Pas moins de 14500 étudiants se sont inscrits à l’Université des Comores. Du coup, le casse-tête de leur accueil dans des conditions acceptables revient comme un boomerang qui perdure. 4 heures du matin, c’est l’heure qu’il faut être à la faculté de droit et des lettres pour espérer avoir une chaise. Sont 247 enseignants permanents et 49 à contrat à durée déterminée qui ont la charge de ses étudiants. Soit un ratio de 59 étudiants par enseignant. Une situation qui explique la faiblesse de l’encadrement. Mais, cette année le Ministre de l’Enseignement Supérieur, Mahamoud Salim a prévu des mesures d’urgence. Elles seront appliquées dès le premier semestre.
La rentrée universitaire a eu lieu le premier octobre et le casse-tête de l’accueil de ces milliers d’étudiants dans des conditions acceptables continue de hanter les autorités compétentes. Les étudiants quant à eux ont le sentiment d’être abandonnés. 26 jours depuis que les étudiants de l’Université des Comores ont pris le chemin des campus. Une rentrée « forcée» compte tenu de la conjoncture. Pas moins de 14 500 universitaires pour 247 enseignants permanents et 49 autres, avec un contrat à durée déterminée, telles sont les données.
C’est un constat, la rentrée universitaire s’est effectuée dans des conditions précaires. D’abord les caisses de l’udc sont vides. Ensuite, les effectifs dans les sites ont doublé pourtant, aucune salle n’a été construite pour accompagner cette augmentation.
Ce sont des étudiants qui se lèvent à 4heure du matin pour espérer avoir une chaise et suivre les cours. Certains passent toute la journée sans voir à quoi ressemble leur enseignant ou le tableau, faute de place. Des hauts parleurs, pour permettre à ceux qui sont loin derrière de suivre les cours, il faut attendre que les étudiants achètent la sono. Les salles construites pour accueillir une cinquantaine d’étudiants et qui, actuellement, reçoivent plus du double.
Dans le gouffre
Cela fait pratiquement 5 ans depuis que la faculté des lettres et de droit remportent haut la main la palme des batailles rangées de chaises. Cette année 2018-2019 ne fait pas exception. « Nous avons sorti les tables bancs pour ajouter des chaises, augmenter le nombre à l’intérieur de la salle. Vu que la plupart de nos camarades s’assoient dehors pour suivre les cours. Nous n’avons pas de table pour poser nos cahiers et écrire. Pourtant ce n’est toujours pas suffisant. Plus d’une vingtaine reste toujours dehors. Ce n’est pas possible d’apprendre dans des conditions pareilles» s’insurge Moussuf Youssouf, en deuxième année d’Administration Economique et sociale.
En effet, sont des salles pleines à craquer dans un campus totalement insalubre. Ce dernier porte à lui seul tous les problèmes que rencontre l’université aujourd’hui. L’insécurité et aussi grandissante. C’est un open space, tout le monde peut entrer et sortir sans aucun contrôle. Mais pas que. Ce sont les étudiants eux-mêmes qui se chargent de sonoriser les salles. « Nous cotisons à chaque cours pour louer la sonorisation. Comme nous sommes nombreux c’est capital. Pas de sono pas de cours. Pourtant l’administration est au courant, notre chef de département aussi. Mais ils n’ont jamais levé le petit doigt » accuse-t-il. Et une autre de rajouter, « vous savez, dès fois lorsqu’on ne trouve pas de place, on glande dans la cour, jusqu’à la fin de la journée. On ne peut pas rentrer à la maison. On évite les questions. La solution est d’attendre que les autres apprennent, écrivent et font des photos et nous envoyer par Whatsapp. Ce n’est pas normal » se désole Fahima, en deuxième année de lettres.
Cette année l’effectif de la faculté des lettres a doublé : 200 étudiants pour la première année pendant que la troisième année, en compte une centaine. Pourtant les salles sont prévues n’en recevoir que la moitié. Lorsqu’on demande comment les étudiants s’assoient la réponse est « on fait avec les moyens du bord».
Dans ces conditions, certains responsables disent que c’est « normal que le niveau des étudiants soit lamentable», car l’encadrement n’est pas assuré, dans ces deux composantes. Sont 2750 étudiants pour 27 enseignants rien que dans la faculté des lettres. Cela veut dire que 59 étudiants pour un enseignant. « On n’a pas de travaux pratiques. Comment voulez-vous que ça fonctionne? Sont des études de lettres, pas des maths. Lorsqu’on fait des exploitations de texte à des groupes de 100, excusez moi, mais rien ne va » s’interroge un haut responsable du département. Tout cela pour dire que « certes l’espace est un grand handicap, mais nous n’avons pas non plus les ressources humaines nécessaires pour dispenser un enseignement de qualité».
Mieux lotis que les autres
Si les responsables de la faculté des lettres et sciences humaines sont tiraillés par autant de problèmes, à celle des sciences, la rentrée a eu lieu dans des bonnes conditions. C’est une faculté en plein travaux, où nous avons mis les pieds. Et un doyen qui accompagne les étudiants pour la réalisation. La norme c’est « une salle de 30 étudiants. C’est suffisant. Surtout avec cette chaleur étouffante », raconte Achmet Said Ahmed, Doyen de la faculté des sciences. Et de rajouter, « notre problème actuel sont les premières années, dès fois, seulement lorsque nos grandes salles sont prises. Mais j’avoue que nous faisons tout pour que les étudiants soient le plus à l’aise possible ». Contrairement aux salles de la faculté de droit et des lettres dépourvues de bancs, à l’école de santé, elles sont mieux équipées. Même constat à Imamou Chafiou qui a une grande capacité d’accueil. On trouve des salles d’une capacité d’une centaine d’élèves. A l’Iut aussi, les étudiants sont mieux lotis. En plus, les sites sont sécurisés.
Pour quelles solutions?
L’université des Comores a-t-elle été créée sur un coup de tête? Ou l’espoir de voir des milliers d’étudiants comoriens était lointain. L’une ou l’autre cela n’a aucune importance. Car à chaque année les effectifs augmentent. Ces cinq dernières années c’est devenu un ring, ou des chaises s’envolent pour atterrir sur des têtes. Le fond de crise sur lequel la rentrée 2018-2019 s’est effectué, n’excuse pas les autorités de n’avoir pas pris les mesures d’accompagnement idoines, à ce qui est devenue une normalité. Ce n’est pas normal, qu’un étudiant s’assoit sur le bord d’une fenêtre pour suivre son cours.
Néanmoins, selon le Directeur de Cabinet du Ministère de l’éducation Nationale et de l’enseignement supérieur, Nourdine Salim, des mesures particulières seront prises dès que le ministre sera de retour d’Anjouan. Selon lui, Mahamoud Salim, a pris la décision de restructurer l’Enseignement supérieur, et l’accueil serait une priorité.
A part l’amphithéâtre, de 1200 places en construction, des grandes salles même si le toit serait en tôle seront bientôt construites en urgence pour répondre aux attentes. Car « aujourd’hui, nous ne pouvons pas faire l’école Aristote » autrement des cours en plein air.
Cette construction entrera en vigueur dès que la note en conseil sera validée. Cette solution sera mise en œuvre dès le premier semestre. Le deuxième changement qui sera effectué, est pour consolider la cohésion sociale dans les milieux estudiantins. L’Université sera décentralisée, les plus grandes facultés seront dispersées dans les trois îles. Ainsi les étudiants de la Grande Comore peuvent aller à Anjouan ou Mohéli pour la faculté des lettres ou droit ou encore l’Ifere. La troisième mesure est d’assurer un enseignement de qualité aux étudiants comoriens. C’est pour cette raison, « qu’avec l’accompagnement du président de la République, nous allons faire en sorte que les enseignants comoriens qui dispensent des cours à l’extérieur viennent pour prendre place à l’udc ».
Des promesses
Sont des engagements pris envers des étudiants cristallisés par le manque de « tout » qui reviennent à chaque année les hanter. Le Ministre de l’Education Nationale affiche une volonté de mieux faire. Peut-être le syndrome d’un enseignant qui a vécu les mêmes galères. Mahamoud Salim aurait le soutien inconditionnel d’Azali Assoumani. Cependant aujourd’hui et les enseignants qui s’étranglent la voix, et les étudiants qui sont hantés par les scènes de chaises volantes, ne se contenteront pas de discours. D’ici la fin du semestre, ils mesureront par les actes concrets qui seront posé l’importance que semble accorder à l’enseignement supérieur le «Nouveau Ministre»
Par Hayatte Abdou