Ce vendredi se tient à Lyon, un Congrès qui devrait réunir toutes les organisations de la diaspora comorienne en France qui s’opposent au pouvoir en place depuis plus de 26 semaines dans les rues de Paris, Lyon, Marseille, Nice… Le Congrès devait permettre l’unification des organisations et des idées pour proposer une alternative au gouvernement en place à Moroni. Malheureusement, la diaspora comorienne semble avoir retrouvé ses démons qui la poussent à chaque fois à la division à des moments clefs où son unité devrait lui permettre de peser dans les discussions aux Comores.Par Mahmoud Ibrahime
Une résolution commune
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C’est par une « résolution commune » signée par six organisations, de l’intérieur et de l’extérieur, le 16 septembre dernier, à Paris, qu’il a été décidé de « convoquer dans un bref délai un Congrès national de la transition » (point 3). L’objectif de la « résolution » comme après du Congrès qui se tient à Lyon ce samedi est la « restauration immédiate de l’État de droit et de la démocratie en Union des Comores ».
La « résolution » rappelle la « détérioration totale du climat politique, social et économique », « l’instrumentalisation de l’appareil judiciaire et des forces armées », les fraudes aux élections, la fragilisation de l’unité nationale, mais aussi la forte mobilisation des Comoriens à l’intérieur et à l’extérieur pour le « rétablissement des institutions légales et du suffrage universel ». Les signataires s’engagent sur sept points dont le renforcement des « luttes » pour un « départ immédiat du régime dictatorial du colonel Assoumani Azali », « mettre en place une transition politique et démocratique » en vue de reprendre la tournante et œuvrer pour « la libération de tous les prisonniers politiques ».
Le collectif contre le CCED
L’opposition la plus sérieuse à la tenue du congrès samedi à Lyon est venue du collectif « Appel de Marseille » qui tout en constatant dans un communiqué en date du 28 septembre que le congrès est nécessaire, appelle à un report de la date pour « réunir toutes les conditions de réussite et notamment la concertation et l’implication de tous les collectifs au combat »
Le communiqué était signé par le président du collectif, Ibrahim Ahmed, le dénommé « Militaire » et par le Secrétaire général, Mhamadi Saïd. Ils ont l’appui d’une autre figure importante du combat à Marseille : Farid Soilihi. Quelques jours après, ils réitèrent la même demande de report du Congrès en mettant en cause les signataires de la « résolution commune », et selon certaines indiscrétions refusent de recevoir la délégation de Paris qui s’apprêtait à venir à Marseille pour discuter avec eux.
Par contre, d’autres figures essentielles de l’opposition à Azali à Marseille, comme Zilé Soilihi, président du Conseil des Comoriens de l’Extérieur pour la Démocratie (CCED) ou Dini Nassur souhaitent que le Congrès ait lieu comme prévu et participent pleinement à son organisation. Ils seront à Lyon avec leurs partisans. Ce qui montre clairement qu’une brèche est ouverte à Marseille. Une brèche qui n’est pas vraiment idéologique, mais la conséquence des rapports interpersonnels. Ceux qui observent cette diaspora depuis 20 ans pourraient penser que certains nous jouent l’habituel « PSG-OM » dans lequel, la diaspora n’est jamais sortie gagnante. Mais, c’est beaucoup plus compliqué, puisqu’à l’intérieur de chaque région, la division semble être consommée.
Un match « PSG-OM » ?
Jeudi une délégation part de Paris pour Marseille. Elle est finalement reçue par les responsables du collectif de « L’appel de Marseille », ce qui n’était pas évident au départ. Les deux parties se mettent d’accord pour que le Congrès ne soit que formel, mais que les grandes décisions se prennent une fois qu’un consensus sera établi. Cela semble illusoire. Est-il possible que plus de 5000€ (le budget prévu) soit investi dans un Congrès sans suite ?
À Nice la division du collectif qui mobilisait pour les manifestations a aussi été actée puisque le président du collectif a envoyé un communiqué pour appuyer l’organisation du Congrès, tandis qu’un membre du bureau CCED, Djaé Karihila et une membre du collectif, Amina Kassim ont envoyé un autre « aux organisateurs du Congrès de Lyon » pour dire que les membres du collectif ne participeraient pas.
À Paris, des personnalités qui mènent la lutte depuis le début sont en majorité officiellement pour l’organisation de ce Congrès, notamment les jeunes Nourdine Mbaé et Omar Mirali qui a été chargé de proposer une charte pendant ce congrès. Le Représentant du Conseil national de Transition (CNT) à l’extérieur, Soilih Mohamed Soilih, est aussi un des fervents partisans de ce Congrès.
La question du leadership
D’autres organisations et personnalités parisiennes refusent ce congrès de Lyon. C’est le cas du parti RIFAID COMORES d’Ahmed Mahamoud Wadaane qui a décidé de se retirer de toutes les discussions et ne participera donc pas au Congrès. Cela prive les opposants à Azali de l’influence du Secrétaire général de ce parti, Elarif Saadi, un jeune très dynamique qui est de toutes les luttes depuis le début et même avant les manifestations consécutives aux présidentielles du 24 mars 2019. Mohamed Elarif Saadi confie à Masiwa que la position de son parti sera développée prochainement, mais les divergences sont nombreuses avec les promoteurs du Congrès de Lyon. RIFAID maintient l’idée que la tournante de 2021 soit revenir à Anjouan et 2026 à Mwali et ne peut défendre l’idée d’une nouvelle constitution.
D’autres problématiques devraient être évoquées pendant cette réunion à Lyon et notamment l’adoption d’une charte qui a été rédigée ces derniers jours et qui prévoit en détail l’après-Azali.
Il s’agira aussi d’élire un bureau et un chef durant ce Congrès et là les ambitions sont nombreuses. Les participants réussiront-ils à dégager une personnalité qui puisse faire consensus entre eux, mais aussi en capacité d’aller chercher ceux qui n’ont pas jugé utile d’aller à Lyon ?
L’enjeu pour les forces qui s’opposent au gouvernement d’Azali Assoumani est de taille ce samedi. Il s’agit de voir si les organisations et personnalités qui depuis plus de 26 semaines (du jamais vu dans la diaspora en France) sont en capacité de dépasser leurs différends interpersonnels et s’organiser pour la bataille qui va suivre ou si le mouvement est déjà mort. Dans tous les cas, le gouvernement comorien qui a tenté à plusieurs reprises de briser le mouvement ne peut que se frotter les mains. L’ego est en train de réussir là où il a échoué.
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