La création de l’orchestre Twarab Ayn traduit la renaissance d’un genre musical autrefois très prisé, mais aussi la volonté d’un groupe autour d’une association, Uwanga, dont l’un des objectifs est de faire revivre la culture comorienne par ce qui fut grand en elle.
Après la disparition des grands orchestres, et même de grands chanteurs de twarab, dont le dernier fut récemment Mohamed Hassani de Ntsaweni, ce genre musical a quasiment disparu aux Comores. C’est dire que les hommes qui composent cet orchestre nouveau font de la résistance. Retrouver la beauté de ce qui fit la grandeur des îles qui composent l’archipel des Comores, cette délicieuse mélodie qui traverse le temps et qui peut réunir les anciens et les nouveaux, c’est la mission que s’est assignée ce groupe.
Night twarab à Zanzibar
Twarab Ayn, le tout jeune orchestre de twarab créé aux Comores en juin 2022 a récemment été invité à jouer à Zanzibar, l’île qui est le « berceau du twarab en Afrique de l’est ». À l’occasion de la célébration de la journée du kiswahili, l’orchestre a participé au festival « Night twarab », réunissant plusieurs pays et organisé par l’UNESCO. Les musiciens qui composent Ayn et qui l’ont fondé sont très fiers d’avoir fait le voyage et ils ressentent une certaine reconnaissance de leur talent. « Tout s’est merveilleusement passé, que ce soit l’accueil ou l’hébergement », affirme Abderemane Wadjih, l’un des piliers de l’orchestre et fondateur d’Uwanga. Il ajoute immédiatement : « Au niveau de notre prestation musicale, nous avons été à la hauteur. Je pense que nous avons fait sensation si j’en crois aux nombreuses félicitations venant du public et même des autorités présentes. »
Le twarab véritable, le twarab classique
L’existence de cet orchestre ne tient à presque rien, sinon la volonté et la passion des musiciens et des administrateurs, qu’il fallait déjà trouver et convaincre. Ils se sont donnés pour objectif, au sein de l’association Uwanga, de remettre au goût du jour ce genre musical qui est en voie de disparition aux Comores. En effet, après avoir connu ses moments de gloire aux Comores dans les années 1960 et 1970, voire dans les années 1980, le véritable twarab a peu à peu disparu des festivités, remplacé par des musiques plus modernes et par la variété, à partir des années 1990. Il s’agit surtout pour les promoteurs de l’orchestre de retrouver un twarab authentique en utilisant au maximum les instruments qui étaient en vigueur dans les orchestres aux Comores lorsque cet art était au sommet : le violon, l’oud et autres congas. D’où ce nom, Twwarab Ayn. Le twarab véritable, celui qui ravit la vue et l’ouïe, le twarab classique.
Des finances qui font défaut
Dès le départ, les musiciens ont peu d’argent, mais ils croient fortement en leur projet, à l’image d’Abderemane Wadjih qui affirme : « On n’est qu’au tout début de notre chemin et la consécration viendra. On travaille depuis un an pour justement arriver à cette consécration ».
Les premiers instruments ont été financés par l’association Uwanga et ce n’était pas évident, car les finances de l’organisation sont limitées, alors que par exemple un violon coûte 500€, un ould 600€ et un piano oriental 1500€. Certains instruments, comme la contrebasse, sont fabriqués sur place. Il fallait aussi trouver un endroit pour les répétitions et assurer le transport de chacun. « Financer un tel orchestre est incroyablement difficile, et cela à plusieurs niveaux. », affirme Abderemane Wadjih. « Nous avons été confrontés à un nombre incalculable de difficultés, mais les musiciens ont tenu le coup. Ils ont été très patients même si, parfois, le découragement nous atteignait devant le manque de soutien de nos autorités. »
Après sept mois de répétitions dans le plus grand secret, en décembre 2022, l’orchestre se produit pour la première fois au CNDRS, le soir de la finale de la Coupe du monde. Ce premier concert n’a donc pas rencontré le succès et il a même creusé dangereusement les finances de l’orchestre. La déception est là, mais pas le découragement, ils sont sûrs d’être sur le bon chemin. Pourtant, les grandes sociétés de la place qui soutiennent un peu tout et n’importe quoi rechignent à leur apporter le soutien nécessaire. Le gouvernement, non plus. Qu’importe ! Dans le concert suivant, l’Alliance française est pleine, puis suivent de nombreux succès.
Pour acheter d’autres instruments et surtout commencer à s’autofinancer, le groupe a décidé cet été de se lancer dans le twarab de mariage. Il a donc accepté quelques dates. Il se produira ainsi à Bweni ya Bambao le 15 juillet, à Tsidje le 28 juillet et à Ikoni le 29. D’autres dates sont en discussion.
Uwanga, pour la renaissance des Comores
Twarab Ayn s’inscrit ainsi parfaitement dans les objectifs de l’association Uwanga (dont l’appellation adéquate devrait être ndo uwanga). Cette association fondée et gérée par des comoriens dont une grande partie d’entre eux sont des artistes, s’inscrit dans la même démarche, même si c’est à une moindre mesure, que la Renaissance française ou le mouvement de la négritude dans la mesure où, « il prône ouvertement l’idée d’une remontée aux sources et celle d’un renouveau, d’un nouvel essor de la culture comorienne dans sa globalité et dans tous ses composants au premier rang desquels l’homme lui-même tant il est vrai que la culture n’est pas une réalité autonome que l’on peut considérer indépendamment de ses acteurs », explique le fondateur, Abderemane Wadjih. Uwanga se veut donc le mouvement de la Renaissance comorienne.
Depuis sa création, les promoteurs effectuent des recherches, mènent des actions culturelles, diffusent des émissions et présentent des parcours et des profils culturels exceptionnels. La création du Twarab Ayn est donc le plus grand projet de l’association, sa plus grande réussite, pour le plaisir des admirateurs du twarab comorien.