« Je n’ai jamais entendu parler d’une dictature parlementaire. Maoulana Charif, tu as transformé l’Assemblée nationale en un champs de bataille ». Voilà la phrase prononcée par le député Ali Mhadji et qui résume la pièce jouée par les députés de l’opposition et le vice-président de l’Assemblée nationale, Maoulana Charif lors de la dernière journée de la dernière session parlementaire ordinaire. [ihc-hide-content ihc_mb_type=”show” ihc_mb_who=”2,3,4,5,6,9″ ihc_mb_template=”1″ ]
Mardi dernier, les députés étaient appelés pour la dernière session parlementaire de leur mandat. Sur quatre projets de loi présentés en plénière, une seule loi a été adoptée, la loi dite « Kenneth ». Elle autorise le gouvernement à recevoir 22 milliards de francs comoriens de la part de banque mondiale pour aider les victimes du cyclone du même nom. Les autres lois ont été boycottées par les 17 parlementaires qui se réclament de l’opposition pour des raisons différentes. Il s’agit entre autres du nouveau code de l’information et de la loi de finance.
Après l’ouverture de la séance, une guerre froide a éclaté entre les députés et le président de la séance. Surpris que l’ordre du jour affiché par le secrétariat soit modifié par le gouvernement avec la complicité du Président de l’Assemblée nationale par intérim, Maoulana Charif, sans pour autant qu’ils soient mis au courant, les représentants de la nation ont décidé de dénoncer le fait, appris quelques jours auparavant. Le président de la séance ne leur a pas accordé la parole dans un premier temps. Contrairement au règlement intérieur qui stipule que les rapports des travaux des commissions doivent être remis aux députés 72 heures avant l’ouverture de la séance plénière, ces dits rapports ont été distribués sur place, “par ordre du vice-président Maoulana Charif “. C’est un épisode qui constitue le début de la querelle : « Je n’ai jamais entendu parler d’une dictature parlementaire. Je la vois aujourd’hui. Comment un docteur comme toi peut conduire une séance ainsi ? Tu modifies l’ordre du jour sans nous l’annoncer. De plus, c’est maintenant qu’on nous donne les rapports des travaux effectués en commission. C’est inadmissible. Comment un professeur d’université comme toi peut enfreindre les lois quotidiennement ? C’est incroyable. », s’interroge en public le député Ali Mhadji.
La loi Kenneth a été adoptée, même si le président de la séance n’a pas compté les voix.
22 millards pour le relèvement de Keneth
Le gouvernement battait le pavé pour l’adoption de loi dite kenneth. Ce qui permettra à la banque mondiale d’octroyer au peuple comorien une somme de r5 millions de dollars. 11 millards fc comme don et 11 millards fc de prêt dont le remboursement commencera dans 10 ans. Des grosses sommes qui seront décaissées au mois de mars, selon le ministre des Finances, et qui s’ajouteront au 10% retirés des salaires des fonctionnaires comoriens. Avec la grande surprise, le nord de la Grande-Comores, zone où Kenneth a le plus touché les familles, n’aura aucun centime. Aucun relèvement du secteur agricole n’a été prévu non plus. L’interrogation a été soulevée en plein débat par des députés qui ont d’ailleurs qualifié ce choix de « choix politique ». Mais, le ministre des finances a assuré que ce domaine et cette région ont été planifiés mais dans d’autres projets et par d’autres partenaires dans son exposition.
Pourquoi les députés ont bloqué l’examen des autres projets ?
La guerre froide entre les parlementaires et le président de la séance s’est transformée en guerre des tranchées. Ils haussent le ton. Une querelle a été déclenchée. Les députés montrent leurs muscles. Ils bloquent la séance et exigent que les membres du gouvernement sortent de la salle. Le ministre de l’Intérieur, qui n’est plus en charge de l’Information, fait sortir aussi les journalistes. Les députés exigent que la loi d’amnistie adoptée en commission le 9 novembre dernier et qui a été avortée par un claquement de doigts de Mohamed Daoudou avec l’aval du « prince » soit remis dans l’ordre du jour.
Ils exigent aussi que l’ordonnance qui régit les finances soit aussi examinée. Ce qui n’est pas vu d’un bon œil par le gouvernement : « On ne peut pas voter une loi de finance sans valider et légitimer l’ordonnance de 2019 qui régit les finances jusqu’à maintenant », déclare Ibrahim Mohamed Soulé, député de Moroni Nord. « Sans notre proposition de loi d’amnistie, nous ne pouvons pas continuer. C’est une humiliation à notre intelligence “, ajoute Soulaimana Mohamed Soilih, député de la circonscription de Hamahame-Mboinkou. Ce qui n’est pas du tout vu d’un bon œil par le ministre en charge des institutions qui n’arrivait pas à distinguer la grâce et l’amnistie : ” Ils ne sont pas en prison. Je ne sais pas ce qu’ils ( les députés ) veulent. Le président de la République les a déjà graciés. C’est fini. Il n’y aura pas d’amnistie », jure-t-il. La loi d’amnistie devait en principe permettre aux personnes condamnées par la fameuse Cour de sûreté de l’Etat de retrouver leurs droits civiques et de se réinsérer avec leurs activités professionnelles.
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Une session extraordinaire ?
Il n’est pas exclu qu’une session extraordinaire soit convoquée avant l’arrivée d’une nouvelle mandature en mars prochain. On imagine mal que le gouvernement laisse passer deux années sans loi de finances. Les deux parties semblent prêts à revenir : « C’est le président de la République qui décidera. Possible qu’ils soient rappelés », affirme Mohamed Daoud, le ministre de l’Intérieur.
Les députés sont aussi prêts à revenir mais restent fidèles à leur proposition de loi : « Nous reviendrons s’ils nous rappellent. Mais sans avoir eu gain de cause sur nos doléances, nous n’allons pas accepter qu’ils nous humilient ».
En tout cas, les visiteurs de l’Assemblée nationale ont assisté à un véritable film dont le personnage principal était le président de la séance, en même temps vice-président, Maoulana Charif.
Ali Mbae