Au vu de la lettre ouverte de Me Fatoumiya Mohamed Zeine adressée au Secrétaire général du barreau de Moroni, Me Youssouf Ben Ismaël Aticki, les passes d’armes ne sont pas terminées après l’élection très controversée de Mohamed Abdouloihabi au poste de bâtonnier au barreau de Moroni. Alors que Me Tadjidine, candidat malheureux, éliminé du vote et la plupart de ses colistiers ont abandonné la lutte pour rétablir le droit, voici que l’une des avocates les plus respectées du barreau de Moroni essaie encore une fois de faire valoir le droit. En vain ? Par MiB
Me Fatoumiya refuse tout catégoriquement de payer sa cotisation, reproche au nouveau bureau du Conseil de l’Ordre de méconnaître les procédures régissant le barreau et se dit prête à être exclue. Elle rappelle dans sa lettre ouverte les conditions de non-respect des lois lors de l’élection du Conseil de l’Ordre qui a pris la gestion du barreau en main.
Une élection par acclamation
L’élection du bâtonnier le 22 novembre 2020 n’a pas vraiment eu lieu. Le bâtonnier sortant, Me Mzimba a invalidé la candidature du seul opposant à la liste qu’il soutenait, Me Tadjidine en avançant que ce dernier avait adressé sa candidature aux avocats qui organisaient le scrutin et non au bâtonnier. Par contre, le même Me Mzimba avait validé la candidature de Me Mohamed Abdouloihabi (ancien président de l’île de Ngazidja, ancien magistrat) qui n’avait pas totalisé les trois ans d’exercice en tant qu’avocat comme le prévoit la loi du 20 juin 2008 « portant organisation de la profession d’avocat en Union des Comores » qui, en son article 33 énonce : « Les membres du Conseil de l’Ordre sont élus directement par l’Assemblée générale des avocats pour un mandat de trois ans parmi les avocats inscrits au Tableau ayant prêté serment depuis au moins trois ans ».
Me Fatoumiya Mohamed Zeine faisait partie des avocats qui ont dénoncé cette entorse à la loi de la part de l’ancien bâtonnier et du présent, avant qu’un tribunal ne valide d’une manière sibylline l’élection par « acclamation » (non prévue par la loi) de Me Abdouloihabi.
En parallèle à cette élection, un autre combat était mené autour de l’adoption du règlement intérieur. Le bureau du conseil de l’ordre présidé alors par Me Mzimba avait estimé qu’il pouvait établir et « adopter » lui-même le règlement intérieur sans l’avis de l’ensemble des avocats, sans le vote de l’assemblée générale.
C’est précisément sur ce fait que se base Me Fatoumiya Mohamed Zeine pour contester la décision du nouveau Conseil de l’Ordre, envoyée par le secrétaire général, Me Aticki,qui est resté le même depuis le mandat de Mzimba. D’où le fait qu’elle l’interpelle en tant que « Secrétaire général coutumier ».
Un règlement intérieur établi et non adopté
La lettre de Me Fatoumiya Mohamed Zeine répond à une délibération du Conseil de l’Ordre présidé par Me Abdouloihabi qui donne aux avocats jusqu’au 27 juin pour s’acquitter d’au moins la moitié de la cotisation due. Cette délibération s’appuie notamment sur une autre délibération du Conseil de l’Ordre du 16 novembre 2020 « adoptant » le règlement intérieur. A cette époque, il n’y avait que trois avocats pour établir et « adopter » ce règlement : Me Mzimba (bâtonnier), Me Aticki (secrétaire général) et Me Baco (actuellement député). Les autres membres du Conseil de l’Ordre avaient démissionné de fait depuis deux ans comme le rappelle Me Fatoumiya Mohamed Zeine ou ne participaient plus aux réunions.
Établit ou adopte
C’est donc d’abord sur « l’adoption » du règlement intérieur par le Conseil de l’Ordre (3 avocats seulement étaient présents) le 16 novembre 2020 que repose le refus de Me Fatoumiya Mohamed Zeine d’obéir à une décision issue de ce même règlement intérieur qu’elle juge illégal car devant être adopté par l’Assemblée générale des avocats. Elle rappelle que si l’article 37 de la loi de 2008 dit que le Conseil de l’Ordre « établit » le règlement intérieur, cela ne signifie pas qu’il «l’adopte ».
Elle rappelle qu’en plus, l’article 38 de la loi de 2008 indique que « Toute délibération du Conseil de l’Ordre est soumise à l’appréciation du Procureur général », ce qui n’a pas été fait en ce qui concerne cette délibération « adoptant » un règlement intérieur par la seule volonté de trois avocats.
Par conséquent l’avocate qui exerce maintenant depuis plusieurs années au barreau de Moroni affirme : « Je ne m’acquitterai pas d’une cotisation dépourvue de toute base légale. Convaincue que le contraire me rendrait complice, voire coauteur de vos écarts systémiques à la loi, de vos agissements désinvoltes, au détriment de la profession. Le tout malheureusement devenu récurrent. »
Au sujet de la Justice comorienne, que ce soit du côté des juges ou du côté des avocats la question reste la même depuis plusieurs années : pourquoi des hommes et femmes qui sont censés faire respecter les textes de loi les violent en permanence pour des intérêts personnels ?