La question est sur toutes les lèvres. L’opposition doit-elle participer aux prochaines élections ou non ? C’est autour de cette interrogation qui divise l’opinion que le Collectif de la 3e Voie a organisé, jeudi après-midi, une conférence-débat afin de « confronter les analyses et les positions en dehors de toute passion », l’objectif étant à la fin de préserver les intérêts des citoyens. Par Faïssoili Abdou
[ihc-hide-content ihc_mb_type=”show” ihc_mb_who=”2,3,4,5,6,9″ ihc_mb_template=”1″ ]
Alors que la machine électorale est mise en branle, notamment par l’ouverture officielle mercredi dernier de la campagne pour le dépôt des candidatures auprès de la Commission électorale, l’incertitude plane encore quant à la participation de l’opposition aux échéances électorales de janvier et février prochains. En effet, les adversaires politiques du régime Azali refusent jusque-là de participer à ce rendez-vous électoral estimant que les dés sont pipés d’avance. Ainsi, dans une déclaration publiée à Moroni le 5 novembre dernier, le parti Mouroua dénonce sèchement « les manœuvres de diversion pour organiser des élections fantômes, dont les règles ne respectent aucune disposition constitutionnelle ou légale, et dont les résultats sont connus d’avance ». Cette formation politique rejoint ainsi la décision de l’Union de l’opposition de boycotter ces élections.
« Doit-on renoncer à notre vote ? »
C’est face à ce climat de méfiance que le Collectif de la 3e Voie a pris l’initiative d’organiser, jeudi 7 novembre à Moroni, une conférence-débat autour des prochaines élections législatives et communales. « Doit-on renoncer à notre vote ou se rendre aux urnes ? Quelle alternative pour (re)conquérir l’espace démocratique ? » Tel a été le thème de cette rencontre qui a permis aux uns et aux autres de s’exprimer sur ce sujet brûlant de l’actualité politique nationale. « Pour le Collectif de la 3e voie, le but était de susciter le débat pour sortir des postures non expliquées aux Comoriens et faire accepter la nécessité d’un débat citoyen sur ces élections et de réfléchir sur les moyens de sortir de l’immobilisme », explique Kamal Eddine Saindou, membre de ce mouvement citoyen engagé dans la défense de l’état de droit, de la préservation de l’unité nationale et de la cohésion de la société comorienne. Dans un document le collectif de la 3e voie démontre comment le débat « sur les conditions d’organisation des élections et sur l’opportunité ou pas de se rendre aux urnes » traduit un « affaissement de la conscience citoyenne et de la gravité de la rupture qui s’est opérée entre le peuple et ceux qui prétendent le diriger ». Le collectif a également mis en évidence le fait que les prochains rendez-vous électoraux « interviennent alors que le pays porte encore les stigmates de la crise post-électorale qui a suivi la mascarade de scrutin présidentiel de mars 2019 » constatant que « sept mois plus tard, la confiscation de l’espace démocratique se poursuit et la tension politique est loin d’être tombée ».
L’implication de la communauté internationale est nécessaire
Différentes positions ont été exprimées par les intervenants au cours de ce débat. Certains estiment que ce serait suicidaire de croiser les bras et laisser les mains libres au pouvoir pour poursuivre sa mainmise du pays. Pour ceux-là, aller aux élections, c’est occuper l’espace démocratique et permettre à la population de défendre son expression. Le collectif Ufahari wa Komor, un des membres de la société civile et acteur de la contestation politique au sein de la diaspora en France, abonde dans ce même sens en appelant à participer au scrutin « contre le pouvoir et au nom du droit ».
Au cours de la conférence-débat, Ibrahim Abdou Razak alias Razida, représentant de l’opposition, a également expliqué les raisons de leur non-participation aux prochaines élections tout en soulignant que cette décision n’est pas « irréversible » à condition d’obtenir « des garanties sur la transparence ». L’union de l’opposition réclame plus clairement l’implication de la communauté internationale en qualité d’arbitre dans le jeu électoral comorien. « Au vu de l’expérience des élections passées et le maintien des mêmes instances électorales et du même juge électoral, l’opposition ne peut pas faire confiance au pouvoir », a-t-il fait savoir.
Un scrutin illégal
Le constitutionnaliste Mohamed Rafsandjani qui est intervenu par vidéo interposée à cette conférence a, pour sa part, insisté sur le caractère « illégal », du point de vue constitutionnel, des prochaines élections. Contacté par Masiwa, ce spécialiste expliquera d’emblée que « le président n’avait pas le droit de légiférer par ordonnance pas plus que les députés n’avaient pas le droit de lui habiliter à le faire. En effet, la Constitution de 2018 est claire. C’est une loi organique qui doit régir les modalités d’élection des députés. Or, une loi organique est exclusive. Lorsque la Constitution prévoit une loi organique, il n’y a qu’elle qui peut intervenir. Une ordonnance ne peut agir dans un domaine de la loi organique ». Il poursuit sur cette même lancée en démontrant que « la constitution est claire aussi sur la composition de l’Assemblée. Elle parle de deux types de membres : ceux élus par les Comoriens sur place et ceux représentant les Comoriens de l’étranger. Or, l’ordonnance prévoit 24 circonscriptions et pas de vote des Comoriens de l’étranger. De la sorte l’ordonnance a prévu une composition d’Assemblée contraire à celle prévue par la constitution elle-même. L’ordonnance est inconstitutionnelle, l’élection qui en suivra également ».
Rafsandjani soulève enfin la question relative au juge électoral. « S’il s’agit de la Cour suprême, la constitution de 2018 prévoit une loi organique pour poser les modalités de ses attributions, procédures et compétences. Cette loi organique n’a pas été adoptée, la Cour suprême ne devrait même pas pouvoir siéger en matière constitutionnelle et électorale. La preuve, elle continue à utiliser les lois organiques de la défunte cour constitutionnelle alors que si elle a été supprimée alors ses lois organiques également. Un juge qui utilise les textes d’un autre juge disparu, absurde. Pour tout cela l’élection sera illégale. On pourrait rajouter le vote de la loi d’habilitation avec la voix prépondérante du président de l’Assemblée qui n’existe pas dans le règlement » a-t-il conclu.
Dans leur déclaration, les membres du Mouroua se sont exprimés également sur cette même problématique. « La promulgation par décret N°19-107 du 16 septembre d’une loi du 3 septembre qui n’a jamais été régulièrement votée par les députés constitue le dernier acte du régime d’Azali pour confisquer le pouvoir exécutif, législatif et judiciaire, scellant ainsi un totalitarisme d’un autre âge, par l’usage arbitraire du pouvoir des armes sur lequel il tente de faire reposer, désormais, la pérennité de son régime », ont-ils assené.
[/ihc-hide-content]