Aux Comores, la sculpture, la peinture et l’architecture sont visibles depuis la construction par nos artisans d’objets de menuiserie et de décoration uniques, influencés par les divers héritages laissés par nos ancêtres venus de la côte est africaine et la calligraphie héritée des Arabes. On peut penser aussi au travail du fundi en charge de dessiner la maison de la jeune fille qui a une place prépondérante dans la société : l’esthétique d’une maison peut déterminer plusieurs codes sociaux. Par Nawal Msaidié
L’art de dessiner et de peindre a longtemps été méconnu aux Comores « sans doute à cause du caractère essentiellement oral de la culture, combinée à la fois à une idée faussement répandue que l’Islam interdit l’icône et la représentation de la figure humaine et animale » (association d’artistes plasticiens des Comores mise en place par le programme culturel Bantu organisé par le Centre Internationale de la Civilisation Bantu-CICIBA). Ces dernières années nous assistons à une mise en valeur des arts figuratifs et abstraits notamment avec le succès rencontré par le premier Festival des arts contemporains aux Comores (FACC) en 2014.
La valorisation de l’art
Quand on parle d’artistes-peintres aux Comores, on pense bien évidemment d’abord à Modali et Napalo qui ont ouvert la voie pour la valorisation d’un art plastique à la comorienne. Cette valorisation est non seulement mise en valeur sur le territoire, puisque chacun d’eux expose ses œuvres dans une galerie personnelle, mais aussi parce qu’ils s’exportent dans le monde entier. En 2005, le magazine Jeune Afrique désignait Modali comme un « artiste éclectique » et parlait de ses œuvres exposées et vendues « à la Réunion, en France métropolitaine, à Maurice… et même jusqu’en Namibie. »
Les artistes travaillent beaucoup à la valorisation de leur art en exposant leurs œuvres lors de différents événements organisés dans l’archipel ou en profitant d’opportunités à l’international.
Hissane Guy, gérante de la galerie CAD‘Art, est galeriste, mais pas artiste. Pourtant, sa passion pour ce qu’elle qualifie comme étant « un art vivant » est immense. En 2010, elle inaugure CAD‘Art avec une « exposition des peintures abstraites de l’artiste Seda ». Elle y expose des objets traditionnels et contemporains. C’est une véritable mécène pour les artistes qu’elle appuie et valorise au quotidien. À Moroni, chacun se rappelle que lorsqu’elle était présidente de l’Office national du Tourisme (ONTC), les locaux de l’institution étaient une étape du FACC en 2014. Elle y a aussi accueilli l’exposition « Msuko Coiffe » des artistes Seda, Da Genius et Zainou pendant plusieurs mois. Elle évoque le parcours des artistes qu’elle a soutenus depuis son engagement dans la discipline avec beaucoup de fierté. La culture, les arts, tout comme le tourisme sont pour elle des activités dynamiques qui permettront des avancées économiques et sociales majeures pour le pays si elles sont valorisées régulièrement et avec ingéniosité.
L’art plastique est une activité en vogue dans le monde professionnel puisque s’organisent régulièrement des expositions, par exemple l’exposition « Magnile » de Dagenius à l’Alliance franco-comorienne s’est terminée le 20 septembre, mais ne bénéficie toujours pas, comme beaucoup de métiers de la culture, d’assez de reconnaissance. En dehors des quelques galeries ouvertes grâce à l’initiative personnelle des artistes (Napalo, Modali, Soule Ali et tant d’autres), il n’existe pas de lieu de création adéquat et adapté aux besoins du métier. Les initiatives bénéficient de peu de financement tant par l’État que par d’éventuels mécènes. Les clients existent, mais ne s’incluent pas dans des activités de développement de la discipline. On peut expliquer cela par le fait que la clientèle plus sensible à cet art est étrangère et donc présente de façon éphémère sur le territoire.
Des prémisses d’éducation à l’art plastique sont mises en place, mais malheureusement plus dans les écoles privées que dans les écoles publiques, or rendre à l’art visuel ses galons c’est à dire considérer comme aussi important que du français et des mathématiques permettrait aux jeunes esprits d’être sensible à toutes les formes d’art qui les entoure et ainsi chercher à valoriser les éléments qui les entourent, car comme le dit la célèbre œuvre de Ben Vautier « l art est partout ».