Le système foncier est un enjeu de taille dans le fonctionnement de la société. Ayant été, pendant des lustres, le socle des fondamentaux de la vie économique et sociale, la terre présentait plus qu’une richesse. Elle a été le piédestal de la famille et de la communauté. Son importance se distinguait dans la graduation de ses statuts.
[ihc-hide-content ihc_mb_type=”show” ihc_mb_who=”2,3,4,5,6,9″ ihc_mb_template=”1″ ]La gestion de la terre cultivable et de bâti dépendait du statut foncier communément reconnu. On en classait, en effet, plusieurs formes de propriété foncière dont la légalité juridique non écrite mais intégrée se transmettait de génération en génération. La remise en cause de cette nomenclature foncière provoquait des conflits antagonistes entre les membres d’une lignée, d’une famille élargie, d’un mdji ou entre des localités ayant un patrimoine foncier en partage. Le respect des règles d’appartenance garantissait la paix sociale et la solidarité.
Le statut foncier correspondait au niveau organisationnel de la société. Les terres de propriété individuelle relevait du statut Miliki (appropriation individuelle), celles appartenant à la famille sont le Manyahuli (patrimoine familial matrilinéaire ), celles provenant d’un héritage sont classées Wiratha, celles données à la communauté pour une utilité collective Nabi ( leg) et celles appartenant à la communauté, c’est l’Uswa-ezi.
L’uswa-ezi, c’est un domaine intercommunautaire mis à la disposition des plusieurs localités limitrophes ou à une grande ville par les ancêtres soucieux de préserver l’unité du mparano wa midji (coopération intercommunautaire). Il s’agissait d’un espace cultivable de plusieurs hectares accessibles aux midji bénéficiaires. L’uswa-ezi était reparti en zonages communautaires, ce qui permettait aux ressortissants de chaque localité d’accéder à la terre. Les paysans ayant accès aux terres de l’uswa-ezi ne pouvaient que pratiquer des cultures annuelles du fait que toute production pérenne serait une marque de propriété. On pouvait, ainsi, faire des parcelles tournantes étant entendu que l’absence des cultures de cycle court laissait libre le champ, même si des délimitations étaient souvent observées.
L’étendu du terroir permettait la conservation de la fertilité par une jachère pluriannuelle respectée par tous les paysans. La viabilité de cette jachère offrait aux communautés des midji d’exploiter les herbes vivaces en forme de paille (pbindambe) pour la toiture des cases avant l’abondance des cocotiers et pour l’usage de leurs feuilles (uhandza). La défriche d’un uswa-ezi mis en jachère durable demandait des gros bras pour enlever les mottes dures appelées Ipabohosi. Comme la texture d’une prairie bien entretenue, la jachère offrait une belle vue de pbindambe à perte de vue, ce qui distinguait la bonne gestion de la terre par les usagers de l’Uswa-ezi.
Le fait que des paysans de différentes localités se côtoyaient dans les mêmes espaces de travail, cela créait et renforçait les liens de solidarité et d’entente mutuelle.
Cette forme d’organisation et de redistribution des terres cultivables traversa des siècles de stabilité foncière, jusqu’à sa quasi-disparition à nos jours. Le déclin du système s’explique par
– la politique de dépossession des terres fertiles par les sultans au bénéfice des exploitants coloniaux et notamment le contrat de 1885 qui concéda au botaniste français Léon Humblot le droit dexploiter, dans toutes lîle de Ngazidja, toutes les terres quil voudra faire cultiver.
– La pression démographique qui a engendré une pression foncière
– La pratique des cultures de rente par les exploitants coloniaux exigeant limportance de superficie cultivable (vanille, sisal, ylang-ylang, cocoteraie&.)
– La redistribution des terres de certains uswa-ezi à des familles élargies ou à des lignées pour constitution de manyahuli.
L’uswa-ezi a connu quelques poches de résistance dans certaines régions de Ngazidja. On peut citer Shamadani et Itsundzu dans le washili , Hotsawo, Shindini et Kafuni dans les hauts de Mitsamihuli, Handzimbe et Damasoha dans le Hamahame etc. Dans les grandes villes du pays, le uswa-ezi récupéré est partagé entre les grandes familles et l’État qui en a fait un domaine public. [/ihc-hide-content]
Par Dini Nassur