En marge de la fête de l’indépendance, l’affaire de la chanteuse Samra qui a « massacré » les paroles de l’hymne national dans un playback diffusé pendant la cérémonie a fait couler beaucoup d’encre. Alors que cette polémique n’avait pas fini de s’éteindre, l’affaire du chanteur Cheikh Mc que le conseiller du chef de l’Etat, Ahmed Ali Amir, aurait empêché de monter sur scène dans un concert dont il a été le principal maître d’œuvre est venue obscurcir encore un peu plus cette fête qui n’a pas connu l’engouement d’autrefois. Par MiB
L’artiste le plus populaire auprès de la jeunesse comorienne, Cheikh MC s’est exprimé le 7 juillet au matin pour se plaindre du fait que le gouvernement comorien l’a empêché de monter sur scène dans le concert qui devait clore les festivités du 46e anniversaire de la fête de l’indépendance. Concert dont il était le principal organisateur. Le chanteur au franc-parler n’y va pas par quatre chemins sur son mur Facebook : « Hier, j’ai malheureusement pas pu retrouver mes fans comme je l’avais fièrement annoncé. Non. Un homme très puissant et ses petits sbires m’ont interdit de monter sur la scène parce que mes chansons gênent et parce que je refuse d’être un griot au service d’une dictature bête et méchante. » Il évite tout de même de donner le nom de l’«homme très puissant ».
Un homme très puissant
Mais, dès le soir, les journalistes ne tardent pas à mettre un nom sur cet homme : Ahmed Ali Amir. Ce sont d’ailleurs des journalistes proches de l’ancien Directeur de publication d’Alwatwan, le journal de l’État et Conseiller en communication du président Azali qui vont diffuser son identité dans les réseaux sociaux. Ils sont souvent très bien informés et semblent s’être coordonnés. À 21h28, Faïza Soulé Youssouf écrit sur son mur Facebook : « Le pouvoir ça te change un homme, mutation, métamorphose, révélation ?… Mgu naripve hatima ndjema ». Elle garde encore le mystère sur le nom, mais ce ne sera pas le cas pour ses amis Ali Mbaé qui intervient sur son mur Facebook à 21h40 et Oubeidillah Mchangama à 21h50.
Ali Mbaé donne le nom d’Ahmed Ali Amir par ses initiales : « Selon une source sûre et concordante, c’est AAA qui a interdit à Cheick mc de retrouver ses fans hier soir. Dommage! ” Quant à Oubeidillah Mchangama, il intervient par vidéo sur la page FCBK FM (suivies par 43000 personnes) avec en introduction une interrogation qui est en fait une fausse question : « Ahmed Ali Amir a-t-il vraiment empêché Cheikh MC de monter sur scène sous peine d’annuler le concert du 6 juillet ? ». Dans la vidéo, lui aussi s’appuie sur « une source sûre » pour affirmer qu’Ahmed Ali Amir a empêché Cheikh Mc de monter sur scène « c’est lui qui a dit aux organisateurs que si Cheikh Mc chante, le concert sera annulé et qu’il doit uniquement chanter le titre Djibuwe avec Samra sinon le concert sera annulé. Nous ne pouvions pas penser qu’AAA arrivera à une telle extrémité ». Contacté par Masiwa, le journaliste actuellement en déplacement en France confirme ses propos.
Interrogé par Masiwa, Ahmed Ali Amir nie catégoriquement toutes les accusations. Et quand on lui oppose le fait que ce sont ses propres amis qui ont donné l’information à partir de « sources sûres », il répond : « Aucun de ces journalistes ne s’est donné la peine de me contacter pour avoir ma version. » Puis, il fournit sa version. Une version longue qui commence par : « Entre moi et les organisateurs du concert du 6 juillet, il n’y a eu aucune discussion ou échange concernant la participation ou non en qualité d’artiste de Cheikh MC. » Et effectivement, le fait a été confirmé par Cheikh MC qui a fini par accepter de témoigner et un autre artiste qui a requis l’anonymat.
Un homme central
En réalité, Cheikh Mc travaillait sur l’idée d’un concert le soir du 6 juillet avec comme principaux sponsors Telma et la BIC, représentée par son Directeur Gervais Atta qui est celui qui est en contact direct avec les hommes du chef de l’État, qui prend les consignes et vient les faire accepter par les organisateurs du concert. Un homme central.
Le début de l’histoire, AAA la raconte : « La Bic propose à la commission d’organisation du 6 juillet d’intégrer dans le programme de la fête de l’indépendance « un concert » organisé à leurs frais. Ce jour-là, la communication de la présidence avait programmé un Gala au Retaj avec comme principale invitée la diva, Samra. » Au cours de la première réunion au siège de la Banque, AAA reconnait avoir « demandé à Ckeikh s’il pouvait chanter avec Samra, le tube Djibuwe. Il a juste esquissé un sourire. » Pourtant, un artiste présent dans la réunion confirme les propos du journaliste Oubeidillah Mchangama : le conseiller du président a exigé que Cheikh Mc chante avec la chanteuse du gouvernement, Samra. Celle-ci n’était pas prévue et Cheikh Mc est encore étonné par le procédé. Il nous explique qu’on lui a d’abord demandé de se retirer de l’affiche, car il y avait trop de Grands-Comoriens. Puis, le gouvernement impose Samra qui est aussi Grand-comorienne.
AAA affirme qu’au contraire c’est Cheikh Mc qui « propose que Samra soit « tête d’affiche » » et Cheikh ne nie pas mais ajoute qu’il avait aussi proposé Goulam. Pourtant, l’affiche qui arrive le 29 juin déplait à la présidence, car elle ne prend pas en compte les demandes formulées devant tous. « Samra n’y était pas et les artistes des iles non plus. J’ai appelé la Bic juste pour savoir si les organisateurs maintiennent leur projet initial, dans ce cas, on maintiendrait notre Gala. » ajoute Ahmed Ali Amir.
Cheikh Mc persona non grata
Dans les réunions suivantes, le Directeur de la BIC fait savoir à Cheikh MC et aux autres que Beit-Salam ne souhaite pas sa présence sur l’affiche, puis qu’il ne doit pas monter sur scène. Cheikh évite de citer le nom de Gervais Atta, mais au vu des différents témoignages reçus par Masiwa, le Directeur de la BIC parait être le personnage principal de cette histoire, celui qui recueille les volontés des conseillers du chef de l’Etat et les ordonne aux organisateurs. C’est pourquoi AAA peut facilement affirmer qu’il n’avait pas de discussion avec les organisateurs. Gervais Atta transmettait-il vraiment ce que voulait la présidence ? Il nous a été impossible de le joindre pour le vérifier.
L’affiche de l’événement a été modifiée une semaine après pour satisfaire aux exigences de la présidence. Cheikh Mc est enlevé et Samra est cette fois, en guest-star. Mais, le conseiller du président est catégorique : il n’a jamais été question d’une participation de Cheikh Mc sur scène, juste dans l’organisation. Il évoque même le fait que quand la question de sa présence en tant qu’organisateur a été évoquée par une personne de l’organisation, il aurait répondu : « Demain, le président tendra encore une fois la main pour un dialogue constructif avec toutes les forces vives de la nation, je ne vois pas en quoi un artiste engagé poserait un problème ». Dans sa déclaration à Masiwa, Ahmed Ali Amir insiste et ajoute que lorsque le Directeur de la BIC lui demande si « la présence de Cheikh MC ne troublerait pas la délégation ? », il a été catégorique : « Il ne faut pas pousser le bouchon trop loin, tout au contraire, nous serions ravis qu’il fasse visiter le président » les coulisses et lui présente les artistes. Pourtant, le Directeur de la BIC rapporte à Cheikh MC et aux organisateurs qu’ll ne faut pas que Cheikh Mc soit là quand le président arrivera.