SCP Mutsamudu
Accident mortel
Un agent de la Société comorienne des Ports (SCP), Aboulwoifa Mahafidhou est mort le 7 mars 2021, après une chute d’un toit. Il semble que cet agent administratif était en train de faire des travaux de réparation quand il est tombé.
Le débat est encore présent dans les réseaux sociaux aussi bien sur le responsable qui lui aurait demandé ou aurait accepté qu’il monte sur le toit que sur l’indemnisation de sa famille puisque selon le journaliste Dhoulkarnaine, il laisse une veuve enceinte.
La victime semble faire partie des agents des ports qui ont été licenciés ou mis au chômage technique en juin dernier par le Directeur de l’APC, Saïd Salim Dahalane suite à la crise sanitaire.
Chômage technique et 12 mois d’arriérés
Un journaliste très au fait de ce qui se passe au port de Mutsamudu, mais qui a requis l’anonymat est formel : «… des travaux d’étanchéité devaient se faire sur ce toit. L’annonce a été faite pour chercher des volontaires et il s’est porté volontaire. Il faut tenir compte du fait que ces travaux sont toujours indemnisés et un père de famille comme lui n’a pas réfléchi trop longtemps pour se porter volontaire et être au rendez-vous avant les autres. N’oublions pas non plus qu’il a passé près d’un an en chômage partiel anticovid et qu’il avait 12 mois d’arriérés. ». Le journaliste insiste sur la précarisation des agents dans une période où la moindre protestation ou manifestation peut vous mener en prison, où les syndicats comme la plupart des organisations de la société civile sont aux abonnés absents. Et il conclut avec regret : « Aboulwafa est allé de son propre gré. Même si ça ne dédouane pas l’APC. Signe de la précarité d’emploi et de traitement. Même si c’était gratuit il y aurait de volontaires. N’oublions pas que l’APC est sur le point de déflater ».
Comme le rappelle le journaliste, la responsabilité de l’employeur est pleinement engagée et dans d’autres circonstances la question de l’indemnisation de la famille de la victime ne se poserait pas. Il s’agit d’un accident de travail et le Code du travail en vigueur aux Comores (2012) est clair. L’article 53 de ce code affirme que le patron est le responsable de la Sécurité du travailleur et il doit faire en sorte qu’il exerce ses fonctions dans des conditions sécuritaires, notamment en lui fournissant des équipements de protection (alinéa 6). Cet article 53 va encore plus loin puisqu’il exige que le patron s’assure « que les travailleurs prennent soin de leur propre sécurité et de celle des autres personnes susceptibles d’être affectées par leurs actions ou leur mission au travail.» Cela veut dire que même si le travailleur a volontairement négligé la sécurité, le patron reste le premier responsable.
La responsabilité des patrons en cas d’accident
Or dans cette affaire les négligences sont nombreuses de la part des responsables du port de Mutsamudu. Dans les circonstances de ce drame, on comprend que c’est le laisser-aller dans ce port. Ces dernières années tout a été mis en œuvre dans ce port pour éviter assurer la sécurité générale du pays et des autorités, mais la sécurité des travailleurs est négligée. Ils ne comptent pas, tout peut leur arriver, Mutsamudu c’est loin de Moroni.
Code du travail ignoré
Si le Code du travail était respecté peut-être que cet homme aurait été sauvé, car la SCP au port de Mutsamudu aurait prévu « des mesures permettant de faire face aux situations d’urgence et aux accidents, y compris des moyens pour l’administration des premiers secours » (alinéa 7 de l’article 53). Le code prévoit même qu’une entreprise de plus de 100 employés doit avoir au moins un infirmier et donc une infirmerie. S’il avait été ainsi, le sort d’Aboulwafa Mahafidhou n’aurait pas été conditionné par la bonne volonté des badauds.
Non seulement les conditions de sécurité ne sont pas respectées, mais en plus, il n’existe dans le plus grand port du pays aucune assurance ou mutuelle pour aider un employé qui serait blessé ou malade du fait de la manipulation de certains produits. Là aussi, le Code du travail autorise les syndicats à mettre en place des mutuelles ou des caisses de solidarité, mais ceux-ci ne sont plus visibles au port de Mutsamudu comme dans beaucoup d’autres sociétés publiques ou privées.
Mais, comment peut-on comprendre que des agents qui prennent des risques tous les jours ne bénéficient d’aucune assurance ou mutuelle ? Comment comprendre que les agents du port de Moroni soient assurés depuis 2014 et que ceux de Mutsamudu ne le soient toujours pas, alors qu’ils sont tous dans la même société d’État ?
Un responsable d’une assurance nous apprend que c’est après cet accident mortel que la Direction de la Société à Moroni a demandé une extension de l’assurance aux agents de Mutsamudu. C’est en étude et il faut espérer, car la société connaissant des problèmes de trésorerie, elle risque d’y renonce. D’après un ancien employé, elle a déjà beaucoup de mal à cotiser sa part pour les agents en fonction à Moroni.