Les dépôts des candidatures pour les élections présidentielles et des gouverneurs ont été clos vendredi soir. Il y a globalement moins de candidats que d’habitude et de nombreux retraits de dernier moment.
Par MiB
À l’image de plusieurs dictateurs africains, le chef de l’État comorien, Azali Assoumani, est candidat à un troisième mandat successif. Malgré les rumeurs lancées à gauche et à droite, il est plus que probable que l’homme n’a jamais envisagé de ne pas se représenter ou même d’envoyer son fils à sa place. On peut penser que même en 2029, il se présentera, même si la Constitution qu’il a manipulée pour pouvoir avoir trois mandats le lui interdit pour le moment. En effet, peut-on imaginer cet homme qui a commis autant de forfaitures, qui a emprisonné des opposants, qui a couvert des tortures qui ont mené jusqu’à la mort d’au moins deux personnes, puisse se mettre en danger en cédant volontairement le pouvoir à ses opposants ? C’est inimaginable. Depuis le début, Azali Assoumani ne laisse pas à l’opposition la possibilité d’un changement pacifique du pouvoir par des élections. Et c’est cela qui a amené certains à trouver inutile d’aller encore une fois gaspiller de l’argent en sachant que l’armée et la Cour Suprême qu’il a mise en place lui donneront de nouveau le pouvoir, quelle que soit l’issue des élections.
La fraude est inévitable
Après le long débat sur l’utilité de participer ou non à des élections dont la fraude est déjà préparée et évidente, l’opposition sera représentée par plusieurs candidats aux présidentielles et aux élections des gouverneurs des 14 janvier et 25 février 2023. Une bonne partie de l’opposition autour de Mohamed Ali Soilihi dit Mamadou et de Mohamed Boina reste campée sur l’idée qu’il ne faut pas participer à des élections contrôlées par le pouvoir qui a placé ses hommes à tous les points de contrôle de la régularité du scrutin, de la CENI à la Cour Suprême dont tous les juges ont été nommés par le chef de l’État actuel, après avoir suspendu en 2017 la Cour constitutionnelle et mis en place une nouvelle constitution. Un pouvoir qui a déjà montré en 2018 et 2019 ses capacités à inventer ses propres chiffres sans tenir compte des urnes.
La participation d’une partie de l’opposition est en quelque sorte une première victoire pour le camp Azali qui a réussi à imposer l’idée d’élections, même quand les adversaires savent que les dés sont pipés d’avance. Pour cela, il a fait beaucoup de promesses aux membres de l’opposition qui, tel l’ancien porte-parole du Front Commun, Ibrahim Abdourazak Razida, qui souhait vivement aller aux élections. Finalement, ceux-ci se rendent compte qu’Azali Assoumani ne pouvait pas aller aux élections en suspendant des principes contenus dans le Code électoral. Le Chef de l’État a tout de même retenu sa main et n’a pas signé la loi qui interdisait à ceux qui avaient une deuxième nationalité de participer aux présidentielles, selon un avocat de la place.
L’énigme Dr Salim Issa Abdallah
Mais, le chef de l’État avait-il prévu la sortie du médecin Salim Issa Abdallah comme candidat du JUWA ? Il est certain que cet homme originaire de Foumbouni et apprécié dans la région du Mbadjaini, qui a fait renoncer aux présidentielles à deux candidats, Assoumani Saandi et Ibrahim Mzimba, qui se sont ralliés à lui, pose problème au pouvoir Azali.
La participation du parti JUWA, principal parti de l’opposition et parti majoritaire avant l’avènement de la dictature et l’emprisonnement de son leader Mohamed Abdallah Ahmed Sambi, est acquise. Le parti a officialisé la candidature de Salim Issa Abdallah le 12 novembre dernier dans sa ville natale. Juwa n’a pas seulement enregistré des ralliements de politiciens de poids, il a noué des accords électoraux qui lui permettent d’avoir un candidat au gouvernorat d’Anjouan (Mohamed Soilihy) et de soutenir des partenaires à Ngazidja (Midhoire Sagaf) et à Mwali.
Confirmations
Parmi les candidats qui ont été conformes à leur position de participer à ces élections, il y a Mouigni Baraka. Il a très tôt appelé l’opposition à se préparer. Il a même rencontré Azali Assoumani à cet effet et certains membres de l’opposition avaient laissé entendre qu’il avait rallié le chef de l’État. Il est sans doute, aujourd’hui, le seul candidat de l’opposition qui a un représentant dans la CENI, en la personne de Me Gérard Youssouf. Il a également fait une démonstration de force en se faisant accompagner par une foule de ses partisans lors de son dépôt de candidature. Mouigni Baraka est incontestablement l’outsider de ces élections.
Achmet Saïd Mohamed quant a lui a choisi la discrétion pour aller déposer sa candidature à la Cour Suprême. Après trois ans passés en exil forcé en France, l’ancien enseignant à l’Université des Comores souhaite affronter Azali Assoumani sur le terrain des élections. Il va pouvoir mesurer son audience et compter les militants qu’il lui reste.
Comme c’était annoncé depuis quelques mois, Mohamed Daoud Kiki est candidat. Qui l’eût cru ? L’emblématique ministre de l’Intérieur d’Azali, celui qui a provoqué l’arrestation d’Ahmed Sambi par une simple note et a initié les tortures au sein même du ministère de l’Intérieur se présente contre Azali Assoumani lui-même. Va-t-il réussir à démontrer à l’électorat comorien médusé par sa candidature qu’il a rompu avec la dictature azaliste ? Rien n’est moins sûr.
C’est la même question qui va poser pour les deux « novices » que sont Elanrif Lavane (plus connu sous le pseudonyme de Jack Lavane) et Natuk Mouzaoir. Le premier a tenté avec le mouvement Diaspora+ de rallier la diaspora au régime en place, avant de s’en éloigner et de peaufiner dans l’ombre sa candidature. Le second avait pris langue avec des proches du pouvoir pour impulser une démarche de réconciliation de toute la classe politique avec Azali Assoumani.
Moins de candidats
De nombreuses candidatures ont disparu sur la route de la CENI ou de la Cour Suprême : Nour El Fath Azali, Maliza Saïd Soilihi Youssouf, Najda Saïd Abdallah, Assoumani Saandi, Ibrahim Mzimba… Elles n’ont été que des feux de paille ou des tentatives gonflées par des journalistes en services, mais qui n’ont pas pris.
Aux présidentielles de 2016, il y avait 25 candidats, en 2019, la dictature s’étant enracinée, il n’y a eu que 13 candidats. Cette fois, il y a eu 23 retraits de dossiers, mais uniquement 11 ont été effectivement déposés. Et la Cour Suprême n’a pas encore dit lesquels elle valide.
Les candidatures au gouvernorat sont aussi moins nombreuses que par le passé. Et curieusement le nombre de candidats validés par la CENI est quasiment le même dans chaque île nonobstant le nombre d’électeurs : dix à Ngazidja et Ndzuani et 9 à Mwali.