Il est même considéré comme un Premier ministre alternatif, à la tête d’un cabinet fantôme (Shadow cabinet).
En France, il n’y a pas réellement de reconnaissance du chef de l’opposition. Mais, dans la pratique, les groupes d’opposition ont eux aussi des droits. Depuis 2007, c’est un parlementaire issu de l’opposition qui préside la puissante commission des finances de l’Assemblée nationale. Le Sénat fait de même depuis 2011. Cela est en soi une véritable preuve de maturité démocratique. À noter aussi que les parlementaires de l’opposition ont le droit de fixer une fois par mois, l’ordre du jour.
Madagascar en avance
Plus proche des Comores, Madagascar a donné récemment un statut à l’opposition. Le Chef de l’opposition a des droits clairement définis par la loi de 2011 relative au statut de l’opposition et des partis de l’opposition. Parmi ces droits, l’appartenance de plein droit du chef de file de l’opposition au bureau de l’Assemblée nationale. Cependant, une proposition de loi est venue exiger que le chef de l’opposition soit nécessairement un député. Ce qui a été vu comme un moyen d’écarter l’opposant naturel du régime à ce poste, en la personne de Marc Ravalomanana.
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