Chaque 24 novembre, une marche pacifique est organisée dans le cadre de la journée de lutte contre les violences faites aux femmes. Cette année, en plus, un débat public a eu lieu place de l’indépendance à Moroni, avec des questions restées sans réponses. Aucune autorité compétente n’a daigné y participer.
La journée de la lutte contre les violences faites aux femmes a été célébrée samedi 24 novembre place de l’indépendance. Tôt le matin, à 7 heures, une marche pacifique a été organisée. Le rendez-vous a été fixé devant le lycée Saïd Mohamed Cheik pour le départ. Arrivée place de l’indépendance, à quelques mètres du ministère de la protection sociale, de celui de la justice, du Tribunal de Moroni et du commissariat au genre.
Pas moins de 80 femmes ont fait la marche. Avec à leur tête les présidentes de l’ong Hifadhi, Rahamatou Goulam, et de Mwana Tsi Wamdzima, Najda Said Abdallah. Une cinquantaine de personnes, environ, ont assisté au débat public. Des échanges nourris par les réflexions du docteur Abdoulhakim, du directeur des affaires sociales, Ahmed Said Ahmed et de Said Ibrahim, psychologue. Objectif, sensibiliser les femmes présentes sur le genre de violences qu’elles peuvent subir. Que ce soit sexuelle, verbale, économique, physique et autres. Mais aussi prôner la dénonciation de ces actes. Encourager les femmes à briser la loi du silence imposée par la société, rompre les chaines de la honte, du déshonneur et du qu’en dira-t-on.
Selon Abdoulhakim, si cette violence se multiplie, c’est par ce que «la loi n’est pas appliquée. Aujourd’hui, nous n’avons pas de souci de textes mais le problème se pose sur l’application de ces derniers»
Ahmed Said Ahmed, lui, a préféré faire l’état actuel sur ce problème aux Comores, 6 ans après le meurtre commis par Mafoura. Cette année 2018, rien qu’à Ngazidja, 207 cas de violences ont été enregistrés. On décompte 188 agressions sexuelles, 18 sévices physiques. 19 petites filles victimes de viols, en plus du crime subi, sont tombées enceintes. Cependant, depuis les actes de Mafoura, les autorités ne peuvent donner des chiffres concrets sur les femmes qui ont succombé des mains de leur mari ou conjoint.
Un débat à sens unique
L’assistance était d’accord au moins sur une chose. Cette violence est un problème national. C’est une abomination et qu’il faut à tout prix trouver des solutions. Cependant beaucoup de questions sont restées sans réponse. Ni le Ministère de la justice, ni le parquet de Moroni, encore plus le Ministère de la protection sociale ou le commissariat au genre n’a été présent à ces échanges. Ce qui signifie que la voix du pouvoir public a manqué au débat. Etant entendu que seules ces autorités compétentes pouvaient se justifier sur les défaillances et autres mesures de prévention, de protection et de sanctions à mettre en place et les dysfonctionnements constatés. Même si l’assistance pouvait proposer des solutions pour infléchir la courbe et changer la donne, mais l’application dépend de la sphère des politiques.
A charge
C’est aussi un débat à charge. Et pas le moindre, et le Ministère de la justice et le parquet de Moroni, grands absents ont été pointés du doigt par les participantes. «Ce n’est pas possible de continuer dans cet enfer» déclare une femme. Pendant qu’une autre ajoute «comment peut-ont me demander de pardonner, d’oublier?». Et un homme de renchérir, «si moi père qui a porté plainte, car ma fille aurait été violée, agressée sexuellement, et que le lendemain, malgré la peine infligée adéquate ou pas, je croise son agresseur dehors, et le fracasse la tête avec une pierre, est-ce moi le coupable ou la justice ? » interroge-t-il.
Ce qui revient sans cesse et surprend, sont à la fois les peines infligées et surtout l’exécution des sanctions. Des interrogations sur la non application de la loi Mourad, laquelle qualifie ces actes de criminels. Le choix d’autres qualifications, n’est-ce pas minimiser ces actes ? Une autre source de mécontentement des défenseurs de la protection des femmes et des enfants, c’est le sentiment d’impunité dont bénéficieraient les coupables. Le fait que certaines personnes condamnées se retrouvent en liberté, parfois, quelques jours après le verdict prononcé. Une situation qui nourrit des velléités de se faire justice.
Par Hayatte Abdou