Moroni est la capitale des Comores et en même temps celle de l’île de Ngazidja. D’après Populationdata, un site d’informations, de cartographies et de statistiques pour les populations des pays du monde, Moroni comptait 111 329 habitants sur 845 477 dans l’ensemble du territoire national en 2013. Mutsamudu, chef-lieu de l’île d’Anjouan, compte 39 710 habitants et Fomboni, dans l’île de Mohéli 19 582. À elle seule, Moroni réunit dans son espace géographique la presque totalité des services publics d’envergure et des entreprises publiques et privées d’importance. Par Salec Halidi Abderemane
De la ville au bidonville
Une localisation administrative et de services qui, non seulement attire une importante population urbaine et rurale de l’île elle-même, mais aussi des autres îles. C’est-à-dire un déplacement d’une population vers un territoire qui s’engorge continuellement pour une quête de services publics de proximité absents dans leurs espaces. Un territoire qui jouit déjà d’un rôle de propriété administrative d’une entité insulaire. Ce qui crée un déséquilibre de mobilité spatiale, mais également démographique qui s’accompagne d’un phénomène d’extension de la ville en bidonville.
Toujours est-il qu’un simple acte d’état civil peut vous obliger à vous rendre à Moroni pour vous en procurer, à la manière d’une petite migraine vous contraignant à recourir aux soins hospitaliers de Moroni, ou un médicament seulement disponible dans les pharmacies à Moroni, etc. Ce qui impacte considérablement la mobilité spatiale de la ville. Les gigantesques embouteillages, le manque de lieux de stationnement et les difficultés de se déplacer d’un endroit à un autre ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Car le nombre journalier très conséquent de déplacements de la population des autres localités urbaines et rurales de l’île vers Moroni vient s’ajouter à la forte masse intra et extra-insulaire qui vit déjà dans la capitale.
Une forte masse intra et extra-insulaire d’ailleurs, qui met en exergue les gigantesques embouteillages, le manque de lieux de stationnement et les difficultés de se déplacer comme nous les avons évoqués ci-haut. Cette population en surnombre envahit les quartiers périphériques de Moroni. Ces quartiers périphériques accusent une importante pauvreté infrastructurelle (voir Masiwa n°320). Ce qui contraint ces services publics de premier rang et des entreprises publiques et privées de se réunir dans les quartiers du centre où il s’exprime une logique d’organisation urbaine. Il s’agit des quartiers de la Place des Banques où se localise également le deuxième marché de Moroni, le quartier de Volovolo, premier marché de la Capitale, la partie occidentale de La Coulée, La route de la corniche allant vers le quartier du port de Moroni.
Un déséquilibre de la mobilité sociale
Cette localisation géographique dans ces uniques quartiers du centre pourrait appeler à une déconcentration. Mais comme la périphérie connait déjà une anomalie en déficit d’infrastructures, la croissance démographique nationale de 2,42% par an (populationdada) s’accompagne d’une forte pauvreté dans tout le pays. Ainsi une décentralisation extra-insulaire serait la mieux adaptée. Il faut privilégier une politique de proximité pour retenir les couches de la population déjà impactées par cette pauvreté, dans leurs territoires insulaires. Cela leur permettra également d’éviter le coût de déplacement inter-îles qui monte en flèche. Et d’une pierre de coup, désengorger Moroni déjà très saturée, au profit des autres capitales régionales, qui pourront jouer leur rôle de villes relais de cette dernière.
Pour ce faire, nous avons conclu que le déséquilibre de la mobilité spatiale et toute cette gamme de difficultés empêchent la ville de Moroni de fonctionner correctement. Dans ce sens, un processus de décentralisation extra-insulaire semble être un recours approprié. Il pourrait s’articuler facilement dans la Constitution de 2018, et qui se trouve entre autres dans ses amendements de 2001, 2009 et 2013. Ce processus de décentralisation pourrait redonner à Moroni ainsi que les autres capitales régionales, une harmonisation urbaine, qui peut s’exécuter dans les articles 99, 102 et 103. Ces derniers offrent aux territoires régionaux une personnalité politique qui jouit de plusieurs compétences et de matières en concertation avec l’état central, dont nous avons retenu certaines qui s’en suivent : le plan de développement économique et social de l’île, son aménagement territorial et la voirie comme compétences et l’administration des Collectivités locales en matière de concertation avec l’état.
Cela s’inscrit en porte-à-faux avec la concentration des services publics de premier ordre et des entreprises publiques et privées ainsi que les prérogatives que confèrent ces différentes institutions implantées dans leur majorité uniquement dans la capitale. Une politique de proximité qui impulserait la dynamique des territoires urbains des Comores pourrait rapprocher les autorités régionales et leurs territoires, ainsi que leurs communautés respectives. Ils seraient spatialement et politiquement en meilleure position pour répondre aux attentes urbaines. La décentralisation pourrait renforcer les capacités des chefs-lieux régionaux et les rendre plus efficaces. Ceux-ci pourraient dans leur exécution retenir la population insulaire et dynamiser une connexion urbaine entre les trois îles.
L’approche scientifique
Toutefois, en dépit du cadre juridique de l’Union des Comores, l’approche scientifique doit être à la recherche d’une logique urbaine optimale, car la répartition des compétences entre le gouvernement de l’Union et les gouvernements régionaux, la délimitation des responsabilités n’est toujours pas au beau fixe. Au-delà de la Constitution, la géographie insulaire des Comores appelle à cette décentralisation qui serait une correction pour l’équilibre urbain aux Comores. Il est évident que manque de clarté dans le cadre juridique actuel crée une confusion qui continue de nourrir la centralisation des services sur Moroni. Cette centralisation ou cette macrocéphalie urbaine de Moroni à l’origine de son dysfonctionnement peut facilement trouver une résolution. Les deux autres chefs-lieux régionaux sont des centres de décisions politiques.
Dans une constitution opérationnelle et un cadre juridique fonctionnel, les gouvernements régionaux bénéficieraient d’un mandat assez large qui couvre la planification urbaine et les infrastructures. Mais la plus importante, c’est la gestion de la propriété foncière, pilier de l’organisation urbaine dont Moroni connait plusieurs difficultés et lui fait recouvrir une consommation restreinte de son espace fonctionnel. D’où la réunion des activités dans les quartiers du centre. Cependant, le manque de clarté juridique pour définir les responsabilités insulaires, par lequel la décentralisation peut facilement apporter une correction à Moroni et aux autres chefs-lieux régionaux reste un défi à relever. Ainsi Moroni connait une duplication des fonctions qui conduit à un dysfonctionnement urbain et étant l’entité urbaine suprême, toute la chaîne urbaine nationale est gravement impactée.